Qu’il pleuve, qu’il vente ou que le soleil brille sur la baie dorée, c’est un peu tous les jours le carnaval à San Francisco. Pas dans le sens où ses habitants mangent des bugnes et jettent des confettis à chaque petit déjeuner. Mais la vie à San Francisco, ça ressemble à une chanson de Pitbull : la fête ne s’arrête jamais, ou presque. Toute l’année est jalonnée de festivals plus ou moins officiels, pendant lesquels les gens s’adonnent joyeusement à toutes les folies vestimentaires et artistiques, le tout en restant relativement soft.
Déguisez-vous, qu’ils disaient
À San Francisco, le discours de bienvenue pourrait être le même que celui de McDonalds : « Venez comme vous êtes ». Dans les rues, personne, mais alors personne n’en a rien à cirer de la façon dont tu t’habilles, et tu ne seras jamais dévisagée, que tu aies quinze clous dans le nez ou un voile sur la tête.
En journée, tu peux croiser des meufs en legging fluo et grosses baskets, avec les cheveux multicolores ou à moitié rasés, et les gars ne sont pas mal non plus. Du hipster au punk, les looks vont du plus banal au plus créatif. Ils sont poussés au bout de leurs limites, et tout est permis — du moins tant que tu n’es pas au boulot.
En soirée, la mode de San Francisco n’a rien à envier à l’Angleterre. Le combo talons hauts et jupe ras-la-moule fait des ravages près des boîtes et des bars branchés, et je n’ai pas eu l’impression que le slut-shaming et son petit copain le harcèlement de rue s’invitaient au spectacle.
Bref, à San Francisco, tu peux voir de tout. Y compris des gens à poil. Le nudisme dans la ville n’est interdit que depuis novembre 2012, et encore : je ne suis pas certaine que le petit papi qui faisait l’hélicoptère en tenue d’Adam au milieu du quartier de Castro soit vraiment au courant.
La fête à la maison
Comme toutes les villes des États-Unis, San Francisco n’échappe pas aux célébrations « classiques ». Je n’ai pas eu la chance d’apprécier les costumes d’Halloween, mais le reste des fêtes nationales et internationales a accroché à ma mémoire quelques images dont la date de péremption n’est pas encore venue.
Pendant la Saint-Patrick par exemple, tu peux croiser des groupes de gens tout de vert vêtus, et la planète Mars n’est clairement pas loin. J’ai le doux souvenir d’un monsieur poilu qui portait un chouette tutu et deux petites ailes façon fée Clochette, avec une bouteille de bière à la main. Le tout était clairement assumé, et il me semble que jamais en France je n’ai vu pareil énergumène, même pas les gars qui enterrent leur vie de garçon et te réclament des capotes déguisés en Barbapapa.
San Francisco regroupe aussi l’une des plus grandes communautés chinoises en dehors de l’Asie. Du coup, le nouvel an chinois est un peu une institution. Toutes les grosses rues du centre, proches du quartier de Chinatown, sont bloquées pour laisser passer les chars.
Ceux-ci défilent à grand renfort de musique kitschouille et de percussions.
La parade est mondialement célèbre et son dragon mesure 60 mètres de long. Cela dit, tout n’est pas garanti 100% authentique, puisque Coca-Cola et la compagnie de téléphonie AT&T ont aussi droit à leur stand clinquant sur roulettes.
Il court il court, l’homme de la baie
Parmi les fiestas propres à San Francisco se trouve le Bay to Breakers, qui a lieu au mois de mai. À la base, l’événement est une grande course populaire de 12 kilomètres, qui existe depuis 1912. Elle part du Nord-Est de la ville, c’est-à-dire de la Baie, pour se terminer sur la plage d’Ocean Beach, située à l’Est.
Mais le Bay to Breakers est un peu plus funky qu’un banal coursethon d’école primaire. Les participants ne portent pas un simple dossard, mais des costumes complètement déjantés qu’ils fabriquent eux-mêmes. L’événement sportif est surtout un prétexte pour faire la fête et s’habiller comme un stand de foire.
À cette occasion, les habitants font aussi des « rooftop parties » : ils ouvrent leurs toits pour inviter leur compatriotes à chauffer le plancher, et ce dès le début de matinée.
C’est aussi le seul moment de l’année où la police ne colle pas aux miches des individus qui ramènent leur bouteille d’alcool dans la rue. Parce que faire la fête à San Francisco, c’est facile, mais attention, il faut rester discret. Comme partout aux États-Unis, ta bière n’a le droit de se promener en public que si elle est pudiquement emballée dans un sachet en papier.
Burning Man : bienvenue chez les hippies riches
San Francisco abrite aussi le siège social de l’un des plus gros festivals « alternatifs » des États-Unis, le Burning Man. Si ce blaze ne te dit absolument rien, c’est normal.
En gros, Burning Man serait parti d’une idée un peu chelou d’un gars nommé Larry Harvey, qui a brûlé un bonhomme en bois sur la plage de San Francisco avec ses potes en 1986. L’idée a plu aux gens, elle est devenue un genre de rituel annuel. Comme il n’y avait plus moyen d’être seul sur le sable, les yeux dans l’eau, l’événement a été déplacé dans le désert du Nevada pour permettre à un maximum de monde d’y participer.
Burning Man, c’est ça : pendant une dizaine de jours, les gens débarquent avec leurs caravanes, leur bouffe et leur famille, et vivent en autarcie totale dans une zone bien précise du désert. Chacun se fait son petit trip à base d’installations artistiques gigantesques, de costumes totalement improbables, de musiques plus ou moins expérimentales ou de redécouverte de soi-même, dans le partage et l’esprit jouasse. Des communautés se sont créées un peu partout autour du monde autour de ce barbecue géant.
Bref, ce n’est plus vraiment San Francisco, mais dans l’idée, ça y ressemble encore beaucoup. Sauf que le séjour hippie n’est pas vraiment accessible à tous. Le nombre de places est limité, et chaque participant doit dépenser la modique somme de 300 dollars pour avoir le droit d’aller se rouler dans la poussière.
Néanmoins, tu peux encore croiser Larry Harvey dans les rues de la ville de la maison bleue. Le gars est un très vieux monsieur complètement barré, qui a l’air de planer autant que Plastic Bertrand dans les années 1980. Cela dit, il est sûrement loin d’être gâteux, puisque sa petite entreprise devenue gros festival est carrément florissante.
Tous ensemble, tous ensemble !
Si tu es assez âgée pour te souvenir de l’euphorie en France en 1998, sache que l’équipe de football américain de San Francisco est arrivée cette année en finale du Superbowl. À part la coupure de courant mémorable et le show de Beyoncé, j’ai surtout retenu de ce championnat le soutien sans faille des San Franciscains pour leur équipe.
Le jour de la finale, toute la ville était fringuée en rouge et or, aux couleurs des 49ers, la team locale. Même à l’église de Glide Church, pendant la messe en gospel, les chanteurs avaient la tenue de circonstance et ont souhaité bonne chance aux joueurs.
Les supporters sportifs sont connus pour être des gens un peu fifous dès que leur idole passe à la télé, mais j’ai aussi été impressionnée par le déroulement des matchs de NBA, la ligue de basket américain. Celui-ci n’est pas spécifique à San Francisco mais reflète bien cet esprit de spectacle permanent.
Le public est aussi réactif que dans le Colisée de Rome, et toutes les 10 minutes, le match est interrompu par les pom-pom girls, le tirage au sort, la démonstration de l’équipe des juniors, les essais de paniers du public, et j’en oublie. Du coup, tu as un peu le sentiment d’assister à un show télévisé avec les pages de pub incluses et vivantes. Au cas où tu aurais oublié que les États-Unis, cette grande société du spectacle, est aussi le berceau d’Hollywood.
Il y a donc mille et une façon de faire la fête à San Francisco, et le plaisir des festivités appartient à ceux qui se lèvent tôt. Avec des transports en commun qui ferment à une heure du matin, mieux vaut t’ambiancer avant la tombée de la nuit.
La semaine prochaine, sortez les fourchettes, les bavoirs et les carnets de notes, je vous causerai de bouffe (pas forcément grasse) et de diversité culturelle, histoire d’aller au-delà des apparences avec la décontraction de Rim-K et Kenzah Farah.
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