Publié le 17 mai 2017
J’ai vingt-six ans et je suis une femme homosexuelle, croyante, de culture musulmane.J’ai grandi dans une famille croyante, pratiquante… Et surtout, tolérante
Je suis née en France d’une mère d’origine française et d’un père d’origine arabe.
Si ma mère a été élevée dans la tradition chrétienne (elle a fait sa première Communion, sa Confirmation, elle allait à la messe régulièrement quand elle était petite…), elle n’a jamais vraiment adhéré au christianisme. En fait, elle croit fermement en Dieu mais elle n’est pas pratiquante.
Mon père, en revanche, est un musulman pratiquant, et il tenait donc à donner une éducation religieuse à ses enfants.
En raison des nombreux préjugés qui circulent sur la religion musulmane, vous m’imaginez peut-être avoir été obligée de lire le Coran tous les matins, de porter le voile à dix ans, de faire le ramadan…
Et bien non !
Surprise !
S’il y a une chose pour laquelle je suis infiniment reconnaissante à mon père, c’est de ne jamais rien nous avoir imposé, ni à moi, ni à mes frères et sœurs.
Par exemple, je me rappelle qu’il nous avait inscrit•es à un cours d’islam tous les samedis ; un jour, je m’étais exclamée que ça m’ennuyait d’y aller, et que je trouvais certaines leçons de moral « grave abusées ».
Et bien mon père ne m’y a plus jamais envoyée.
Quand j’ai commencé à prier et à jeûner à onze ans (en trichant un peu…), c’est parce que j’avais décidé de faire comme lui. J’ai appris mes premiers versets pour lui faire plaisir et les suivants pour satisfaire ma propre curiosité.
Mais surtout, mon père nous a fortement poussé•es à nous instruire sur les autres religions, à poser des questions sur les autres façons de pratiquer sa foi et nous sommes même allé•es à la messe !
Son mot d’ordre, c’est ne pas juger sans connaître, et de toujours rechercher la vérité. Cette leçon de vie m’a forgée, et j’aime me dire que j’ai gardé cette philosophie.
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Quand j’ai rencontré ma première copine, je n’étais déjà plus vraiment pratiquante pour tout un tas de raisons personnelles, mais je croyais quand même en Dieu.
Est-ce que ma foi a gêné notre relation ? Au début, oui, clairement.
J’étais amoureuse, mais peu de temps avant de sortir avec elle, j’ai soudain essayé de ne plus la voir. Je voulais éviter « cette connerie » (comme je l’appelais à l’époque). J’ai passé un mois à retourner la question de mon orientation dans tous les sens, et à me demander :
« Pourquoi ? Pourquoi moi ? »
Pourquoi Dieu avait fait en sorte que je sois attirée par les femmes si la nature veut qu’on procrée avec des hommes ? Et si c’était Satan qui me faisait aimer les femmes ? Et est-ce que je faisais vraiment du mal en aimant quelqu’un ?
Moi en pleine crise existentielle
Heureusement, j’étais entourée d’amies précieuses qui ont su trouver les bons mots pour me faire comprendre que je ne pouvais pas m’interdire d’être heureuse comme ça toute ma vie.
Ce n’était pas la première femme qui me plaisait, toutes mes relations avec des hommes avaient échoué lamentablement et la vraie connerie aurait été de me condamner à passer une vie solitaire à pleurer sur mon sort.
Alors, quand j’en ai eu marre de me rendre malade avec mes questions sans fin, je me suis dit qu’il était temps d’agir, et je suis sortie avec elle.
Spoiler alert : j’y ai survécu. Mais la meilleure partie, c’est que ma foi y a survécu aussi !
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J’ai la foi, et ça ne m’empêche pas d’être fière de ce que je suis !
Je crois en Dieu comme je crois à la rotation de la Terre, au cycle du jour et de la nuit et à la douleur dans mon orteil gauche quand je me cogne.
C’est quelque chose que je ressens dans tout mon être, et quoiqu’il advienne, je ne pourrai jamais cesser de croire en Dieu.
Mais je ne pourrai jamais non plus cesser d’être ce que je suis.
Alors comment est-ce qu’on arrive à être homosexuelle et croyante ? En relativisant, et en s’écoutant.
D’abord, ma copine ne m’empêche ni de croire ni de pratiquer quand l’envie m’en prend et je n’essaie pas non plus de la convertir à tout prix. Notre relation est vraiment basée sur la tolérance et l’écoute de l’autre.
Ensuite, je ne blesse personne et ne fais de mal à personne ; ma relation n’a d’incidence que sur ma copine et moi.
Et puis je ne suis pas moins humaine que mes parents, mes collègues, l’imam du coin ou le pape et aucun d’entre eux n’a le droit de me juger.
Je suis en couple avec ma copine depuis quatre ans parce que je l’aime profondément et le seul qui pourra porter un jugement sur ce que je suis au fond de mon âme et de mon cœur, c’est Dieu.
Je n’ai de comptes à rendre qu’à lui et en attendant de le rencontrer, je vais vivre selon mes principes, qui se résument par « Aime ton prochain ».
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Et si tout le monde faisait un effort pour être plus tolérant ?
Aujourd’hui, je ne me dis plus musulmane.
Si je devais vraiment choisir un terme pour me définir, ce serait « déiste », mais je le trouve encore trop réducteur. En effet, je crois en beaucoup de choses enseignées dans l’islam mais je ne pourrais honnêtement pas me considérer comme musulmane tant que l’homosexualité sera bannie de cette religion. Ce serait pour moi une forme d’hypocrisie.
En revanche, j’aimerais beaucoup que les religions évoluent avec leur temps et apprennent à considérer la diversité qui existe aujourd’hui avec plus de tolérance.
Je pense aussi que les communautés LGBT devrait se remettre en question à ce sujet. Je n’ai jamais réussi à m’y sentir à l’aise, à cause de la haine des religions qui y est trop souvent revendiquée.
Dans un sens, je peux le comprendre : les religions ne sont pas tendres avec les personnes LGBT, le traitement monstrueux réservé aux homosexuels de Tchétchénie n’est que la dernière aberration d’une longue liste d’actes horrifiants.
Mais peut-être qu’il serait temps de réaliser que les chefs d’États et les dignitaires religieux ne représentent pas toute la population des croyants ? Ce n’est pas parce qu’on est croyant qu’on est homophobe, j’en suis la preuve vivante.
Je me retrouve donc un peu avec le cul entre deux chaises, incapable de m’identifier pleinement à la communauté musulmane ou à la communauté LGBT.
Mais hey, je le vis bien ! Je n’ai besoin de l’assentiment de personne pour être ce que je suis, vivre ma vie et être heureuse !
Et fuck les rageux !
Et si vous vous demandez si ma famille est au courant, la réponse est non, pas encore, mais j’ai bien l’intention de le leur dire. Ils ne seront peut-être pas ravis, mais je les aime et je crois en eux.
Je veux croire qu’ils sauront m’aimer malgré tout, et passer outre mon orientation sexuelle.
J’ai la foi !
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