Ces analyses des contenus Youtube France auraient pu provenir du siècle dernier. Numérique : le sexisme en liberté, publié ce jeudi 26 août, porte pourtant sur les 200 vidéos les plus vues en 2019 et 2020.
Piloté conjointement par la Fondation des Femmes et Science Po, le rapport s’inquiète d’une « hausse des contenus présentant une image dégradante et humiliante des femmes » ainsi qu’une représentation de la masculinité dite « toxique » encore très prégnante.
L’étude juge la représentation des femmes « dégradante » : elles sont objectivées via des procédés « insidieux — les plus récurrents étant les jeux de caméra dirigés de façon à montrer les différents attributs féminins ainsi que leurs mouvements érotiques et poses lascives ». Des propos sexuels ou sexistes sont également notés, tout comme les éléments de violences sexistes présents dans certaines vidéos. Le quatrième facteur est plus flou et évoque une « image de mépris » renvoyée par des rôles stéréotypés.
Résultat, d’après les rédactrices de l’étude citée par Le Parisien :
« Ces vidéos les plus vues, visant surtout les 18-24 ans, établissent des normes, des rôles sociaux catastrophiques, avec l’homme macho d’un côté et la femme garniture lascive de l’autre. Or ces images dégradantes, ces humiliations, passent en toute liberté sur Internet, faisant ainsi le lit des violences conjugales, trop souvent mortelles. »
En clair, YouTube est à l’image de la société. Et les clichés véhiculés par la plateforme renforcent la misogynie préexistante. Le gagnant dans l’histoire? Le patriarcat.
Pouces bleus pour les stéréotypes de genre
Sans surprise, les contenus les plus populaires sur Youtube sont ceux qui mettent en avant des hommes. Le rapport constate « une présence écrasante des premiers rôles masculins dans les vidéos avec 62,1% d’hommes et 16,3% de femmes » — les autres options possibles étant « mixtes » (6,6%), « autre » (0,5%) ou « non-applicables » (14,3%).
Plus présents sur la plateforme, c’est en toute logique que les hommes y véhiculent davantage de stéréotypes de genre. « L’hyper-viril », « le protecteur », « le séducteur », « le courageux », « le sportif », « le sachant » ou encore « le macho » : les examinatrices de l’étude étaient appelés à déterminer si le comportement des personnages masculins incarnait ces archétypes.
Selon l’étude, sur les 68,2% de vidéos reprenant à leur compte des représentations caricaturales liées au genre, 59% concernent les hommes, soit 57% du corpus total. Un chiffre néanmoins en baisse par rapport à une précédente étude du CSA, parue en 2018.
À l’inverse, les stéréotypes sur les femmes sont, eux, en hausse : 40% des vidéos représentent les femmes selon les archétypes de « la sentimentale », « la poupée » ou encore « la séductrice », soit une hausse de 34% de contenus genrés concernant les femmes en seulement un an.
Les violences faites aux femmes, des clips au #MusicToo
Le rapport de la Fondation des Femmes a étudié les contenus populaires de YouTube, qu’ils concernent l’animation (8,6 %), le divertissement (5,1 %), les tutoriels (3,5 %), le jeu vidéo ou l’humour (2 % chacun). L’écrasante majorité vise néanmoins le secteur de l’industrie musicale puisque les clips représentent presque 74% du corpus étudié.
Et si ces dernières années, les représentations de la masculinité ont connu quelques avancées côté musique avec le succès des frères de PNL affichant leur sensibilité ou les clips so queer de Lil Nas X, les comptes ne sont toujours pas bons.
Sur YouTube, les femmes ont plus tendance à être relayées au second plan mais également insultées ou violentées. Le corpus ne contient « que » 25% de contenus avec violence mais quand celle-ci s’exprime, c’est en grande majorité à l’encontre des femmes.
« 37,5% par des insultes sexistes, 25% sont des propos misogynes, 15,6% contribuent à la culture du viol, 6,3% des violences se font sous la forme de harcèlement sexuel et 3,1% de violences conjugales. »
86% des contenus dits violents sont donc perpétrés contre des femmes, en majorité via les paroles des chansons et leurs clips selon l’étude.
Rappelons, en effet, que l’industrie musicale n’est pas épargnée par le sexisme et les violences faites aux femmes. Dans le sillage du mouvement #MeToo, le monde de la musique avait fait l’objet de plusieurs révélations, notamment à travers le travail d’enquête de Médiapart ; musique classique, milieu du métal, du rap (souvenons-nous de la mise en examen de Moha La Squale pour des faits de séquestration et viols)… aucun genre n’est épargné. Un collectif #MusicToo a d’ailleurs été créé autour de ces problématiques..
L’hétéropatriarcat perce sur YouTube
D’après l’analyse, les stéréotypes de genre véhiculés s’inscrivent dans un cadre hétéronormé puisque « le rapport prédominant entre les personnages masculins et féminins demeure celui de la séduction pour 2019 et 2020 », avec 38,8% des occurrences quand les vidéos sont mixtes.
Le couple « hyper-viril » (62% des contenus stéréotypes ciblant les hommes) et « la sentimentale » (15%) file des jours heureux. À noter également que « pour les personnages féminins encore plus que pour les personnages masculins, c’est très rarement un archétype unique, mais bien tout un imaginaire stéréotypé qui est mobilisé », selon l’étude.
Le rapport dresse le portrait d’un Youtube France traditionnel, misogyne mais également très hétérosexuel. Pour les autrices, « la première piste pour changer la donne serait une modification de la loi de 1986 sur la communication pour y intégrer la régulation de l’image des femmes dans le secteur du numérique ».
Faire de la place aux femmes mais aussi aux créateurs et créatrices LGBTQI+, notamment en les protégeant mieux du cyberharcèlement, sera également une étape nécessaire pour un YouTube France moins rétrograde.
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Crédit photo : Balance ton mec, Jujufitcats x Tibo Inshape
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Les Commentaires
Je connais pas assez bien YouTube en dehors de ma "bulle" pour avoir une idée de la représentativité H/F, mais pour le streaming sur Twitch par exemple, c'est 95% masculin. Il suffit regarder le top 100 francophone, la première femme arrive 40~55ème selon les mois et le type de critère utilisé (en général on prend le nombre total d'heures regardées). Il y a selon les mois 5~7 femmes dans le top 100 francophone.
On retrouve exactement la même tendance au niveau mondial, le top 100 est 90~95% masculin. C'est pareil si on regarde le top 200, 500, 1 000 etc. Peu importe la tranche, c'est toujours 90% masculin.