« 9,7 milliards d’euros, c’est ce que les agresseurs coûtent chaque année. »
Avec ce chiffre choc mais étayé dévoilé lundi 12 juin, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles dans l’enfance (Ciivise) espère provoquer une prise de conscience collective autour des violences sexuelles faites aux enfants.
Créée il y a 2 ans dans le sillage de la sortie du livre La Familia Grande de Camille Kouchner, la Ciivise a mandaté le cabinet Prystel, spécialisé dans les études de coûts en santé publique et la prévention des violences faites aux mineurs et aux femmes. Alors que la commission sur l’inceste estime que 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles, ces presque 10 milliards d’euros représentent le « coût du déni » de notre société.
Des conséquences psychotraumatiques sur le long terme
Pour parvenir à ce chiffre, énorme, le cabinet a regroupé et recoupé de nombreuses données, parmi lesquelles des statistiques officielles, des enquêtes de victimation et de population générale ou encore des études qualitatives dont ont été extraites les conséquences « pour lesquelles les coûts peuvent faire l’objet d’une valorisation monétaire », cite Le Monde.
Plus précisément, 3 milliards d’euros correspondent à des dépenses engagées en réponse immédiate et ponctuelle aux violences sexuelles. Il s’agit de l’accompagnement et de la prise en charge médicale des enfants, de l’accès aux services de police, de gendarmerie et de justice.
Mais la grande majorité de ce coût concerne les conséquences sur le long terme des violences sexuelles subies dans l’enfance. Selon Prystel, le psychotraumatisme et les richesses non créées se chiffrent à 6,7 milliards d’euros : 2 milliards d’euros sont liés au développement des troubles mentaux, 1 milliard est consacré aux consultations médicales, 2,6 milliards aux dommages liés à des conduites à risque.
Le cabinet a aussi chiffré la perte de productivité. Parce qu’elles sont surreprésentées parmi les demandeurs d’emploi ou les bénéficiaires des minima sociaux, les personnes victimes de violences sexuelles dans leur enfance accusent une perte de revenus évaluée à 844 millions d’euros.
Aussi massif soit-il, ce montant de 6,7 milliards d’euros est sans doute en deçà de la réalité. « C’est un chiffrage conservateur, qui ne prend en compte que des postes de dépenses pour lesquels on a les données précises », détaille au Monde Lucile Peytavin, experte au cabinet Psytel. Certaines conséquences n’ont ainsi pas pu être chiffrées, faute de données suffisantes. « Par exemple, on a estimé à moins de 10 millions d’euros le budget consacré à la prévention, mais on n’a pas pu l’inclure en l’absence de données précises », précise l’experte, qui rappelle que « les conséquences coûtent mille fois plus cher que ce qu’on dépense pour les prévenir ».
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« La Ciivise gagne du terrain sur le déni » des violences sexuelles faites aux enfants
Invité ce lundi 12 juin sur France Inter, le juge Édouard Durand, co-président de la Ciivise, a appelé à mettre davantage de moyens pour accompagner les enfants victimes de violences sexuelles, et prévenir ces violences, qui ont majoritairement lieu au sein de foyers.
« Il manque la conscience des soins spécialisées (pour les victimes mineures de violences sexuelles, ndlr), il manque la formation et la spécialisation des thérapeutes, et il manque aussi de s’engager pleinement dans la lutte contre le déni. C’est pour ça que nous proposons de dire que la Ciivise doit continuer sa mission. »
Édouard Durand, France Inter, 12 juin 2023
Pour l’heure, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles dans l’enfance doit voir sa mission prendre fin en novembre 2023. Impensable, a souligné le juge Durand, qui appelle le gouvernement à pérenniser ses actions. « Témoignage après témoignage, la Ciivise gagne du terrain sur le déni. Est-ce qu’on pourrait dire aux 5,5 millions de femmes et d’hommes avec qui nous vivons dans la société et qui ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance : ‘écoutez, vous avez eu deux ans, maintenant c’est terminé’ ? Nous savons très bien à l’avance comment ça va se passer : le déni va regagner le terrain. La Ciivise est cet espace où nous faisons penser l’enfant à partir du témoignage des adultes, où nous créons cette solidarité, où nous impulsons cette politique publique de protection. »
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