Live now
Live now
Masquer
Les violences, sa transition, sa musique Janis Sahraoui révèle ses visages dans un livre bouleversant // Source : Capture d'écran YouTube
Livres

Les violences, sa transition, sa musique : Janis Sahraoui révèle ses visages dans un livre bouleversant

Après ses albums Paint your Face en 2009, L’Heure bleue en 2016, Solo en 2022, Janis Sahraoui a publié mi-mai son autobiographie Révéler mes visages, co-écrit avec Tal Madesta. La chanteuse y parle des violences scolaires et intra-famiales subies suite au décès de sa mère, de sa transidentité, et du paradoxe de la visibilité.

Sans forcément le savoir, vous connaissez forcément l’un des visages de Janis Sahraoui, ou au moins sa voix. À 35 ans, elle a déjà eu plusieurs vies, notamment sous le nom d’artiste de Sliimy. Elle les raconte dans son livre autobiographique, Révéler mes visages, co-écrit avec le journaliste Tal Madesta, paru le 15 mai 2024 aux éditions HarperCollins France. Auprès de Madmoizelle, elle raconte son parcours musical (Paint your Face en 2009, L’Heure bleue en 2016, Solo en 2022), sa transition de genre, et la violence du paradoxe de la visibilité des transidentités.

Comment Janis a commencé à chanter

J’ai commencé à chanter dans une chorale à partir de 9 ans et ma mère m’avait déjà initiée. Elle chantait beaucoup, donc j’avais des souvenirs avec elle, même si un peu flous. Elle était standardiste et en fait je chantais dans le micro de son bureau qui lui servait à passer des messages à toute la compagnie. Ça m’a appris beaucoup, beaucoup de valeurs. En fait, elle m’a aussi sauvée de ce que je vivais à côté.

Les violences scolaires et intrafamiliales subies par Janis après le décès de sa mère

J’ai perdu ma mère à 7 ans. Après ça, mon père s’est remarié un an après. Ma belle-mère était violente au sein de mon foyer et ces violences-là ont duré de mes 8 à mes 14 ans à peu près. Je fais partie de ces enfants aussi qui ont été harcelés à l’école. Il y a l’extérieur qui est menaçant, c’est-à-dire tout ce qui est lié à l’école, à des institutions qui sont censées nous protéger et quand tu rentres chez toi aussi, tu es aussi menacée. C’est très dur de survivre dans cette atmosphère. Et d’ailleurs, c’est pour ça que transformer avec l’art, ça m’a aussi permis d’échapper à la mort en fait, tout simplement. Parce que j’avais des idées suicidaires même quand j’étais enfant. Et ça, c’est un sujet hyper tabou. On n’imagine pas que ça puisse arriver à des enfants. Les violences, c’était mon quotidien.

À lire aussi : Un nouvel outil va permettre de protéger les victimes de violences intrafamiliales en 24 heures

Comment Janis a créé Sliimy pour échapper aux violences par l’art

Sans l’art, je ne serais pas là où je suis aujourd’hui. J’avais besoin d’échapper à tout mon quotidien. J’ai créé Sliimy quand j’avais 14 ans, dans ma chambre, donc dans un espace assez restreint. J’avais besoin de créer une fête aussi. La fête à laquelle je n’ai jamais eu droit, enfant. J’ai voulu mettre des couleurs et créer l’espace dont j’avais besoin.

Comment Sliimy a aidé Janis à comprendre sa transidentité

Écrire ce livre m’a aidé à me rendre compte que Sliimy était une étape aussi dans ma transition et dans mon parcours queer. Je n’avais pas forcément les mots qui allaient avec ce que je ressentais, c’est-à-dire le mot « trans » par exemple, je le connaissais pas, j’avais peu de références aussi, il n’y avait pas beaucoup de visibilité à l’époque, peu de personnes qui me ressemblaient, à qui je pouvais me rattacher.

L’univers musical de Sliimy est très pop et je pense que de toute manière, la pop m’a toujours influencée quand j’étais plus jeune, j’étais aussi fascinée par les icônes pop, comme Andy Warhol. Fascinée par cette idée aussi de pouvoir créer un personnage qui soit presque un costume que tu enfiles, qui est très lié aussi au drag, finalement. Parce qu’il y a aussi cette idée de rentrer dans la peau de quelqu’un et de performer. J’ai été assez en colère aussi, en fait. Il y a un sourire dans les chansons, mais en même temps tu sens que c’est assez trash.

Comment Janis a créé son premier album, Paint your face en 2009, à 19 ans

Le premier album, Paint your face, je l’ai sorti en 2009. J’avais 19 ans. Sa création s’est faite de manière assez artisanale. Même si j’ai signé avec Warner, j’ai écrit la plupart des chansons dans ma chambre d’ado. C’était assez nouveau d’avoir cette démarche-là dans la musique et j’ai toujours eu un peu l’impression d’être cobaye aussi à certaines périodes. Parce que je pense que, surtout à l’époque, en 2009, il n’y avait pas de projet aussi queer.

Comment Janis a compté parmi les premier·es artistes pop à faire un coming out en France

À sa sortie, j’ai fait un premier coming out assumé médiatiquement sans prévenir ma maison de disque. Parce que, pour moi ça ne me semblait pas du tout important de les prévenir. Parce que c’est la personne que je suis. Mais c’est nouveau, à l’époque, ça n’existe pas de faire ça. Ça détonne ! Aujourd’hui, Billie Eilish le fait par exemple, ou il y a plein d’artistes qui le font de manière assez détachée. Du coup, ça a choqué, ça a fait en sorte qu’il y a eu un recul aussi sur la manière dont on m’a protégée, l’investissement qui a été mis sur mon projet. Ça a fait peur, en fait.

Comment Janis a toujours navigué entre un parcours mainstream en major et l’indépendance

J’ai eu l’habitude de faire des grands écarts en soi parce que je faisais les premières parties de Britney Spears et ça m’arrivait de faire des concerts dans des tous petits espaces alternatifs à Paris : des bars, des soirées queer aussi. Et puis, c’est ce qu’on vit aussi, parce que la visibilité, ça veut pas forcément dire qu’on est en sécurité en fait. Aujourd’hui, en tant que femme trans, ce n’est pas parce que je suis visible que ça veut dire qu’on est protégées. On assiste vachement en ce moment à un recul de nos droits, en tant que personne LGBT+, et trans en particulier. On doit se battre dix fois plus, mais en même temps, on n’a jamais eu autant de visibilité. On est habituées à ça malheureusement, on n’est pas forcément safe en fait.

À lire aussi : Toute la pluralité des transidentités est explorée dans cette série-documentaire aussi accessible que passionnante

Comment Janis a laissé Sliimy derrière elle et poursuit de nouveaux projets musicaux

En France, on a du mal à se dire qu’on peut évoluer, changer de projet, surtout dans l’art, je me laisse une totale liberté. Si j’ai envie de changer de nom, changer de projet, créer des personnages, c’est un espace complètement libre en fait, l’art et Sliimy pour moi, ça fait partie d’une période de ma vie. C’est trop lié à mon adolescence, à mon enfance. Je ne vais pas pouvoir performer en tant que Sliimy à mes 35 ans. Je n’ai pas envie en fait. C’est hyper beau de pouvoir le faire de cette manière.

J’ai créé après Sliimy beaucoup de choses, il y a eu L’heure bleue, un EP après, sous mon prénom, que j’ai changé après. Je me laisse toutes les libertés et c’est des projets qui ont eu aussi un autre succès et personne ne savait forcément que j’avais été Sliimy. Et j’adore créer des projets comme ça.

Pour l’EP suivant, Solo, c’est une autre histoire. C’est plus lié à mon début de transition. Le titre « SMTH » avec Lalla Rami, comment se célébrer, célébrer sa queerness, le fait d’être “fierce” de se donner de la force.

Pourquoi Janis a écrit ce livre afin de faire archive

Moi, ce livre, pour moi, il permet de faire un état des lieux aussi de tout ce que j’ai construit. Et je trouve qu’on a parfois peur de parler de ce qui s’est passé avant. Moi, c’est une chose qui m’a aussi fait peur dans ma transition avant que je l’entame. C’est tout le passé puisque j’avais une image publique. Donc c’est très dur de faire une transition quand tu as une image publique. Il y a beaucoup de traces sur internet, de photos, d’articles, beaucoup de choses. C’est dur de se dire : « Je vais changer physiquement, je vais devoir faire un autre coming out ».

En fait, j’avais envie d’écrire ce livre pour dire aux gens : « C’est ok en fait, de célébrer son passé, d’en être fière, de se dire que ben oui, il y a des photos de moi avant, il y a des articles, il y a plein de choses, mais ça fait partie de ma transition. » J’attache de l’importance à archiver ma vie aussi, à laisser des traces. Parce qu’une des premières choses qu’a faites ma belle-mère en termes de violence, c’est de détruire les photos de ma mère. Genre, j’avais 8 ans et elle a déchiré toutes les photos de ma mère. Donc il m’en reste très peu. D’ailleurs si on me suit sur les réseaux, je poste souvent la même photo.

Je veux laisser des traces. Même quand j’étais Sliimy, je prenais des polaroïds à chaque fois que je faisais un concert. J’ai des centaines et des centaines de polaroïds des spectateurs qui venaient me voir. J’ai plein, plein, plein de photos. Avoir ce livre me permet d’archiver et aussi que nos histoires ne tombent pas dans l’oubli.

image

Livre Révéler mes visages, de Janis Sahraoui avec Tal Madesta, 18,90 €.

Pourquoi ce livre lutte aussi contre l’invisibilisation et l’effacement des personnes queers

Il y a tellement d’histoires de personnes queer et trans qui sont tombées dans l’oubli. Et j’en parle dans la préface aussi : les visages sont aussi ceux de personnes qui ont été oubliées. Ce n’est pas que mon visage à moi. On connaît très peu notre histoire queer. Je veux les mettre en lumière. Les extrêmes droites politiques cherchent continuellement à nous effacer d’ailleurs. À faire croire qu’être trans serait nouveau, un effet de mode récent qui n’existait pas avant.

À lire aussi : Pourquoi la proposition de loi visant à encadrer les transitions de genre avant 18 ans est dangereuse

Or, on a une histoire hyper riche, il y a énormément de personnes qui ont existé, énormément de personnes qui se sont battues avant moi mais qui n’ont pas eu la chance d’écrire un livre ou de passer devant une caméra. On ne leur donnait pas cet espace-là, elles se faisaient huer quand elles faisaient des discours même pour la Pride. Donc en fait, aujourd’hui on est un peu plus visibles, ça c’est sûr. Mais du coup on nous attaque sur le fait qu’on est visible. Aujourd’hui, il faut qu’on se batte pour montrer toute la richesse de notre histoire.

Pour suivre la suite des aventures d’Anthony qui quitte Madmoizelle :

Linkedin / Twitter / Instagram


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

1
Avatar de Elfianni
23 juin 2024 à 23h06
Elfianni
Merci pour l'article, j'ai découvert sa chouette musique
Plein de bonnes ondes à Janis !
2
Réagir sur le forum

Plus de contenus Livres

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-06-24T161828.941
Livres

« Dans le cœur de mon père », rencontre avec l’autrice Nadia Aoi Ydi

Mode

Quelle est la meilleure culotte menstruelle ? Notre guide pour bien choisir

Humanoid Native
[Image de une] Horizontale (2)
Livres

« Je vis dans le monde parallèle de mon imagination », rencontre avec Kalindi Ramphul, autrice des Jours Mauves

livres-enfants
Daronne

Livres pour enfants : les 10 meilleurs albums jeunesse en mai 2024

bruno-gomiero-jp7J14W9sSg-unsplash
Livres

On a trouvé l’application e-book dont vous n’allez plus vouloir vous passer

Source : Madmoizelle
Livres

Fête des mères : 5 livres féministes qui se dévorent d’une traite

Couverture des livres "Les Liens qui empêchent", "Révéler mes visages" et "Art Queer" // Source : Éditions B42 / Harper Collins / Double Ponctuation
Livres

Neuf livres LGBT+ pour s’éduquer sur les identités et luttes des personnes queers

Source :  pixelshot
Daronne

Les 3 livres pour enfants les plus problématiques, d’après nos lectrices

2
Portrait de l'autrice de La Charge raciale, Douce Dibondo, par Céline Nieszawer // Source : Céline Nieszawer
Société

« La suradaptation des personnes racisées est une épée de Damoclès » : Douce Dibondo (La Charge raciale)

2
ovidie-1
Culture

Et si les chiens étaient les meilleurs amis des femmes ?

Chloé Delaume
Culture

« Je suis en saturation des hommes », rencontre avec Chloé Delaume, autrice de Phallers, un roman féministe jubilatoire

La pop culture s'écrit au féminin