Outre les morts et les séquelles physiques provoqués et aggravés par le Covid, la pandémie a également été révélatrice de nombreux enjeux autour de la santé mentale. Les confinements, en particulier, peuvent avoir causé des formes d’anxiété, de dépression, voire de syndrome de stress post-traumatique.
On aurait donc pu s’attendre à une explosion du taux de suicide. Et pourtant une récente étude atteste du contraire.
Grâce aux aides financières dans les pays riches, les gens se sont moins suicidés
Baptisée « Tendances du suicide dans les premiers mois de la pandémie de COVID-19 : une analyse interrompue de séries chronologiques de données préliminaires de 21 pays », cette étude psychiatrique publiée en avril 2021 par la revue spécialisée The Lancet éclaire la question.
Dans les pays à revenu élevé ou intermédiaire, les personnes se seraient suicidées à un taux plus faible en 2020 qu’auparavant. Et cela s’expliquerait par les aides financières distribués par les gouvernements pour faire face au Covid.
Durant la pandémie qui est loin d’être finie, beaucoup de personnes précaires ont alors pu bénéficier d’allocations plus importantes que ce qu’elles touchaient avant. L’étude observe ainsi que sur les 21 pays observés, les taux de suicide en 2020 ont diminué ou sont restés stables, alors que l’imaginaire collectif aurait pu s’attendre à une hécatombe.
Une autre étude sur la prévention des suicides, publiée le 22 septembre 2021 par le Journal of the Royal Society of Medicine, recense même une chute de près de 30% des suicides au Canada, sur la période mars 2020 à février 2021, comparée à mars 2019 jusqu’à février 2020.
Aux États-Unis, le taux de suicide ne faisait qu’augmenter depuis plus de vingt ans : +35% entre 1999 et 2018. Si une première baisse avait débuté en 2019 (-2%), 2020 a étonnamment confirmé cette réduction : -3% supplémentaire, relève le média NBCNews.
Cette baisse globale ne doit pas invisibiliser d’inquiétantes augmentations chez certains groupes sociaux
Nuançons tout de même que cette baisse générale ne doit pas invisibiliser d’autres tendances inquiétantes dans cette masse mortifère : une augmentation par rapport à 2019 des suicides chez les jeunes adultes, les personnes natives américaines, noires et hispaniques, rapporte le Centre de contrôle des maladies et de prévention, aux États-Unis.
Celui-ci note également comme point important à souligner dans la prévention des suicides, l’importance de faire la distinction entre un stress extrême dû à une situation de crise telle que la pandémie versus des troubles mentaux tels que l’anxiété et la dépression. Troubles qui ont sûrement été sur-diagnostiqués dernièrement, d’après Craig Bryan, directeur du programme de prévention des Suicides de l’Université de l’État de l’Ohio, interrogé par NBCNews :
« Beaucoup d’entre nous ont subi un stress accru pendant la pandémie, et ces réactions font partie de l’expérience humaine. Nous pouvons avoir des symptômes de dépression et d’anxiété trop pathologisés alors qu’en réalité, nous réagissions tous normalement à un grand changement. »
Parmi les causes multifactorielles des suicides, la pauvreté pèse lourd
Si les causes des suicides sont souvent multifactorielles, et peuvent donc parfois être liées à des troubles mentaux, ces différentes études rappellent également combien la précarité peut jouer dans un passage à l’acte.
Comme le synthétise un récent article de Slate, d’autres études ont déjà fait ce lien de corrélation entre précarité socio-économique et suicide. Mais les aides distribués durant la pandémie confirme une tendance déjà observée par ailleurs : les gens se suicident moins quand ils bénéficient de soutiens financiers. En d’autres termes, prévenir la pauvreté contribue à prévenir les suicides.
Si d’autres méthodes de prévention des suicides existent (comme davantage de pédagogie autour des troubles de santé mentale, la consultation de spécialistes, ou encore la restriction des moyens pouvant permettre de passer à l’acte), la pauvreté apparaît comme un facteur sur lequel les gouvernements rechignent à agir.
Peut-être que ces nouvelles données pourraient donc relancer en France des débats autour d’une revalorisation des minima sociaux, voire d’un revenu universel d’existence. Car la précarité est indéniablement un enjeu de santé publique.
À lire aussi : Les suicides sont en baisse depuis le début de la pandémie. Mais pourquoi ?
Crédit photo de Une : pexels-rodnae-productions-5542883
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