Vous l’avez peut-être remarqué : depuis quelques semaines, des célébrités enchaînent les apparitions médiatiques remarquées en look d’inspiration BDSM. De Billie Eilish en pin-up de latex pour la couverture du Vogue britannique de juin 2021, à Kanye West et Kim Kardashian qui ne sortent plus sans cagoule intégrale, en passant par Madonna en tenue de domina de cuir noir aux MTV Video Music Awards le 12 septembre 2021.
La mode adore jouer avec les codes du BDSM pour s’encanailler
Si personne n’est dans la chambre à coucher de ces personnalités publiques — qui y font bien ce qu’elles veulent sans que cela nous regarde —porter ce genre de tenue dans l’espace publique raconte peut-être aussi quelque chose de la façon dont la pandémie a pu bouleverser notre rapport au fait de se masquer le visage et de se protéger le corps.
Depuis quelques décennies déjà, des codes d’inspiration BDSM émaille les collections de nombreuses marques pointues et de maisons de luxe, comme le corset, le cuir travaillé en total look clouté, et bien sûr le harnais. Ce qui est plus nouveau, c’est l’intérêt porté au latex, jusque là rarissime sur les podiums, encore plus sur les tapis rouges.
Pour la collection Balmain automne hiver 2020-2021, Olivier Rousteing a rhabillé ses glamazones de cette matière élastique et moulante des pieds à la tête (et Kim Kardashian s’est évidemment jetée sur la collection, montrant dans son émission Keeping Up With The Kardashian combien cette matière peut être compliqué à enfiler).
La même saison chez Saint Laurent, Anthony Vaccarello rejoue Belle de Jour en taillant dans du latex des pièces du vestiaire bourgeois ou en les associant à des leggings fabriqué dans ce sang d’hévéa (à ne pas confondre avec du caoutchouc, comme je vous l’explique dans le podcast mode de Madmoizelle Matières Premières).
Si pour ces deux collections de luxe, présentées en février 2020 juste avant le premier confinement français, le latex tenait sûrement de la lubie passagère comme la mode aime tant les enchaîner, cette matière fait partie des codes récurrents, et même signatures d’autres créateurs pointus.
Le turbulent british Richard Quinn adore le traiter comme une seconde peau à porter sous des robes bouffantes et fleuries, créant ainsi des contrastes romantico-goth toujours frappants. Tandis que le discret français Arthur Avellano y taille presque tous ses vêtements depuis ses débuts, pour une allure plus futuriste à la Matrix.
Seulement, ce qu’on aurait pu croire cantonné aux podiums, aux soirées fétiches et à la chambre à coucher de certaines personnes kinky envahit actuellement les tapis rouges. Déjà en septembre 2019, Kendall Jenner avait marqué les esprits dans son col roulé en latex noir sous une robe bustier imprimée de roses, soit une tenue qui correspond tout de même relativement aux codes du glamour conventionnel.
Mais la pandémie semble avoir renforcé l’intérêt pour les codes BDSM, comme le prouve le nouveau pic dans le mainstream de la tendance goth, mais aussi Billie Eilish en couverture du British Vogue en pinup de latex, ou Kim Kardashian qui ne sort plus sans être recouverte des pieds à la tête de latex, de cuir ou de lycra, même pour aller au Met Gala. Là, Evan Mock acteur du reboot de Gossip Girl, a lui aussi dégainé un surprenant accessoire par rapport à l’événement : une cagoule intégrale ornée d’une crête de longs pics.
Autant de codes et de matières plutôt jusque là quasi réservées à ce qu’on appelle le fetishwear, soit le vestiaire de certains fétiches sexuels, dont ceux tournant autour du BDSM.
D’après le Guardian, des percées dans le mainstream de ce genre d’esthétiques auraient déjà été constatées dans le passé, suite à des périodes de ralentissement économiques et les guerres mondiales. Andrew Groves, qui a récemment organisé Undercover, une exposition revenant sur le port de masques pandémiques dans les espaces publics, vient de donner au grand quotidien britannique une piste d’explications possibles à l’attrait contemporain pour le BDSM :
« La réémergence de la mode fétiche est en partie une réaction aux confinements. Au cours des 18 derniers mois, nous avons tous été dans une étrange relation BDSM avec le gouvernement qui a contrôlé notre corps, nous forçant à porter des masques et nous a dit qui nous pouvons embrasser ou toucher.
Adopter des vêtements fétichistes comme mode peut être interprété comme une volonté de changer le rapport de pouvoir, de reprendre le contrôle et de leur montrer qui est vraiment aux commandes. »
Porter du fetishwear pour reprendre le pouvoir face à la pandémie ?
De la même façon que l’esthétique gothique existe à la fois de façon permanente en tant que sous-culture, et ressurgit de façon ponctuelle dans le mainstream, comme me l’expliquait la sociologue et historienne de la mode Elodie Nowinski, la culture fetishwear connaît ce même effet de ressort distendu : il point dans la culture pop de façon un peu plus diluée à chaque fois.
À l’image de la cagoule intégrale, choquante sur les podiums de Vivienne Westwood dans les années 1970, intrigante sur ceux de Margiela dans les années 1990, et devenu un accessoire de popstar sur Kanye West aujourd’hui.
Face aux masques imposés par la pandémie, peut-être que ces cagoules et gants de latex portés sur les tapis rouges racontent donc bien une volonté de reprendre le contrôle sur son identité, de réclamer son agentivité en tant que personnalité publique. Ce qu’illustre finalement Kim Kardashian au Met Gala, intégralement recouverte d’une forme de t-shirt stylisé en robe à traîne signé Balenciaga par Demna Gvasalia.
Par sa seule silhouette reconnaissable entre mille, elle montre sans rien dire qu’elle domine bien plus qu’on ne croit cette société du spectacle.
À lire aussi : Le style gothique revient, et avec lui l’éternel débat : « vraie ou fausse goth ? »
Crédit photo de Une : capture d’écran Instagram @kimkardashian
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Les Commentaires
ou parce que je n'ai jamais été à la mode, et ne l'ai jamais suivie
je trouve cette tendance latex très laide... et pas hygiénique du tout. On doit transpirer à mort dans ces tenues