« On peut plus taire ce genre d’histoires, c’est pour ça que je vous parle aujourd’hui. »
Claire est l’une des huit femmes qui accusent Eric Zemmour d’agressions sexuelles et dont Mediapart a recueilli les témoignages. C’était en 2002, alors qu’elle était stagiaire au Figaro et avait tout juste 18 ans, qu’elle a croisé la route de celui qu’on est encore loin d’imaginer candidat à l’élection présidentielle.
Eric Zemmour est alors une star au quotidien. Claire raconte que le journaliste, prétextant un problème avec son ordinateur, lui aurait demandé de s’approcher de lui :
« Je sens sa main dans mon dos qui fait des allers-retours de bas en haut. Je lui dis “qu’est-ce que vous faites ?” Il me répond “mais t’es stagiaire, non ? Les stagiaires, ça sert à quoi à ton avis ?” »
« Les stagiaires c’est quand même fait pour faire des pipes et du café ! »
Claire rapporte ses « avances » à une journaliste politique de la rédaction, Pascale Sauvage, qui n’est pas surprise et raconte aujourd’hui qu’elle a confronté Eric Zemmour et lui a demandé de ne plus recommencer.
Pascale Sauvage affirme avec certitude qu’il lui aurait répondu ses mots : « Si maintenant on peut plus draguer les stagiaires, parce que les stagiaires c’est quand même fait pour faire des pipes et du café ! ». Elle estime aussi que la hiérarchie n’aurait pas pris le problème au sérieux.
Séverine, elle, parle aujourd’hui de ce qu’elle a vécu « à contrecœur » mais est formelle : ce qu’elle a vécu correspond très précisément à une agression sexuelle.
En 1997, alors étudiante, elle rencontre Eric Zemmour dans le cadre de son mémoire. Elle le retrouve deux ans plus tard alors qu’elle fait un stage au Figaro. Alors qu’elle prend un café avec lui hors de la rédaction, il lui fait des propositions crues et insistantes.
« Il pose sa main droite sur ma cuisse gauche et il la laisse appuyée, il continue à me parler et à essayer de m’inciter à accepter des relations avec lui en me disant qu’il est en mesure de m’aider dans mon début de carrière. »
Séverine raconte que dans l’ascenseur qui les ramène ensuite aux bureaux du Figaro, il l’aurait alors embrassée de force. « Je me sentais salie, je me sentais démunie ».
Une autre femme témoigne d’un comportement similaire, à savoir celui d’un homme qui profite de sa notoriété pour tenter d’obtenir des faveurs sexuelles auprès de femmes plus jeunes et inexpérimentées.
L’impossibilité de porter plainte ou d’être prise au sérieux
À iTélé aussi, les agissements d’Eric Zemmour auraient été du même ordre. Une ancienne hôtesse d’accueil fait part du climat global où les « belles plantes » sont les cibles de comportements sexistes sans que personne n’y trouve à redire.
Elle raconte qu’Eric Zemmour lui aurait mis une main aux fesses. Une autre employée, maquilleuse, raconte aussi avoir subi une agression de la part du chroniqueur.
À l’époque, rapporter ses faits à la hiérarchie ou porter plainte n’est pas envisageable une seule seconde pour les victimes, comme le résume une des victimes :
« Pour moi le match il est plié, y’a Eric Zemmour et y’a une hôtesse d’accueil. Y’a pas de match, en fait. »
C’est d’ailleurs ce qui ressort de l’ensemble des témoignages : face au chroniqueur star, au journaliste respecté et chouchou des plateaux télé, elles ont toutes le sentiment que leur parole ne vaudra rien, et donc qu’il vaut mieux ne rien dire.
On est encore loin de la vague MeToo.
Les faits les plus récents remontent en 2019, et c’est une journaliste belge qui a raconté sur Twitter l’agression subie lors d’une rencontre avec Eric Zemmour, un témoignage qui lui a valu des vagues de cyberharcèlement.
« Vous vous voyez vous, aller au commissariat en 2005, et dire y’a un journaliste qui m’a embrassée de force à l’université d’été du PS ? Vous vous voyez vraiment faire ça ? » confirme Gaëlle Lenfant, élue à Aix en Provence qui avait raconté sur son profil Facebook en avril 2021 avoir subi une agression sexuelle de la part du polémiste.
« Même si tout le monde ne nous croit pas, lui il sait ce qu’il a fait », conclut Séverine.
Eric Zemmour n’a répondu à aucune des sollicitations de Mediapart, mais a bien profité de ce 8 mars pour tenter de se vendre comme le candidat qui comprend et défend les intérêts des femmes…
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Crédit photo : Face aux Françaises (LCI – capture)
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