Contre les géants du X, l’Allemagne sévit. La commission chargée de la protection des mineurs dans les médias (Komission für Jugendmedienschutz, dite KJM) pourrait émettre une ordonnance pour bloquer l’accès à certains sites pornographiques, dont xHamster, a révélé le média américain Wired. En cause : l’absence de mesures efficaces destinées à vérifier l’âge de leurs utilisateurs.
Marc Jan Eumann, le président du KJM, a par ailleurs fait savoir qu’il envisageait une action en justice contre quatre sites spécialisés du secteur. Il n’a pas nommé les sites en question mais plusieurs médias allemands penchent pour xHamster, YouPorn, Pornhub et MyDirtyHobby.
Face au porno, un objectif : protéger les mineurs
Depuis septembre 2019, les régulateurs allemands demandent aux diffuseurs de contenu pornographique de mettre en place des dispositifs permettant de contrôler l’âge de leur audience. La loi stipule que les sites ne respectant pas cette condition se verraient interdits sur le territoire.
Or, la plupart des plateformes spécialisées se contentent de poser la question : « Avez-vous plus de 18 ans ? ». Il suffit de cliquer sur « Oui » pour visionner leur catalogue aussi vaste que problématique — en avril 2021, une étude britannique publiée dans The British Journal of Criminology révélait qu’une vidéo pornographique sur huit était étiquetée avec un texte décrivant des actes de violence sexuelle.
L’affaire Pornhub a renforcé la suspicion des régulateurs envers les sites pornos. Pour rappel, 34 femmes dont plusieurs mineures au moment des faits ont déposé plainte contre ce mastodonte du X en juin dernier, l’accusant d’avoir diffusé des vidéos de relations sexuelles non consenties.
L’Allemagne n’a pas attendu cette actualité pour agir et aurait contacté xHamster dès mars 2020 : « Nous avons une commande de blocage pour le fournisseur d’hébergement, qui est basé aux Pays-Bas », affirme Marc Jan Eumann dans Wired. L’absence de réponse du site aurait conduit le KMJ à prendre des mesures plus contraignantes.
« Cette commande a expiré en début de semaine. La dernière étape consiste à prendre des mesures, une ordonnance de blocage, contre le fournisseur d’accès allemand. »
En pleine pandémie, le KMJ a tenu à rappeler la nécessité de protéger les mineurs contre les contenus sensibles sur Internet. Les restrictions sanitaires ont en effet fait grimper en flèche leur temps d’écran.
Des mesures probablement insuffisantes
Face au KMJ, pas sûr que Pornhub et consorts tremblent. En effet, l’ordonnance dont il est question doit être remise à tous les principaux fournisseurs d’accès à Internet allemands — dont Vodafone, Deutsche Telekom, O2 et 1&1 — afin qu’ils bloquent l’accès à ces sites aux utilisateurs résidant en Allemagne. Mais ceux-ci peuvent toujours contester une telle mesure en justice, ce qui peut fortement ralentir les intentions du régulateur.
Par ailleurs, la nature du blocage suscite aussi des interrogations quant à son efficacité.
L’Allemagne, tout comme ses voisins européens, s’appuie généralement sur les Domain Name System (DNS) des fournisseurs d’accès pour bloquer l’accès aux contenus répréhensibles. Il suffit d’utiliser un VPN ou de passer par d’autres DNS pour contourner l’interdiction aux sites ciblés. En gros, se faire passer pour un résident d’un pays voisin par exemple. Bon, tous les mineurs ne sont pas geeks à ce point mais la manipulation reste assez accessible.
Et en France, on en est où ?
L’Allemagne n’est pas le seul pays à faire la guerre aux sites porno : le Canada, le Royaume-Uni, les États-Unis mais aussi la France réfléchissent à des mesures pour empêcher l’accès à ces sites aux internautes mineurs.
Dans l’Hexagone, la loi impose aux sites pornographiques depuis juillet 2020 la mise en place d’un contrôle de l’âge de leurs visiteurs, sous peine de voir leur accès bloqué. En cas de manquements, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) serait alors en charge de saisir la justice. Par ailleurs, le délit de diffusion d’images pornographiques susceptibles d’être vues par des mineurs est passible de trois ans de prison et d’une amende, pour les personnes morales, de 375.000€.
Plusieurs solutions sont déjà évoquées pour mieux contrôler l’âge des utilisateurs. Selon Public Sénat, la société Marc Dorcel a recours à la vérification par un paiement bancaire de zéro euro tandis que Jacquie et Michel utilise un dispositif similaire, via l’entreprise My18PAss, selon NextImpact .
Problème : la plupart des mesures sont faciles à contourner et la protection de la vie privée des internautes empêche d’établir des lois trop contraignantes. À 12 ans, près d’un enfant sur trois a déjà été exposé à la pornographie. Il serait peut-être temps de sévir comme l’Allemagne… et de dispenser aux plus jeunes une éducation sexuelle digne de ce nom.
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Crédit photo : Charles Deluvio / Pexels
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