Cela devrait être annoncé aujourd’hui par le ministre : les policiers et gendarmes auront désormais pour objectif de traiter les plaintes pour violences conjugales de manière « prioritaire », pour lutter contre les féminicides, qu’il annonce au nombre de 102 pour l’année 2020.
Une priorité pour les commissariats
Le gouvernement vient-il de réaliser que les gommettes ne suffiront pas ? Dans Le Parisien, le ministre qui fait lui-même l’objet d’une plainte pour viol, harcèlement sexuel et abus de confiance met l’accent sur la nouvelle direction qui sera donnée à la gestion des plaintes pour violences conjugales.
« Dès ce lundi, j’exigerai que partout en France, le traitement des plaintes pour violences conjugales soit prioritaire. C’est-à-dire qu’elles soient traitées devant toutes les autres : devant les cambriolages, devant les stupéfiants, devant les vols à la tire. En un mot, les plaintes pour violences conjugales devront remonter tout en haut de la pile. »
Gerald Darmanin dans le Parisien, le 1er août 2021
Traitement plus rapide des plaintes, ouverture de nouvelles brigades de protection de la famille et d’équipes spécialisées dans la lutte contre les violences conjugales, meilleure communication au sein des différents services de police… Dans son entretien, le ministre de l’Intérieur promet beaucoup.
Et pour mettre ces promesses en œuvre, un projet : recruter plus de policiers, et rendre leur travail « plus attractif ».
« Il faut davantage d’officiers de police judiciaire (OPJ) pour faire ces enquêtes. Il y a 17.000 OPJ au sein de la police nationale. Il en faudrait 22.000. Il en manque donc 25 %. C’est pourquoi nous sommes en train de rendre le métier d’OPJ plus attractif. Cela passe par l’augmentation de leurs primes, un recentrage vers leur cœur de métier et la réduction du délai pour passer le concours. »
Gerald Darmanin dans le Parisien, le 1er août 2021
Des promesses, mais quelle efficacité concrète ?
Un programme aux atours pertinents, mais qui nous laisse songeuses. Habituées aux effets d’annonces d’un gouvernement qui, depuis le grenelle contre les violences conjugales de 2019, s’en tient souvent à la communication, on ne peut s’empêcher de se demander : quelle efficacité concrète peut-on attendre de ces promesses ?
Interviewée sur France Info, l’avocate Michelle Dayan apporte des éléments de réponse à nos questions.
Tout en se réjouissant des décisions gouvernementales, la présidente de l’association Lawyers for Women appelle à aller plus loin, pour s’assurer de l’effectivité de ces mesures. Notamment concernant la formation des officiers de police judiciaire recrutés :
« C’est bien si on recrute des officiers de police judiciaire, mais si on ne les forme pas de façon spécifique, ce ne sera pas suffisant. Pourquoi l’Espagne est en avance par rapport à nous ? […] c’est parce que depuis 2004 elle fait un traitement spécifique [des violences conjuguales, ndlr]. »
Me Michelle Dayan, avocate et présidente de l’association Lawyers for women interviewée par France Info
À la question de la prise en compte des plaintes s’ajoute aussi celle de leur traitement judiciaire :
« Ce sont les procureurs qui renvoient devant le tribunal correctionnel, ce sont les procureurs qui prennent des mesures de contrôle judiciaire. Pourquoi on n’embauche pas plus de magistrats et de procureurs ?
Si on a des officiers de police judiciaire en plus mais qu’on n’a pas les procureurs pour traiter les plaintes qu’ils recueillent, hélas, ce sera une mesure avec peu d’effectivité. »
Me Michelle Dayan, avocate et présidente de l’association Lawyers for women interviewée par France Info
Le constat est clair. La mise en œuvre de ce traitement prioritaire des plaintes pour violences conjugales, et par-dessus tout, la mise en sécurité des potentielles victimes nécessitera plus que le simple duo recrutement/réorganisation annoncé.
Mais la formation obligatoire des professionnels au contact des victimes de violences, l’augmentation des budgets alloués à la lutte contre les violences faites aux femmes, ou encore la généralisation des dispositifs de protection et d’éloignement, qui font partie des revendications des associations féministes, n’ont pas encore été évoquées.
Crédit photo : Gérald Darmanin sur le plateau de Télé Matin, France 2 / Capture d’écran Youtube
À lire aussi : Darmanin veut faire bosser gratos des étudiants pour moderniser l’uniforme de la police
Si vous ou quelqu’un que vous connaissez est victime de violences conjugales, ou si vous voulez tout simplement vous informer davantage sur le sujet :
- Le 3919 et le site gouvernemental Arrêtons les violences
- Notre article pratique Mon copain m’a frappée : comment réagir, que faire quand on est victime de violences dans son couple ?
- L’association En avant toute(s) et son tchat d’aide disponible sur Comment on s’aime ?
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires