On la surnomme la capitale du parfum. En France, Grasse, dans l’arrière-pays niçois, est réputée pour son microclimat où fleurissent chaque année des champs de lavandes, de roses, de tubéreuses ou encore de jasmins, classés au patrimoine de l’Unesco. Depuis le XVIIᵉ siècle, on lui envie ses senteurs généreuses, recherchées par les plus grands parfumeurs et nez venus du monde entier. Pour composer leurs fragrances, de nombreuses marques de luxe, comme Chanel ou Dior, s’arrachent ses fleurs à prix d’or.
Un savoir-faire mis à mal par le dérèglement climatique
Les catastrophes climatiques de ces derniers mois, qu’il s’agisse des vagues de chaleur qui se multiplient, des sécheresses qui fragilisent les sols ou des pluies torrentielles qui augmentent les risques d’inondation, mettent en difficulté les producteurs de fleurs de la région. Comme le rapporte le Guardian, les sécheresses extrêmes qui se sont abattues sur le sud de la France l’année dernière ont causé la perte de près de 50% des récoltes. Et, pour les 50% restantes, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous.
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Mais les fleurs de Grasse sont loin d’être un cas isolé, comme le révèle le quotidien britannique. En effet, la vanille, une matière première également essentielle pour l’industrie du parfum, est durement affectée par la crise climatique. En Afrique, où elle est principalement cultivée, les vagues de chaleurs survenues ces dernières années ont drastiquement réduit sa production. « En 2017, un cyclone survenu à Madagascar a détruit près de 30 % des cultures, faisant bondir le prix de la vanille à 600 dollars le kilo » ajoutent nos confrères anglais.
Vers une artificialisation de l’industrie du parfum ?
Face à la raréfaction des ressources, certains parfumeurs pressentent déjà un virage dans leurs modes de production, se tournant de plus en plus vers des senteurs synthétiques. Fabriquer un parfum en laboratoire serait-il plus durable que de cultiver des fleurs, consommant beaucoup d’eau, ou importer des matières premières dont le transport génère des émissions carbones ? Selon les producteurs grassois, rien n’est moins sûr. Ces derniers se défendent de ne consommer que très peu d’eau grâce à des techniques d’irrigation responsables de seulement 5% de l’utilisation en eau de la région.
L’association Les Fleurs d’Exception s’y bat d’ailleurs pour pérenniser l’artisanat de ses producteurs, appelant à ce que d’avantage d’études soient menées concernant les conséquences du dérèglement climatique sur la filière. Le but ? Trouver des solutions concrètes pour permettre à la région de s’adapter face aux défis environnementaux. Mais, pour pouvoir mettre en place cette transition, il faudrait aussi une aide financière, qui ne peut coûter son autonomie au savoir-faire grassois, comme l’explique la présidente de l’association au journal britannique : « Les marques veulent associer leurs parfums à notre histoire et notre héritage, et pourtant elles viennent et tentent de tout changer. Nous ne voulons pas être pieds et poings liés à l’industrie ».
En attendant, il n’est pas exclu que les prix des parfums grimpent, comme bon nombre de produits victimes « d’heatflation » (i.e. une inflation découlant des effets du dérèglement climatique). À l’heure où il est vital de changer nos modes de production et de consommation, l’industrie olfactive saura-t-elle se réinventer ?
Image de Une : Pexels / Mareefe
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