Chez les orques, aussi, la charge mentale est endossée par les femelles. Une étude menée sur plusieurs décennies révèle que les mâles restent dépendants de leurs mères toute leur vie et comptent sur elles pour les nourrir. Cette découverte prêterait presque à sourire si ce comportement n’était pas susceptible de compromettre la survie d’une espèce déjà menacée d’extinction. Entièrement dévouées à leur progéniture mâle, les femelles n’auraient plus le temps ni l’énergie de mettre au monde d’autres petits. Il s’agirait pourtant d’une stratégie pour garantir la perpétration de l’espèce, peu efficace malheureusement.
Le comportement des épaulards étudié pendant 40 ans
Les épaulards, plus connus sous le nom d’orques, sont des mammifères marins qui peuplent de nombreuses régions du globe. Pour mieux comprendre leurs mécanismes familiaux, le professeur Darren P. Croft, chercheur spécialisé dans le comportement des animaux au sein du Center for Whale Research a étudié entre 1982 et 2021 un groupe de 70 orques évoluant au large de Vancouver. En suivant plus particulièrement la quarantaine de femelles et leurs petits, les scientifiques ont découvert que les relations intra-familiales jouaient un rôle sur la fécondité des épaulards.
Dans certaines espèces (notamment les lions, les éléphants d’Afrique et certains primates) les enfants restent auprès de leurs parents bien après le sevrage, et parfois même toute leur vie. Il n’avait jusque-là jamais été possible de déterminer si ces liens de dépendance affectaient d’une manière ou d’une autre le taux de fécondité des femelles déjà mères, ou s’ils étaient au contraire utiles à la survie des individus :
Dans plusieurs espèces, la présence de la mère impacte positivement la survie de sa progéniture bien au-delà du sevrage et parfois même toute la vie (…) Nous avons du mal à comprendre si cela [ce comportement] implique ou non un sacrifice reproducteur particulier [de la part de la mère], puisque les impacts sur le taux de reproduction des femelles est rarement quantifié. Chez les primates, humains inclus, on pense en général que les liens mère-enfant entraînent à terme des bénéfices mutuels (…) comme une meilleure survie maternelle (…) et celle des frères et sœurs plus jeunes.
Extraits de l’étude Costly lifetime maternal investment in killer whales
Chez les orques, l’étude permet au contraire de supposer que cette dépendance ne rend service ni à l’espèce en général, ni aux individus en particulier.
S’occuper de ses fils aux dépens de sa propre vie et de l’espèce
Ces recherches ont révélé que les mâles orques étaient dépendants de leur mère tout au long de leur vie, et comptent notamment sur elle pour leur fournir de la nourriture en quantités suffisantes. Au contraire, leurs sœurs quittent le groupe pour se reproduire une fois devenues adultes. Cette omniprésence de la progéniture mâle auprès de leurs mères, affecte négativement les capacités reproductives de ces dernières, qui mobilisent toute leur énergie à trouver des ressources pour subvenir aux besoins de leurs fils, et ce, jusqu’à la fin de leur vie. Pour expliquer ce phénomène, les chercheurs avancent la théorie selon laquelle les individus mâles feraient l’objet d’un investissement à long terme. En s’assurant qu’ils ont assez de nourriture, leurs mères peuvent espérer élever des mâles qui deviendront puissants une fois adultes, et donc qui seront susceptibles de se reproduire efficacement à leur tour.
Cette découverte majeure permet d’envisager à terme des schémas semblables au sein d’autres espèces. Pour les orques, cette stratégie reproductive ne semble malheureusement pas porter ses fruits. Déjà menacée par les désastres écologiques, ce comportement compromet la natalité et la continuité de l’espèce.
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Les Commentaires
"The effects we report here could have important implications for population-level reproductive rates. Specifically, if a large portion of reproductive-aged females have one or more surviving sons, we would expect the population’s reproductive capacity to be reduced. Through the last 5 decades, the portion of potentially reproductive females with at least one son has varied from less than 30% to nearly 80%, with 63% of potentially reproductive females having sons as of the beginning of 2022. Future work should investigate whether these patterns may have contributed to past demographic trends, and whether these effects may have implications for future population viability."
Autrement dit, SI une grande proportion des femelles ont un ou plusieurs fils, alors on peut s'attendre à ce que la capacité reproductrice de cette population soit diminuée.
L'article original explique aussi en détail les potentielles raisons de cette sélection de la mère, et ce qui pourrait expliquer le choix de nourrir le fils toute la vie. (notamment : compétition entre la mère et la fille dans un même groupe d'orques, besoins nutritionnels du fils, …)
La seule conclusion claire de l'article est que dès qu'une orque femelle a un fils (survivant), elle se reproduit moins par la suite. Mais ça ne conclut pas que c'est un problème avéré de stratégie au niveau de l'espère en général.