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« Les Habitants », touchante immersion dans le quotidien des Français

Après les attentats de janvier 2015, Raymond Depardon a sillonné la France et proposé à des gens de continuer leur conversation devant sa caméra. Le résultat, c’est Les Habitants, un film délicat qui ne laisse pas indifférent.

Le photographe et documentariste Raymond Depardon voulait partir filmer un documentaire au Tchad, mais après les attentats de janvier 2015, il s’est dit qu’il allait plutôt s’intéresser à la France. Il a décidé de partir trois mois sur les routes voir ce que ça fait de vivre ensemble en France, pour enregistrer les accents et les façons de parler des différentes catégories sociales et générations.

Il a acheté une vieille caravane des années 60 qu’il a retapée, y a installé une table et des micros, et l’a garée sur les places principales de quinze villes françaises. L’équipe se composait en tout de quatre personnes ; la directrice de casting arrêtait des gens dans la rue et les invitait à continuer leur discussion devant la caméra pendant trente minutes, avec une vue sur la ville derrière eux.

Rien de plus : une caravane simple pour mettre à l’aise, et une liberté de parole complète, sans qu’on leur pose de questions pour ne rien influencer. Un paravent les séparait même de l’équipe de tournage.

Résultat ? Quarante-cinq heures de rush réduites à une heure vingt-trois rythmée par la musique d’Alexandre Desplats (ça s’annonçait déjà bien). Le montage nous livre vingt-cinq entretiens entrecoupés de plans sur la caravane qui sillonne les rues et routes de France.

Des couples d’hommes, de femmes, d’hommes et femmes, amis ou en couple, frères et soeurs, mère/père et fils/fille de tous les milieux qu’on aperçoit quelques minutes dans leur quotidien.

Des immersions touchantes

Le principe peut sembler simple, pourtant réussir à faire parler des gens naturellement devant une caméra, et en faire un documentaire en évitant l’effet catalogue n’allait pas de soi. Il en résulte néanmoins un film aussi passionnant qu’étonnant de spontanéité. L’équipe a réussi à mettre ces couples à l’aise, à un tel point qu’on a du mal à croire qu’ils savent être filmés.

Il faut dire que l’oeil de la caméra est tout en humilité et en finesse, et qu’il se pose en observateur respectueux et discret. Aucun jugement n’est porté, et les immersions nous sont livrées avec bienveillance et respect.

Installée sur la place publique, la caravane est un espace d’expression pour tous et toutes. On est plongés dans des univers, des vies et des questionnements très différents, du plus subtil au plus grave, avec des personnes de tous les âges et milieux. Elles dévoilent des pans de leurs préoccupations, avec leurs expressions, leurs façons personnelles de penser et d’envisager la vie. 

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Chaque conversation est captivante : on ne sait jamais à quoi s’attendre, et on passe par toutes les émotions en saisissant des bouts de vie au fil des phrases.

Loin de compulser simplement ces bouts de quotidien, le montage en fait une sorte d’ode au fait de prendre son temps, de prendre le temps de parler. C’est un roadtrip sensible marqué par les moments de respiration où la musique rythme les plans sur la caravane, nous invitant à rencontrer nos concitoyens et élargir nos horizons.

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À lire aussi : « Microbe & Gasoil », le road-trip adolescent de Michel Gondry

Un documentaire féministe

Lors de l’avant-première parisienne du film, la productrice et ingénieure du son Claudine Nougaret a souligné que c’était sans doute le film le plus féministe de Depardon, et on y croit sans problème. En effet, Les Habitants met en avant toute une galerie de personnages féminins victimes de sexisme. 

Ça parle relations toxiques, violences conjugales, avortement…

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Le documentaire donne particulièrement la parole aux femmes, de la mère de famille travaillant dans un bar à hôtesses à une étudiante en médecine que sa mère encourage à trouver un mari, ou une femme exerçant un métier « d’homme » qui évoque les stéréotypes de genre dans son milieu professionnel… Chacune est à son niveau confrontée au sexisme de son environnement familial, amical et/ou professionnel.

La difficulté du couple et la façon dont les femmes se sentent enfermées et exploitées est de plus très présente. De l’adolescente fraichement célibataire à la quadra récemment divorcée, la vie de couple est dépeinte comme un challenge souvent empreint de désillusion.

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Une jeune femme vivant avec son copain et leur enfant explique par exemple qu’après les idylles proposées par les comédies romantiques et autres contes de fée, elle a déchanté devant sa réalité. Elle se retrouve ainsi chargée de toutes les taches ménagères et responsabilités tandis que son copain discute en secret avec des filles repérées sur Facebook à qui il dit être célibataire…

En parallèle, Les Habitants pointe du doigt la culture du viol et du harcèlement de rue avec deux couples d’amis garçons qui font du slut-shaming dans leur conversation et leur façon de parler des filles. Une façon salvatrice d’en montrer la réalité.

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Des témoignages justes et touchants

Le couple, la famille, les études, le travail, l’argent, les religions, l’amitié, le temps qui passe, la solitude…. Le film de Raymond Depardon est à la fois extrêmement personnel et universel : on s’y reconnait et en même temps c’est une formidable ouverture aux autres. Tendre et touchant, il est aussi édifiant par les réactions qu’il suscite chez les spectateurs.

Les Habitants est en salle depuis le 27 avril, et il ne vous laissera pas indifférent•e !

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Les Commentaires

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Avatar de AngelTen Richard II
1 mai 2016 à 16h05
AngelTen Richard II
J'en ai entendu parler sur France Inter, et ça avait l'air vraiment pas mal du tout. Avec cet article, ça me fait deux sources qui me donnent une bonne impression (sur FI c'était une interview du réalisateur, il expliquait sa démarche, ce qu'il avait remarqué de général sur les 45 heures de rush, mais également l'aspect forcément non-exhaustif - par exemple le fait qu'il s'agisse de villes moyennes et donc ni les Parisiens, ni la campagne profonde, le fait qu'il s'agisse uniquement de couples qui discutent donc avec un biais bilatéral dans la parole, le fait qu'il y ai des gens qui manquent parce qu'ils ne sortent jamais dans la rue...). J'irais sans doute le voir, du coup ^^
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Voir les 2 commentaires

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