Jadis plateforme dédiée à la recherche d’emploi, aujourd’hui terrain de jeu sans foi ni loi pour professionnels motivés, LinkedIn permet de trouver la reconnaissance et l’inspiration auprès de ses pairs, d’espionner des amis perdus de vue et parfois même de trouver du travail !
Mais le réseau social a des codes bien particuliers et des usages qu’on ne soupçonne pas. Vous êtes prêtes ? Voici à quoi sert vraiment LinkedIn… et pourquoi c’est le royaume du bullshit.
Grâce à LinkedIn, mon métier a l’air intéressant
À l’époque, quand on me demandait mon métier, je répondais que je faisais de la saisie de commande. Le potentiel glamour du terme employé était nul, mais il avait l’avantage de refléter fidèlement la réalité. Il existait comme ça de nombreux emplois qui, sans provoquer d’émois passionnés, permettaient de payer les factures et les verres au bar. Si les basses besognes liées à ces emplois n’ont jamais disparues, elles sont aujourd’hui dissimulées derrière des intitulés de poste alambiqués qui témoignent du climat d’onanisme généralisé qui règne sur le monde corporate.
Désormais, on ne dit plus réceptionniste, on dit Spécialiste opérations et bien-être global — même si la tâche assignée n’a pas changé et consiste toujours à surveiller le stock de papier toilette et à rappeler aux employés de ne pas laisser moisir leurs yaourts entamés dans le réfrigérateur commun. Quant à moi, je ne serai plus opératrice de saisie, mais Leader spécialiste senior des ressources externalisées pour le marché FR BL CH et LU.
Rien n’est moins attirant qu’un employé moyen qui se contente de faire correctement un petit travail tenant en un mot ou deux. Mieux vaut que le comptable devienne Spécialiste senior en gestion des émissions et réceptions financières pour le marché SRB, mais également superstar enthousiaste, team-player acharné et challenger inspirant transporté par l’idée de se dévouer corps et âme à son entreprise lors d’un stage non rémunéré.
Grâce à LinkedIn, je suis inspirée au quotidien
Sur LinkedIn, tout le monde peut devenir le temps d’un post un coach inspirant ou le personnage principal d’une success-story impliquant systématiquement les mots « challenge », « épreuves » et « résilience ». Il règne donc sur mon fil d’actualité une ambiance d’autocongratulation généralisée.
« Hier, un ami que je trouve terriblement inspirant car il a traversé beaucoup d’épreuves et qu’il adore les challenges m’a dit : regarde l’oiseau qui s’envole. Peut-être qu’il volera pendant des heures, peut-être qu’il va se poser sur le toit d’une voiture ! » raconte fièrement Jonathan Dupond, Spécialiste superstar des relations humaines ressourçables pour le marché EMEA. Sous son post, 25 likes et des commentaires dithyrambiques exaltés par la profondeur du message. Comme Jonathan Dupond travaille dans un secteur d’activité qui me plaît, je me fends d’un petit cœur et d’un « Tellement vrai ! À méditer … » avant de passer au post suivant.
Personnellement, je n’aurais pas choisi une photo de Vladimir Poutine pour illustrer la phrase « Vis ton rêve au lieu de rêver ta vie ». Cela dit, Brian Johnson, Spécialiste en solutions managériales solubles pour le marché US, ne semble pas être le seul à considérer le leader russe comme une source d’inspiration. Ses nombreux contacts s’extasient sur ce grand homme si déterminé qu’il peut se tenir sous la pluie sans parapluie et se battre à mains nues avec des tigres. Je ne suis pas si surprise : après tout, un réseau social professionnel reste un réseau social et on est toujours susceptibles d’y croiser des gens aux idéologies douteuses.
Grâce à LinkedIn, je réseaute utile
Avant LinkedIn, la liste de mes « contacts pros » se composait de deux filles que j’avais rencontrées à la journée d’appel, d’une copine blogueuse croisée sur Internet, et de mon ancien collègue équipier au sein d’une célèbre enseigne de fast food. La nature même de ce réseautage se basait sur des verres échangés en terrasse, des fous rires et surtout des aspirations professionnelles communes proches de zéro.
Heureusement, LinkedIn m’a permis de me constituer un réseau de professionnels œuvrant dans mon secteur d’activité, et je ne désespère pas de voir l’un d’entre eux débouler dans ma messagerie un beau matin pour me proposer LE projet que je n’attendais plus.
À chaque notification m’annonçant une nouvelle demande de contact, je frétille. De qui peut-il bien s’agir ? De Michelle Obama ? Ou bien du spécialiste senior en gestion des moyens humains pour le marché BENELUX d’une grande agence digitale ? Non, c’est ma grand-tante fleuriste à la retraite. Qu’à cela ne tienne ! J’ai un nouveau message ! La chance aurait-elle tourné, me contacterait-on enfin pour me proposer une mission intéressante ?
Encore raté. Mads Olsen, Spécialiste en événementiel / CEO chez moi-même / apiculteur / deejay / épicurien / postier pour le marché DK m’informe qu’il vient de voir mon profil et qu’il m’a trouvée charmante sur ma photo de couverture.
Grâce à LinkedIn, je reprends contact avec des personnes perdues de vue
Contrairement à Facebook ou Instagram, LinkedIn impose que l’on s’inscrive sous son vrai patronyme et cela s’avère fort pratique pour espionner efficacement ses anciennes connaissances perdues de vue.
Une fois ma meilleure amie de maternelle localisée, je consulte son profil afin d’évaluer à quel point son existence est mieux que la mienne. Je lui découvre une brillante carrière d’Analyste spécialiste de solutions alternatives anticipées pour le marché CA : avec mon minable Spécialiste en rédaction de contenu passionné et optimisé pour le marché FR, je fais pâle figure. De rage, je quitte la page en me demandant ce que j’ai fait de ma vie, à part rien.
Deux minutes plus tard, je suis de retour sur le profil maudit pour vérifier le niveau d’études. Bac +3. Diantre. J’en profite pour jeter un œil à son parcours professionnel ; fascinée par ce profil sans accroc, j’oublie l’espace d’un instant que LinkedIn est une odieuse petite balance qui adore prévenir les utilisateurs que « Sociopathe spécialiste vient juste de consulter votre profil ! ».
Dans une tentative désespérée de sauver les apparences, je l’invite virtuellement à rejoindre mes contacts avant de me précipiter sur mon profil pour y mettre un peu d’ordre, histoire de donner bonne impression. Pour la recherche d’emploi, on verra plus tard…
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