« Les bouffées de chaleur par temps de canicule, c’est la ménopause pour tous ! »
C’est l’amusant constat réalisé par l’autrice Sandrine Fillasier. Peut-être connaissez-vous la ménopause, peut-être que non. Mais la canicule, sans aucun doute.
Si on nous répète en boucle de boire de l’eau, d’éviter les efforts physiques, de fermer ses volets la journée quasiment chaque été lorsque la météo devient trop étouffante, on oublie toujours d’aborder les effets de la chaleur sur notre santé mentale, détaillés dans un article du HuffPost.
Selon une étude scientifique américaine relayée par The Guardian en février 2022, lorsque les températures seraient élevées le nombre de visites aux urgences psychiatriques augmenteraient de 8%.
La chaleur fragilise notre santé mentale
Stress, troubles de l’humeur ou encore liés à la consommation de substances, anxiété, automutilation, schizophrénie… Les pathologies sont multiples. Certes la chaleur exacerberait les troubles psychiatriques de personnes en ayant déjà mais d’après les chercheurs américains de l’étude sus-mentionnée, l’ensemble de la population serait davantage anxieuse et dépressive lors des fortes chaleurs.
Durant les deux ans de crise sanitaire, la santé mentale des Français a déjà bien été fragilisée. D’après Santé Publique France, 34% des Français, en février 2021, présentaient un état anxieux ou dépressif. Et les fortes chaleurs viennent en remettre une couche, en amplifiant la fragilité psychique de tous.
Bien sûr, ces vagues de chaleur ont plus d’impact sur les personnes déjà fragilisées. Comme le rappellent chaque année les institutions de santé publique, les personnes âgées et isolées, sont en première ligne face aux fortes températures. Mais il y a aussi les personnes sous traitement psychologique qui peuvent parfois éprouver des difficultés à supporter les fortes chaleurs. Les crises de tachycardie peuvent par exemple être de la partie lorsque le patient prend des antidépresseurs ou encore des neuroleptiques, un cocktail médicamenteux difficile à supporter en présence de chaudes températures.
Une hausse de 1°C ferait augmenter de 4% le nombre d’actes de violence
Et ce ne serait pas tout… Les fortes chaleurs augmenteraient notre agressivité. En 2013, une étude réalisée par l’université états-unienne de Berkeley, révélait quant à elle qu’une simple hausse de 1 degré par rapport à la normale saisonnière, ferait augmenter de 4% le nombre d’actes de violence, tels que des violences conjugales, des meurtres ou encore des viols.
En période de fortes chaleurs, cet état d’agressivité et d’impulsivité peut s’expliquer par des causes physiologiques, comme le confirme Élodie Gratreau, doctorante en histoire et philosophie des techniques de soin en psychiatrie au sein du laboratoire Gostech, auprès du Huffpost :
« Physiologiquement, quand il fait chaud, notre rythme cardiaque s’accélère, le pouls est plus fort, notre pression artérielle augmente, et notre niveau de cortisol (l’hormone du stress) augmente donc on aura tendance à se sentir plus irritable, mais les réactions varient d’un individu à l’autre et il manque encore des études poussées sur la question. »
Autre facteur renforçant ce sentiment d’irritabilité : le manque d’oxygène. Pour pallier ce manque dans certaines zones de notre cerveau, notre corps se défend en envoyant plus de sang que d’ordinaire dans le reste de notre corps afin de le refroidir. Et cela peut nous faire agir de manière plus impulsive sous le coup de l’émotion. Bref, l’expression « avoir un coup de sang » prend tout son sens !
L’éco-anxiété, le mal de notre époque
D’un point de vue sociétal, la chaleur creuse les inégalités entre les citoyens : il y a ceux qui ont des climatisations, ceux qui vivent bien trop à l’étroit dans des logements transformés en fournaise… Et il y a le développement de la conscience écologique chez nombreux d’entre nous.
Ces dernières années, les millenials et la génération Z se mobilisent de plus en plus pour notre planète… Et développent un mal propre à notre temps : l’éco-anxiété. Ce phénomène est encore récent, et peu défini scientifiquement, mais il concernerait des personnes, le plus souvent âgées entre 18 et 24 ans, développant une « peur chronique d’un environnement condamné », d’après l’Association américaine de psychologie. Autrement dit, ce serait le sentiment d’impuissance ressenti face aux conséquences du réchauffement climatique qui entrainerait de l’anxiété.
Face aux multiples rapports alarmants du GIEC sur l’état de notre globe terrestre, face à l’inaction politique pour lutter contre le réchauffement climatique, la canicule fait figure de plus en plus de catastrophe climatique. Notre terre se meurt et nous devrions avoir peur et agir, au lieu d’en prendre l’habitude.
Grossesse, règles, harcèlement de rue… Les hantises des femmes durant les fortes chaleurs
Et les températures caniculaires n’épargnent particulièrement pas les personnes menstruées et leur santé mentale. Pour celles d’entre nous qui sont enceintes, les températures estivales peuvent devenir un vrai calvaire. Sans surprise, canicule et grossesse ne font pas bon ménage. Les médecins leur recommandent de s’hydrater très régulièrement, de se reposer et surtout de se protéger du soleil si elles tentent une sortie… Mais beaucoup d’entre elles sont obligées de s’isoler socialement pour résister aux chaleurs.
Et il y a aussi l’histoire des règles… Peuvent-elles devenir plus redoutables, plus déprimantes, lorsqu’il fait très chaud ? Pour Tosin Sotubo, doctoresse généraliste et administrateur du site Mind Body Doctor, dans les colonnes de Refinery29, tout serait encore une fois une question d’hormones :
« Bien que la chaleur en soi n’empire pas les règles, les symptômes associés peuvent être ressentis comme pire lorsqu’il fait très chaud, parce que vous êtes plus éreintée par exemple. À partir de là commence tout une réaction en chaîne : vous êtes plus stressée, donc vos hormones sont perturbées.
Or, pendant les règles, vos hormones sont déjà en plein bouleversement. Le corps tente de réguler le taux d’oestrogène par rapport au niveau de progestérone. Mais quand l’hormone du stress s’en mêle, c’est l’oestrogène qui va prendre le dessus. C’est ce déséquilibre qui empire vos symptômes, en plus de la déshydratation et de la hausse de température qui accompagnent généralement les règles. »
Enfin, il y a encore la question du harcèlement de rue : lors du retour des fortes chaleurs, les femmes sont de plus en plus susceptibles d’être importunées, agressées dans la rue à cause de leur tenue vestimentaire. Certaines préfèrent même rester chez elles que d’affronter la rue, ses cons et ses prédateurs. Bien sûr, aucune donnée chiffrée n’existe encore sur le sujet.
Car, oui, la canicule exacerbe nos fragilités mentales mais aussi les inégalités de genre et tuent à grande échelle les femmes. Comme nous le rappelle la journaliste Lucile Torregrossa dans le deuxième épisode de la saison 4 du podcast Injustices, produit par Louie Média et consacré à la canicule de 2003 en France : parmi les victimes de plus de 75 ans, 64,7% étaient des femmes… Non, ces dernières ne sont pas plus fragiles physiologiquement face aux coups de chaleur que les hommes. Seulement, leurs conditions de vie se précarisent davantage que celles des hommes passés 65 ans. Un point, c’est tout.
Image en Une : © Andrea Piacquadio – Pexels
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