Parfois, à la fin d’un film, on voit défiler des photographies d’époque. Quel plaisir d’observer la ressemblance qu’il peut y avoir entre les acteurs et les vraies personnes qu’ils incarnent ! Ça montre un bon travail de casting, de maquillage, de costume, en plus du talent des interprètes. Ce petit moment qui raccroche à la réalité, juste avant de sortir de la salle, est presque émouvant.
Le cinéma « inspiré de faits réels » ou « d’après une histoire vraie » semble occuper une place de plus en plus importante dans les productions : il n’y a pas une semaine sans qu’un film de ce style ne sorte ! Depuis la réouverture des salles au mois de mai, on a vu des biopics (Billie Holiday), des histoires de justice (Désigné coupable, Le Procès de l’herboriste) et même des récits tellement incroyables qu’ils ne fonctionneraient pas si on ne savait pas qu’il y a du vrai derrière (Un Espion ordinaire, Benedetta, Fisherman’s Friends). Bref, il y a toujours de quoi faire.
Mais pourquoi a-t-on l’impression que de plus en plus de films suivent ce chemin ? Et qu’est-ce que signifient réellement les mentions « inspiré de faits réels » ou « d’après une histoire vraie » ?
Que veut dire « inspiré de faits réels » ?
Eh bien… pas grand-chose, en réalité !
Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui définit le cadre des activités des professionnels du cinéma en France, explique à Madmoizelle qu’il n’existe pas de réglementation par rapport aux histoires vraies. Donc chacun peut écrire ce qui lui chante dans la bande-annonce de son film…
D’ailleurs, puisqu’il n’y a pas de cadre légal définissant si une œuvre rentre ou non dans cette catégorie, il n’y a pas non plus de recensement officiel des longs-métrages « basés sur une histoire vraie ».
Les films « inspirés de faits réels » ont le vent en poupe
Sur les sites spécialisés, on a regardé uniquement la catégorie « Biopic » pour pouvoir se faire une petite idée de l’évolution du genre.
Sur IMDb, 455 films biographiques sont recensés dans les années 90, 750 films entre 2000 et 2009, et plus de 2000 films dans les années 2010 ! La tendance est la même sur Allociné, où la section « Biopic » compte 187 films entre 1990 et 1999, 428 dans les années 2000 et 1140 films entre 2009 et 2020. L’évolution est flagrante.
« Décortiquer des phénomènes de société »
Danièle André est maîtresse de conférences en civilisation et cultures populaires états-uniennes, spécialisée dans le cinéma et les séries, à l’Université de La Rochelle. Selon elle, cette mode date d’une quinzaine d’années environ et l’explique par plusieurs raisons.
D’un côté, les créateurs de ces films savent que l’opinion publique est déjà intéressée par ce sujet : « Si un film se base sur un fait divers qui a fait vendre des journaux, naturellement le public va aller regarder ce qui en parle », détaille l’enseignante-chercheuse. Les spectateurs peuvent se dire qu’ils vont découvrir de nouvelles informations pas forcément disponibles quand le sujet était d’actualité.
Aborder des faits divers (La prochaine fois je viserai le coeur, L’affaire SK1) ou des événements historiques comme des actes terroristes (Le Cas Richard Jewell, Le 15h17 pour Paris), permet aussi de « décortiquer des phénomènes de société », dit-elle avant d’ajouter : « Cela peut aider à comprendre comment notre société peut en arriver à une telle situation. »
Mettre en avant l’exceptionnel dans l’ordinaire
Les films tirés d’une histoire vraie peuvent heureusement être bien plus joyeux que des faits divers ou du terrorisme. Il y a parfois ces petites histoires qui permettent d’entretenir le rêve de certains, de sortir du quotidien pour accomplir quelque chose d’exceptionnel. Danièle André développe :
« C’est comme s’il y avait un besoin de mettre avant des personnages normaux par rapport à des super-héros. En montrant comment le citoyen lambda peut devenir hors du commun, ces films mettent en avant des individus à la fois hors normes et proches de nous. »
Le dernier exemple en date, Fisherman’s Friends, raconte ainsi l’histoire d’un groupe de pêcheurs anglais devenus des stars de la chanson après avoir été repérés par un producteur londonien. On pense aussi, pour ne citer qu’eux à Lion (2016), Pride (2014) ou encore Stronger (2017) !
Raconter les histoires trop longtemps ignorées
Ce genre de films représente aussi l’occasion de raconter les vies de celles et ceux qui ont été ignorés pendant très longtemps.
Les femmes et les personnalités issues des minorités raciales et/ou de genre ont de plus en plus souvent le droit à des œuvres qui vont retracer leur histoire — et souvent leur impact sur l’Histoire avec un grand H. Des films comme Les Figures de l’ombre (2016), Selma (2015), des biopics sur Billie Holiday, Aretha Franklin (Respect, le 18 août au cinéma) ou encore Jackie Kennedy viennent combler des manques.
Danièle André reste cependant prudente sur ce genre de contenu :
« Ça peut être ambigu, en fonction de qui réalise et qui produit : Hollywood va surfer sur une vague qui lui permet de toucher un public auquel il ne parlait pas auparavant. Mais ça peut quand même faire avancer les choses d’avoir de la place pour ces histoires sur grand écran. »
Même si les scénaristes prennent souvent de vastes libertés avec la réalité (faites un tour sur ce site en anglais qui fact-check ce style de films, c’est passionnant), le cinéma « inspiré de faits réels » a mille raisons d’exister, de se développer et de continuer à nous plaire.
Le 7e art devient une porte d’entrée sur des faits de société, des histoires de vies qu’on ne serait pas allée chercher seule. On a comme l’impression de voir l’Histoire défiler devant nos yeux.
Alors forcément, on vous pose la question : quel est votre film « inspiré d’une histoire vraie » préféré ?
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