Parler de violences gynécologiques, c’est évoquer un système pharmaceutique qui renforce les injonctions genrées. À travers des stratégies marketing douteuses, cette industrie entretient une logique de représentation des femmes comme objets du désir masculin.
La majorité des scandales sanitaires touchent les femmes
Ces dernières années, l’industrie pharmaceutique a été l’objet de nombreux scandales sanitaires. Distilbène, Agréal, Levothyrox, Mediator, Androcur… Dans Mauvais traitements, pourquoi les femmes sont mal soignées, Delphine Bauer et Ariane Puccini ont mis en lumière le fait que ces 80% de médicaments retirés du marché après des scandales sur leurs effets secondaires étaient prescrits à une majorité de femmes. C’est le cas, par exemple, de l’Androcur, traitement hormonal suspecté de provoquer des tumeurs au cerveau. Ce dernier a été prescrit à 80% de femmes. C’est aussi le cas du Levothyrox, qui est suspecté d’avoir provoqué plusieurs décès. Il a, selon la DGS (Direction générale de la Santé), été prescrit à 85% de femmes, tandis que le Mediator, censé aider à perdre des kilos, aurait été vendu, selon la CNAMTS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés), à 72% de patientes alors qu’il provoquait des problèmes cardiaques et aurait entraîné entre 1300 et 1800 décès en France.
Des médicaments pour les femmes mis en cause
Plus particulièrement pour les médicaments féminins, de nombreux scandales sanitaires ont secoué l’industrie pharmaceutique : Distilbène, pilule de 3e génération, Thalidomide… Par exemple, le Distilbène, qui était prescrit à près de 200 000 femmes françaises pour prévenir le risque de fausses couches, s’était révélé dangereux sur les filles exposées in utero puis sur la 3e génération. Une victime explique avoir vécu un véritable parcours du combattant « des hormones » : « Les dysménorrhées de mon adolescence, la première hystérographie montrant un utérus typique de l’exposition au DES (distilbène), les kystes aux ovaires, les opérations, les endométrioses (…), 2 fausses couches, 2 grossesses difficiles. »
Les femmes sont les premières exposées aux scandales sanitaires. Delphine Bauer et Ariane Puccini ont ainsi relevé qu’elles sont « de manière disproportionnée, davantage exposées à des substances dangereuses ». Puis « Sur les 105 médicaments décrits ‘’à éviter’’ par Prescrire, 35 médicaments apparaissent parmi ceux remboursés par l’assurance maladie ». Et, parmi ceux-là, une écrasante majorité est plus prescrite aux femmes : 30 précisément contre 5 majoritairement aux hommes » et « le taux de prescription à des patientes est de 60% pour les deux tiers des médicaments listés ».
L’industrie pharmaceutique cible les femmes pour renforcer une représentation sexiste de leurs corps
Plus largement, cette industrie utilise un marketing qui cible les femmes de façon précise. Le compte Instagram Pépite sexiste a ainsi recensé une « taxe rose » sur une déclinaison d’AINS (anti-inflammatoire non stéroïdien) roses contre les règles douloureuses et vendus 49 centimes de plus alors qu’ils contenaient la même chose que l’original. Par ailleurs, l’industrie pharmaceutique cible la ménopause pour la rendre pathologique, en proposant des traitements hormonaux substitutifs, ou vend du viagra féminin contenant des effets secondaires importants pour pallier une baisse de libido.
Ce marketing centré autour d’une libido pathologique contribue à donner une idée codifiée de la sexualité, où un nombre de rapports serait « convenable » pour satisfaire le partenaire masculin. À propos de ce marketing, Martin Winckler explique dans Les brutes en blanc que « C’est le marketing, également dirigé vers les dermatologues qui déclencha la prescription massive de ’pilules-qui-traitent-l’acné’, dont l’effet contraceptif n’était pas meilleur que celui des pilules plus anciennes, mais les effets secondaires graves, plus nombreux. »
Entretenir une logique misogyne d’un corps féminin « objet » du désir masculin
Traitements hormonaux pour éviter les tourments de la ménopause, anti-acnéiques pour une peau parfaite, médicaments pour mincir, ou contraception hormonale pour éviter aux hommes la contrainte du préservatif… Les médicaments soutiennent parfois un système sexiste dans lequel les femmes devraient atteindre un idéal de beauté qui satisferait le désir masculin. L’industrie pharmaceutique renforce aussi les injonctions misogynes, notamment à travers la représentation d’une féminité « malade » lorsqu’elle ne correspond pas aux stéréotypes de genre. Comme le dit très justement Marion Larat, victime d’un AVC à cause de la pilule de troisième génération : « La liberté sexuelle est payée cher par les femmes. C’est plus tranquille pour les hommes. S’ils savaient à quel point les hormones peuvent être nocives, peut-être prendraient-ils leurs responsabilités. »
Les femmes sous-représentées dans les essais cliniques
Plus largement, les femmes ne sont pas considérées par une industrie pharmaceutique qui, sur les 20 000 essais cliniques réalisés dans le monde, en financeraient 70 %. À ce propos, Catherine Vidal, neurobiologiste, et Muriel Salle, historienne, ont réfléchi dans Femmes et santé, encore une affaire d’hommes ? sur cette inclusivité en expliquant que « sur l’ensemble des protocoles de recherche clinique, seulement 33,5% des participants sont des femmes ». Pourtant, les pathologies présentent parfois des manifestations sexuées. Par exemple, la première cause de décès des femmes est liée aux maladies cardiovasculaires, qui ont une symptomatologie différente. Une étude a ainsi montré qu’elles auraient trois fois plus de risques que les hommes de mourir dans l’année après une crise cardiaque, car elles sont moins bien diagnostiquées.
Un constat qui devrait amener une réflexion sur une approche plus féministe de la médecine actuelle…
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires