Microscandale au Daily Mail UK, ce passage écrit par la journaliste Liz Jones :
La vérité, c’est qu’on n’aime pas le sexe tant que ça. Et qu’on en a définitivement moins besoin que les hommes. C’est la dure et froide réalité. Et les femmes ne veulent franchement, incontrôlablement, plus de relations sexuelles après avoir eu des enfants – ou du moins c’est ce que les mères de mon entourage me disent. Surtout après que leur ventre ait pris cette texture de porridge. La seule raison pour laquelle on fait l’amour est pour attraper un homme, garder un homme, lui voler son sperme et nous flatter d’être séduisantes. Une fois que nous avons un homme, ses enfants, son nom sur un bout de papier, sa jeunesse et sa maison, nous ne voulons plus perdre notre temps à pratiquer cette ridicule danse horizontale.
Aouch, comme on dit dans le jargon. Une fois encore, la vieille rengaine ressort des brumes : les hommes et les femmes ne sont pas égaux face à la libido.
Honnêtement, ce passage m’a flanqué un doute d’au moins quatre secondes. Et si le complot mondial existait ? Et si mon amour du sexe n’était que le résultat d’un lavage de cerveau parfaitement réussi ? Je n’ai pas grandi sur une île déserte, je ne pense pas être quelqu’un de très connecté à son propre corps : qu’est-ce que j’en sais, de mes propres désirs ? Surtout dans la mesure où je bosse dans le milieu du sexe depuis huit ans, ce qui peut se concevoir comme un second lavage de cerveau ?
Alors je me suis posée la question aussi sincèrement que possible. Est-ce que Liz Jones a mis le doigt sur un tabou ?
Côté pile, je lui donne raison, dans mon petit cas personnel, sur des motivations douteuses quand je fais l’amour.
- Pour attraper un homme ? Certainement. Pour peu que je sois déjà un peu amoureuse de la personne, il est clair que passer à l’action « horizontale » permet nécessairement d’attirer l’attention, ambiance « salut je suis dans ton lit ».
- Pour garder un homme ? Encore oui. Même en cas de migraine prolongée, j’estime que refuser toute relation sexuelle pendant des semaines est une bonne manière de casser un truc dans la relation – à commencer par la communication et l’enthousiasme.
- Me flatter d’être séduisante ? Évidemment. Je peux même voir une corrélation directe entre ma libido et ma confiance en moi. Dès que je me trouve moche, je n’ai plus envie de rien.
Côté face, je sens chez Liz Jones une obsession pour la maternité que je ne partage pas. Les rares (deux) fois où j’ai considéré la possibilité de faire des enfants, c’était justement pour garder un homme – et ça a toujours eu lieu dans le cadre de relations dont l’instabilité détruisait ma confiance en moi. Pour cette journaliste british, la maternité est une fin. Pour moi, jusqu’à présent, ç’aurait été un moyen (je n’ai évidemment jamais sérieusement pensé que j’en arriverais là). Deux femmes, déjà deux expériences quasi-contraires. D’où mon embarras quand Liz Jones parle au nom de toutes les femmes.
Liz Jones fait l’amour pour « sécuriser » un homme. Pour le posséder. Son nom, sa jeunesse, sa baraque, tout ça devant la loi. Je comprends qu’on puisse vouloir posséder quelqu’un mais si on en vient à des choses aussi matérielles, c’est tout de même qu’on est assise sur un gouffre. La peur de perdre, je pense que tout le monde la ressent. Perdre son boulot, son avenir, sa jeunesse – une parfaite motivation pour se mettre en couple. J’ai certainement l’impression que les hommes ont moins peur que les femmes, mais je n’attribue pas ça à des différences psychologiques. Plutôt à des réalités. Une femme a plus de chances de vivre dans la précarité. Et faire des enfants à un homme permet de se donner une place dans la société que presque rien ne peut nous arracher. C’est une stratégie de survie autant que, pour certaines, un besoin profond. Du coup dans ce passage, le sexe, qu’il soit récréatif ou procréatif, est totalement instrumentalisé.
Oui, mais après ? Dans le cas de Liz Jones, c’est bien simple, le plaisir n’existe pas. Et ce n’est pas la première femme de culture anglo-saxonne qui sous-entend que le sexe, c’est trop de boulot pour pas grand-chose, alors qu’un carreau de chocolat donne TOUJOURS du plaisir et prend à peine une seconde à mettre en bouche.
C’est là que je me demande quelle vie a vécu cette femme. Parce que malgré mes peurs, mes doutes, mes motivations étranges pour passer à la casserole, pour moi il y a AUSSI le plaisir. Et quand la libido ne suivait pas celle des hommes, c’est que le plaisir – pas seulement physique mais aussi cérébral – ne suivait pas. Comment en arrive-t-on à écrire un article-confession qui sous-entend que les femmes n’ont pas de désir en propre ?
Je ne compte pas accabler l’auteur et ses amies-mères. Le sexe tel qu’on le pratique est tendu vers le plaisir des hommes, pas vers celui des femmes. Pourtant en bousculant les normes, on arrive généralement à construire une communication sexuelle beaucoup plus saine – même si elle ne ressemble pas aux films hollywoodiens. Manifestement, Liz Jones n’a jamais construit son propre désir. Ce n’est pas sa faute, ni même celle de ses amants. On peut regretter en revanche que l’information sexuelle de qualité soit si mal diffusée, parce que c’est très probablement là que se niche le problème.
Je ne sais pas si les femmes aiment le sexe, mais je suis sûre qu’elles peuvent l’aimer, même si ça demande parfois un effort, un coup de chance, un apprentissage. J’en veux un peu à Liz Jones de tirer sur l’ambulance, de parler à ma place, de donner des arguments à ceux des hommes qui justifient leur recours à l’infidélité ou à la prostitution par une dissymétrie « naturelle » des désirs. Mais je ne lui en veux pas d’être imperméable au plaisir. Je suis juste désolée pour elle.
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Les Commentaires
Perso, j'adore la natation et je connais des gens qui détestent ça. On s'entend bien quand même. Si un jour, quelqu'un me disait "oh, tu vas à la piscine uniquement pour te muscler, attirer l'oeil des maîtres-nageurs et/ou avoir des réductions avec ta carte du club, pas parce que tu trouves ça agréable, aucune meuf n'aime les sensations qu'apporte la natation", je crois que ça me ferait hurler de rire. Faut jamais prendre son cas pour une généralité...