Pendant longtemps, le rôle des femmes dans les films d’horreur évoquait inévitablement une pauvre nunuche naïve qui se prenait les pieds dans tout le décor et qui hurlait comme une hystérique. Dans Scream, Sidney Prescott (Neve Campbell) fait allusion à cette image en expliquant qu’elle n’aime pas les films d’horreur à cause de ce cliché qui veut que les filles soient toujours en train de tomber, d’aller dans la mauvaise direction et de faire des trucs stupides qui ne font qu’aggraver la situation. Malgré ça, on imagine difficilement un film d’horreur « de base » sans ses personnages féminins plus ou moins clichés. Un bon slasher se fait généralement avec sa petite touche de nudité, et c’est souvent à la femme de se dénuder dans ces moments là. Une victime se doit d’être faible, et quoi de plus faible qu’une jeune donzelle à poil en proie à un mastodonte enragé armé d’une machette ? Mais les temps changent, et les clichés avec eux. On voit donc apparaître plusieurs catégories de rôles féminins.
Le plus courant reste malgré tout celui de la nunuche qui court (et tombe) partout. L’exemple qui me vient immédiatement en tête est celui de Laurie Strode (Jamie Lee Curtis) dans le Halloween de John Carpenter (1978). Laurie est une jeune fille de 17 ans qui se retrouve poursuivie par le célèbre Michael Myers. Michael s’est retrouvé dans un asile psychiatrique à l’âge de 6 ans après avoir assassiné sa soeur et son petit copain. C’est à 21 ans qu’il réussit à s’enfuir pour partir à la poursuite de Laurie, tuant tous ceux qui se dressent sur son passage.
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Ce qui fait de Laurie la nunuche de base, c’est d’abord son côté niais ultra agaçant, mais aussi sa façon de se conduire en situation de danger. Lorsque sa meilleure amie disparaît en plein baby sitting, Laurie part à sa recherche en l’appelant bien fort, rentre dans une maison sans allumer les lumières, monte à l’étage, bref, elle fait toutes les erreurs qu’on ne doit surtout pas faire quand on a un tueur fou au cul. Pire encore, lorsqu’enfin elle parvient à poignarder son agresseur, au lieu de se barrer en courant, elle lâche son arme près du corps inanimé de Michael, et s’éloigne lentement en lui tournant le dos, avant de se laisser tomber à terre « pour souffler un coup ». Sans parler du moment où elle se planque dans un placard pour lui échapper… un placard ouais, bravo ma grande.
La nunuche « premier rôle » est généralement toute innocente, vierge comme une nonne, et très naïve. C’est la bonne copine pas trop jolie qui grimace ou pouffe dès qu’on parle de sexe. Elle est entourée de copines bien plus dévergondées qui sont souvent les premières à se faire massacrer comme du bétail (ça vous apprendra, filles de mauvaise vie !). Retour à Scream pour un petit rappel des règles énoncées par Randy Meeks pour s’en sortir dans un film d’horreur :
- Ne pas avoir de rapports sexuels.
- Ne consommer ni alcool ni drogues
- Ne jamais, JAMAIS, dire « Je reviens« , parce que vous ne reviendrez jamais.
Conclusion : être une nunuche, ça peut avoir ses avantages. Parce qu’en général, ce sont effectivement elles qui s’en sortent, et si le fim devient une franchise largement exploitée, la nunuche passe vite au rang de survivor au fil des volets.
Ce qui nous amène à notre deuxième catégorie : la survivor. Celle qui se laisse pas faire et qui met une grosse race au premier débile masqué qui tente de lui faire la peau. Vous n’allez dire que je n’ai que ce mot à la bouche, mais je suis bien obligée d’en revenir à Scream pour illustrer mes propos. Sidney Prescott est ma survivor préférée. Malgré les trois volets, elle garde son statut du début à la fin. Dans les deux suivants encore, ça peut se comprendre, question d’habitude, mais c’est dès la première attaque qu’elle fait ses preuves. est forte, intelligente, terre à terre, elle ne se laisse pas submerger par ses émotions (et pourtant y aurait largement de quoi). Elle envoie bouler les clichés de la nunuche sans sourciller, et même si elle fait elle aussi quelques unes des erreurs qu’elle critiquait (monter à l’étage quand on est poursuivie par exemple), elle parvient néanmoins à tourner la situation à son avantage. Tout au long de la trilogie, elle fait tout péter autour d’elle et elle ne faiblit jamais.
Mais il existe d’autres exemples, qui remontent aux années 70. Dans I Spit On Your Grave de Meir Zarchi, un rape & revenge sorti en 1978, on retrouve Jennifer Hills (Camille Keaton), une jeune fille torturée et violée par cinq hommes, puis laissée pour morte. Jennifer prend ensuite quelques jours pour se remettre de ses émotions et planifier sa vengeance. Et putain, quelle vengeance ! Emasculation, pendaison, attaque à la hache, et j’en passe… Ce film a évidemment été censuré à sa sortie, il a fait un véritable scandale et quand on voit l’ampleur de la violence des scènes, on le comprend bien. Néanmoins, et n’appelez pas le samu pour autant, il est vrai que la deuxième partie du film (la partierevenge donc) m’a apporté une certaine satisfaction. Quand on voit ce que la jeune fille a subit, on ne peut s’empêcher d’être "contents" de la voir se relever pour mettre minables ceux qui l’ont torturée. Le genre du rape & revenge regorge de survivors en tout genre, même si parfois la vengeance est perpétrée par d’autres personnes que la victime (dans La Dernière Maison sur la Gauche par exemple).
Un dernier exemple ? Si je vous dis Clarice Starling, ça vous parle ? Le rôle interprété par Jodie Foster dans Le Silence des Agneaux est également parfait pour illustrer mes propos. Elle entretient une relation particulière avec le Dr. Hannibal Lecter mais ne se laisse jamais déborder, alors qu’il serait si facile de succomber au charme du cannibale… Elle prend ses propres décisions et les assume jusqu’au bout, que ça plaise ou non.
Comme je vous le disais au début, il est courant que le méchant des films d’horreur soit de sexe masculin (ou du moins qu’il en ait l’air), mais il y a toujours des exceptions. Dans certains cas, "la méchante" ne l’est pas volontairement. Dans Carrie par exemple, la pauvre lycéenne paumée incarnée par Sissy Spacek n’est à la base qu’une jeune gamine rejetée par les autres. Avec une mère ultra chrétienne et possessive, elle n’a pas le droit de faire ce que toute lycéenne moyenne fait sans se poser de questions. Mais une fois poussée à bout, elle se découvre des pouvoirs télékinésiques qui se retournent contre ceux qui lui font la misère. Autre exemple : Regan dans L’Exorciste. Une petite fille qui n’a rien demandé à personne et qui se retrouve possédée par un vilain démon qui lui pourrit la face (et la vie, accessoirement). Donc techniquement, c’est le démon qui tient le rôle du méchant, mais c’est une enfant qui l’incarne (Linda Blair, alors âgée de 14 ans).
Puis viennent les "vraies" méchantes. Attention, je me vois forcée de balancer quelques spoilers pour le coup, donc si je mentionne certains films que vous ne connaissez pas, il se peut que je dévoile des éléments importants.
[SPOILER] La première qui me vient à l’esprit, c’est Mme Voorhees. Car oui, dans le premier volet de Vendredi 13, point de tueur au masque de hockey ! C’est la mère de Jason qui massacre tous les ados en rut du Camp Crystal pour venger la mort (?) de son fils, qui s’est noyé sous la surveillance des monos. Imaginez deux secondes votre mère (ou votre grand-mère vu la dégaine de la mère Voorhees) en train de péter un câble et de massacrer tout le monde, ça fout un peu les pétoches hein. Pour passer du côté sexy du massacre au féminin, mon exemple préféré reste cette chère Baby dans La Maison des 1000 Morts et The Devil’s Rejects, les deux superbes films de Rob Zombie. Baby (incarnée par Sheri Moon Zombie, la femme de Rob) fait partie d’une famille de tarée façon Massacre à la Tronçonneuse qui dézingue salement tout ce qui bouge. Elle fait un peu cheerleader de Satan quoi. Elle est belle, elle est bonne, et elle s’en sert pour attirer ses victimes chez elle, pour leur faire vivre un véritable enfer à l’aide des membres de sa famille. Et pourtant, c’est surtout visible dans The Devil’s Rejects, impossible de ne pas s’y attacher.
Et impossible de ne pas rendre hommage à la France avec le merveilleux Haute Tension ! [SPOILER] Cécile de France nous fait tourner en bourrique dans ce rôle de schizophrène qui pète un câble. Evidemment, l’identité du tueur n’est pas révélée avant la fin puisqu’on voit tout du point de vue du délire de Marie, qui croit être poursuivie par un taré qui tue tout le monde autour d’elle, alors que c’est elle qui commet tout ces meurtres. Un film qui malheureusement n’a jamais la même saveur quand on le revoit et qu’on connaît la fin, mais qui reste une référence dans le genre, jusqu’aux Etats-Unis !
Un bon film d’horreur peut difficilement se faire sans personnages féminins, que ce soit la nunuche, la trainée qui est juste là pour se foutre à poil et mourir dans les premières minutes du film, la survivor de base ou carrément la psychopathe, elles sont essentielles au genre. Un genre qui est connu pour avoir plus de succès auprès des hommes et qu’est-ce qui fascine plus les hommes que les femmes hein ?! Les rôles féminins dans les films d’horreur sont bien plus variés, et offrent tout un tas de possibilités, alors que les hommes s’en tiennent à des rôles plutôt basiques. Et puis comme les femmes commencent de plus en plus à s’intéresser au genre, il leur faut bien des personnages auxquels s’identifier elles aussi !
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moi aussi les nunuches m'énervent en puissance