On le sait : psychologiquement et financièrement, ces deux dernières années ont été particulièrement éprouvantes pour les étudiants et étudiantes. Isolés à cause de la fermeture des établissements scolaires, précarisés par le manque de jobs étudiants, les jeunes en cours d’études ont bien douillé.
Si bien qu’en janvier dernier, le gouvernement avait mis en place des chèques psy, soit un forfait de trois séances de psy gratuites pour leur apporter une aide d’urgence.
Une opération vraiment utile aux étudiants et étudiantes en détresse, ou un coup d’épée dans l’eau ? On fait le bilan.
Une réponse d’urgence pour la santé mentale des étudiants ?
Les étudiants et étudiantes ont été fortement touchées par la crise sanitaire, surtout au niveau de leur santé mentale. Une étude menée par l’Inserm et l’université de Bordeaux avait d’ailleurs pointé du doigt le fait que 36,6% d’entre elles et eux avait déclaré avoir « des symptômes dépressifs (contre 20,1% des non étudiants) et 27, % des symptômes d’anxiété (contre 16,9%). » Pire, 12,7% ont eu des pensées suicidaires.
Selon une étude de la Fondation de France rapportée par Le Parisien, on compterait 2,7 millions d’étudiants fragilisés psychologiquement par la pandémie.
D’ailleurs, le sentiment de solitude serait en forte hausse chez les jeunes. Dans son rapport sur les solitudes, la Fondation de France alerte :
« La pandémie s’est traduite par une réduction des réseaux relationnels des jeunes, ce qui a renforcé chez eux le sentiment de solitude : 33% des jeunes expriment un sentiment de solitude vs 14% chez les 60 ans et plus. Ce ressenti a augmenté de 5 points en un an alors qu’il reste stable pour le reste de la population (21%). »
Devant ces constats alarmants, au début de l’année, le gouvernement avait mis en place des « chèques psy », qui comprenaient un forfait de trois rendez-vous gratuits entre 45 minutes et une heure. Une plateforme a même été mise en ligne pour faciliter la prise de rendez-vous.
Trois séances de 45 minutes, c’est pas fifou, direz-vous — et vous avez raison. Mais selon le gouvernement, l’idée était surtout de proposer une alternative aux centres médico-psychologiques (CMP) qui sont, certes, gratuits, mais toujours complets. Le but était aussi et surtout d’apporter une réponse d’urgence à la détresse psychologique des étudiants face à la situation sanitaire !
À l’époque déjà, l’initiative avait été fortement critiquée, et pour cause : « lourdeurs administratives, système peu attractif pour les praticiens, communication balbutiante »… tout est fait pour que le dispositif n’atteigne pas sa cible ! Le Monde détaillait la procédure à laquelle les étudiants et les professionnels de la santé doivent se plier :
« L’étudiant doit commencer par prendre rendez-vous – soit chez son médecin généraliste, soit dans son service de santé universitaire – pour se faire prescrire un suivi psychologique. Son ordonnance en poche, il a le droit à trois consultations gratuites en libéral, renouvelables une fois.
Pour trouver un psychologue près de chez lui, l’étudiant se connecte sur la plate-forme en ligne « Santé psy étudiant » […] Une fois la séance faite, le psychologue renseigne les informations sur la plate-forme pour pouvoir être payé par l’université dont il dépend. En fin d’année, c’est l’Etat qui remboursera aux universités les sommes dépensées, à raison de 30 euros par consultation. »
Un long processus qui décourage, et un tarif qui met en colère les psys : « la tarification à 30 euros est inacceptable », rapportait Patrick-Ange Raoult, le secrétaire général du Syndicat national des psychologues (SNP) au Monde.
Qui a pu bénéficier du chèque psy ? Pas grand-monde…
C’est bien joli tout ça, mais les jeunes en cours d’études ont-ils vraiment pu en bénéficier ? Ont-ils vraiment suivi l’initiative ?
D’après la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation Frédérique Vidal, oui. Elle rapporte au Parisien :
« 1 300 psychologues ont adhéré au dispositif. Près de 14 000 étudiants ont été accompagnés par les psychologues de ville au travers de 50 000 séances. »
14 000 étudiants sur les 2,7 millions psychologiquement fragilisés par la crise, je ne suis pas forte en maths, mais ça n’est pas folichon. À vrai dire, après un rapide calcul, ça ne représente que 0,51% d’étudiants et étudiantes ayant bénéficié du dispositif !
Des chiffres dont se félicite pourtant la ministre, qui ajoute que le dispositif sera maintenu jusqu’au 31 août 2022, et que le nombre de séances prises en charge passera de six à huit par étudiant ou étudiante au lieu de trois, ce qui permet déjà plus de suivi.
Pour venir en aide aux services de santé universitaire, Frédérique Vidal a également annoncé un recrutement de 80 psychologues, « permettant ainsi près de 66 000 séances supplémentaires » — portant ainsi le nombre de séances prises en charge par l’État à 116 000.
« Je souhaite mettre en avant le courage des étudiants depuis le début de la crise sanitaire. Nous avons une jeunesse extrêmement résiliente, qui s’est accrochée et qui réussit malgré les obstacles. »
Une jeunesse résiliente, certes, mais pour combien de temps ? Sans compte le fait qu’encore aujourd’hui, presqu’un an après la mise en place du dispositif, l’initiative ne fait pas l’unanimité. La présidente de l’Unef Grenoble rapportait à France Bleue :
« Ce chèque, c’est un espèce de numéro vert en physique, c’est comme mettre un pansement sur une plaie béante »
Et c’est sans compter le refus des pros de la santé mentale à se plier au tarif de 30 euros… Une étudiante expliquait au média :
« J’avais trouvé une psy qui me correspondait bien, mais elle était contre, elle le boycottait. Elle considérait que c’était mauvais pour les étudiants d’avoir seulement trois séances. »
Il est fort à parier que non seulement cette étudiante est loin d’être la seule à s’être confrontée au même problème, mais que bon nombre de jeunes en cours d’étude n’ont même pas entendu parler des chèques psys, au vu du peu de communication mis en place.
Pour plus de renseignement sur les chèques psy et pour consulter la liste des professionnels de santé partenaires, rendez-vous ici — en attendant une vraie prise en charge de la santé mentale à l’échelle nationale.
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Crédits photos : SHVETS production (Pexels)
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