Luigi Pirandello écrivain italien, a touché à toutes les formes littéraires. Nouvelles, poésie, romans, pièces de théâtre : tous sont passés sous sa plume. C’est cependant pour son théâtre qu’il est aujourd’hui connu, et c’est d’ailleurs grâce à lui qu’il a obtenu le prix Nobel, justifié de la façon suivante : "for his bold and ingenious revival of dramatic and scenic art".
Son théâtre en effet est souvent très original, à l’image de certains de ses romans dans lesquels il s’amuse à créer des situations hors du commun qui lui permettent de donner à ses personnages une parcelle de vie en forme de miroir sur eux-mêmes et sur n’importe quel lecteur. Tel est par exemple le cas du personnage principal de son roman Feu Mathias Pascal (1904) qui est cru mort par ses proches alors que le corps découvert est en réalité celui d’un autre. Il profite de cette opportunité pour aller refaire sa vie ailleurs. Ce personnage est le narrateur du récit et raconte son aventure rétrospectivement, ce qui donne au roman de l’Italien un aspect de dédoublement toujours très plaisant et savamment mené à bien.
Il en va de même, et bien plus nettement, pour son théâtre. Car celui-ci est dans certaines pièces l’objet d’une réflexion sur le théâtre lui-même, lorsque le dramaturge met en abyme le théâtre dans le théâtre. C’est le cas dans trois de ses pièces qui font preuve d’une imagination incroyablement séduisante. Comme ci (ou comme ça) est une pièce compliquée, image de l’impossibilité à mettre en scène un texte théâtral : dans la pièce (que nous lisons), une pièce est en train de se jouer mais se trouve confrontée à différents obstacles : les modèles qui ont inspirés la pièce se révoltent contre les acteurs, qui font de même puis se rebellent contre l’auteur, jusqu’à ce que le public lui-même (celui de la pièce, fictif) manifeste son mécontentement. La pièce devient alors la représentation même de son impossible représentation. Ce soir on improvise met en scène le même genre de subtilités quant au fonctionnement du théâtre.
Mais c’est Six personnages en quête d’auteur qui est sa pièce la plus connue, certainement la plus habile, et qui met en scène de la même façon le théâtre dans le théâtre, pour porter sur le genre une réflexion originale.
Dans cette pièce, alors qu’un metteur en scène dirige ses acteurs sur la scène d’un théâtre, surgit une famille qui annonce qu’elle a son propre drame à faire jouer à ces acteurs. Elle s’agite, en explique les grandes lignes, et de cette façon en vient elle-même à jouer ce drame.
Six personnages en quête d’auteur procède à un dédoublement lorsque ces personnages venus donner leur histoire au metteur en scène finissent par la revivre eux-mêmes : comme si le théâtre ne pouvait être autonome, qu’il fallait nécessairement que ce soit les protagonistes de l’histoire qui puissent la jouer fictivement. Ainsi c’est la pièce qui devient le jouet de ses personnages car elle ne peut s’en passer. C’est sans conteste une façon ingénieuse de redonner vigueur au théâtre.
Six personnages… est donc un bon moyen de découvrir l’œuvre de Luigi Pirandello, inventive et en effet audacieuse. Il a aussi entrepris de réunir en un recueil trois cents soixante-cinq nouvelles (les Nouvelles pour un an) sans parvenir cependant à son but, mais en en réunissant un bon nombre.
Six personnages en quête d’auteur, aux éditions Gallimard
(Pour plus d’informations sur Pirandello, voir la page du site NobelPrize.org qui lui est consacrée – en anglais.)
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