Playmate, nom féminin : Jeune femme qui pose pour la presse de charme. Consécration, les jeunes blondes d’Hugh Hefner ont leur épigraphe dans le dictionnaire. Mais les secrets suffoquent dans l’empire Playboy.
Il y avait la belle image de l’homme et de sa dynastie. Dans ses colonnes, Hugh Hefner n’oubliait jamais de plaider pour les droits LGBT+, pour la libération des femmes et de leur sexualité ou encore pour l’avortement. Hugh Hefner aimait les femmes, leur blondeur, leur charme et rondeurs. Son pari, il l’a relevé. En fondant Playboy en 1953 avec Marilyn Monroe en couverture, il a fait déferler une révolution sociétale dans un monde où la pilule contraceptive était encore interdite dans certains États des États-Unis.
Mais depuis le 24 janvier dernier, une série documentaire, Secrets of Playboy, diffusée sur Canal+ présente l’envers du décor de l’empire érotique. Derrière la façade libertaire et idyllique, il était une fois des viols répétés et en réunion de bunnies sous soumission chimique. Décryptage.
Au-dessus du peignoir : Hugh Hefner, un humaniste avec des objets sexuels
Au-dessus du peignoir, Hugh Hefner portait des combats louables, mais n’était pas pour autant féministe. En 1969, le directeur de Playboy a même commandé un article sur les militantes féministes. Une seule consigne : les détruire. D’après le New York Times, le patron aurait écrit dans un mémo interne :
« Ces filles sont nos ennemies naturelles. Je veux un article qui les descend. Elles sont opposées à la société romantique dont Playboy fait la promotion. »
Car Hugh Hefner voulait des femmes « qui ressemblent à des lapines ». Du noir, du rose, des oreilles et des queues, ses poupées, alias ses playmates sont nées. « Jeune, en bonne santé, simple. C’est la girl next door », racontait Hefner, en 1967 à la journaliste Oriana Fallaci, comme le rappelle L’Express. La femme mystérieuse, difficile, fatale, dominatrice ou encore torturée, très peu pour lui : « La fille Playboy n’a pas de dentelle, pas de sous-vêtements, elle est nue, bien lavée avec de l’eau et du savon et elle est heureuse ».
L’humaniste et ses objets sexuels, une vision des femmes limitée, mais il l’assumait. En 2012, il est même allé jusqu’à déclamer au New York Daily News : « Les femmes sont des objets sexuels. Si les femmes n’étaient pas des objets sexuels, il n’y aurait pas d’autre génération. C’est l’attraction entre les sexes qui fait tourner le monde. C’est pour cela que les femmes portent du rouge à lèvres et du maquillage. »
Marié trois fois, pas du genre monogame… Au terrier, la Playboy Mansion, il vivait aux côtés de bunnies à son service. Sans surprise : uniquement de très jeunes femmes blondes. À la Mansion, la fête était éternelle. Et les bunnies malmenées. La journaliste féministe Gloria Steinem, en 1963 pour le Show Magazine (traduit en français en 2016 dans la revue Feuilleton) avait infiltré la « secte Hefner ». Harcèlements sexuels répétés de la part des invités masculins, maigres salaires et examens médicaux invasifs, constatait-elle alors :
« Je pense que Hefner veut marquer l’Histoire comme une personne sophistiquée et glamour. Mais il est la dernière personne que j’aimerais voir marquer l’Histoire. Une femme qui lit Playboy se sent comme un juif qui lit un manuel nazi. »
Au-dessous du peignoir : méthaqualone et viol en réunion
Au-dessous du peignoir, la réalité est bien moins frivole. Et parfois, libérées de son emprise, des ex-amantes brisent le silence. En 2015, Holly Madison, playmate et petite-ami de Hugh Hefner entre 2001 et 2008, a publié son témoignage dans son livre, Down the Rabbit Holes : Curious Adventures and Cautionary Tales of a Former Playboy Bunny. Elle décrit un quotidien difficile dans le manoir délabré du Hugh Hefner. Amateur de drogue, l’homme faisait régner la terreur dans son harem : guérilla entre les petites amies, orgies forcées… L’homme était odieux, parfois brutal. L’emprise sur ses bunnies était totale, comme le révèle Holly :
« Je me suis coupée les cheveux courts et il s’est emporté. Il me hurlait dessus en me disant que cela me faisait paraître vieille, froide et banale. »
Et elle ne serait pas la seule victime… En 2015, la mannequin Chloé Goins a poursuivi en justice Hugh Hefner et Bill Cosby. Elle accusait le premier d’avoir aidé le second à la violer, en 2008, alors qu’elle était inconsciente dans l’une des chambres de la Playboy Mansion. Scénario identique avec Judy Huth qui n’avait que 15 ans au moment des faits en 1974. Et les révélations ne finissent pas de déferler…
Les révélations effrayantes du documentaire Secrets of Playboy
Alerte sur la planète Playboy ! En janvier dernier, une série documentaire inédite dévoilant les dessous de l’empire Playboy est diffusée sur A&E. Bienvenue au royaume des viols répétés des playmates droguées à leur insu…
En 10 épisodes, la série dévoile une enquête glaçante sur les coulisses sordides du fameux manoir Playboy. Humiliations, actes sexuels forcés, prises de drogues imposées pour que les Playmates acceptent « d’ouvrir les jambes » mais les révélations ne s’arrêtent pas là…
Au sein de la tribu Playboy, aucune femme n’a été forcée directement à passer par la case bistouri, mais plusieurs anciennes bunnies confient que Hugh Hefner avait toujours les mots les plus blessants possibles pour les encourager implicitement à faire de la chirurgie esthétique. En faisant que toutes les femmes se ressemblent, le patron de Playboy gardait le contrôle sur ses bunnies, comme l’explique Holly Madison dans un des épisodes :
« Il me disait que je n’étais pas assez photogénique. Alors bien sûr, ce que ça te fait, c’est que tu demandes ce qui ne va pas chez toi et ce que tu dois faire réparer. »
Playboy Mansion : Secte, orgies, zoophilie et soumission chimique
Holly Madison, 14 ans après avoir quitté le manoir Playboy, se rappelle une ambiance malsaine, où les orgies et les viols en réunion se répétaient dans le plus grand secret, où les bunnies étaient prises au piège dans une sorte de « secte » :
« En regardant en arrière sur mon temps à Playboy, ça me fait penser à une secte. C’est très facile de s’isoler du monde extérieur là-bas. Vous aviez un couvre-feu à 21 heures. On nous encourageait à ne pas recevoir d’amis – on n’avait pas vraiment le droit de partir, sauf si c’était pour des vacances en famille. »
Stefan Tetenbaum, qui était un des valets au sein de la Playboy Mansion entre 1978 et 1981, a observé que tout fonctionnait selon un rituel bien établi :
« Hefner aimait les femmes jeunes et il aimait qu’elles viennent de foyers brisés où il n’y avait pas de père parce qu’il pouvait les impressionner et les contrôler, pour qu’elles puissent ensuite satisfaire ses désirs et ceux de ses amis. Il aimait prendre ces filles qui étaient fraiches pour ensuite les détruire. »
Une autre ex-petite amie de Hugh Hefner, Sondra Theodore, en couple avec Hefner de 1976 à 1981, ainsi que quelques employés du manoir Playboy, racontent des orgies cinq jours sur sept, ou encore des relations sexuelles imposées avec des animaux…
Il avait aussi les soirées du jeudis, surnommées les « Pig nights » (traduisez « nuits cochonnes »). Hugh Hefner conviait alors six prostituées qu’il jugeait repoussantes, afin de satisfaire les désirs de ses invités. A l’issue d’un repas, les jeunes femmes faisaient l’objet d’un classement puis elles étaient toutes examinées par un médecin pour s’assurer qu’elles n’étaient pas porteuses de maladies, avant de repartir au bras des amis de Hefner pour un moment plus intime.
Le maître en peignoir utilisait des Quaalude – un sédatif – pour soumettre chimiquement les Playmates afin d’abuser d’elles. Coïncidence ironique : Bill Cosby usait de la même molécule lors des viols dont il est accusé. Sondra Theodore a été droguée régulièrement au sein du manoir Playboy :
« Habituellement, on prenait un demi-cachet. Mais si vous en preniez deux, vous perdiez connaissance. (…) Les hommes savaient qu’ils pouvaient faire n’importe quoi avec les filles s’ils leur donnaient du Quaalude. »
Une pratique courante au sein de la Playboy Mansion, comme le confirme l’ancienne secrétaire et assistante de Hefner, Lise Loving Barret, précisant que le patron de Playboy, elle-même et d’autres responsables se faisaient prescrire le médicament pour assurer un stock « et nourrir la machine » :
« Nous appelions les Quaaludes des « ouvreurs de cuisses ». Ils étaient un mal nécessaire, si on peut dire, à la fête. »
Hugh Hefner accusé de viol par une ancienne playmate
Dans le dernier épisode de la série documentaire, Susie Krabacher révèle avoir été violée par Hugh Hefner en 1983, alors qu’elle était encore mineure. Lors d’une discussion animée à propos de son avenir professionnel, le maître des lieux, lui aurait proposé un cachet pour se « calmer », se souvient-elle :
« Je l’ai pris sans réfléchir (…) Je ne me rappelle pas m’être allongée. Quand je me suis réveillée, il était nu sur moi, et je n’avais plus ni mes sous-vêtements, ni mon pantalon de pyjama (…) Ce vieil homme avec la bouche ouverte était réel. C’était Hefner. Il ressemblait à Satan. »
Cette série documentaire est un véritable plongeon dans un cauchemar trop longtemps ignoré : exploitation sexuelle des playmates, caméras filmant tout le monde en permanence et micros enregistrant toutes les conversations, sexe imposé sans préservatif avec le boss, la drogue, l’alcool à volonté, les overdoses, les suicides… On découvre avec frayeur comment Playboy a bâti un mur du silence autour de tout ce qui se passait au cœur de son manoir. Et surtout, comment Hugh Hefner est toujours passé entre les mailles du filet de la justice américaine malgré des drames et des accusations à répétition…
Les réactions partagés au sein du groupe Playboy
À l’horizon, la chute de l’empire Playboy ? Bonne nouvelle pour Hugh Hefner : décédé en 2017, il n’assistera pas au déclin de sa dynastie. Le documentaire précise que les propriétaires actuelles de Playboy ont déclaré :
« Nous croyons les femmes victimes de violences et soutenons tous les individus qui ont accepté de raconter leur expérience dans ce documentaire… Après 70 ans d’existence, nous sommes fiers d’une grande partie de la longue histoire de Playboy bien que certains des faits qui se sont déroulés soient contraires à nos principes. »
Mais dans une lettre ouverte parue début février, plusieurs centaines d’ex-employés du groupe Playboy ont décidé de prendre la défense de Hugh Hefner affirmant qu’il était « un personnage qui faisait preuve d’une incroyable gentillesse et d’un attachement profond à la liberté individuelle. »
Même son de cloche pour Cooper Hefner, l’hériter de l’empire Playboy qui a soutenu son défunt père sur son compte Twitter, le 23 janvier dernier :
« Certains peuvent désapprouver la vie que mon père avait choisi mais ce n’était pas un menteur. S’il ne menait pas une existence conventionnelle, son approche de la vie était sincère et honnête (…) Ces accusations salaces sont l’exemple parfait de la manière dont le regret peut transformer en vengeance. »
Un discours bien éloigné de celui tenu par Crystal Heffner, dernière épouse de l’éditeur, de 2012 jusqu’à sa mort. Après l’avoir longtemps défendu bec et ongles, la jeune femme a corroboré les accusations présentes dans le documentaire, notamment celle de Holy Madison affirmant que Hugh Hefner photographiait ses victimes inconscientes après les avoir intoxiquées.
À la suite de la diffusion de la série documentaire, la veuve âgée de 35 ans a affirmé sur son compte Twitter avoir déniché « des milliers » de clichés :
« Je les ai immédiatement arrachés et détruits les uns après les autres, pour toi Holly et pour toutes les femmes qui figuraient dessus. Il n’en reste aucun. »
Voir Secrets of Playboy sur Canal+
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Image en Une : © Madmoizelle
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Les Commentaires
Ça agit sur ma vie, mon couple, mes relations, toutes ces histoires.
Ce n'est pas une raison pour ne plus en parler parce-que ça existe et que c'est partout/ tout le temps, mais pourquoi ne pas prendre le contre-pied et proposer des solutions ?
Proposer des articles qui parlent de pouvoir féminin et féministe, de négociations dans le couple, de pratiques sexuelles orientées vers le plaisir/rythme féminin, proposer des ateliers de rencontre entre femmes, proposer des actions, coller des affiches ou messages, faire des happenings, boycotter des marques ou entreprises...
Agir, quoi.
Tous les jours je lis qu'on se fait entuber par tous les orifices. Bon.
Et du coup c'est quoi les solutions ?
J'enrage, la jeune fille que j'étais y a bien cru à toutes ces conneries sur le couple, les pratiques, les attitudes à adopter pour être une "bonne meuf". J'avais pas compris à l'époque à quel point ça m'abimerait, à quel point ça ralentirait mon émancipation.
Aujourd'hui que je suis bien abîmée, je relis tout ça et ça me traumatise.
Mais HO on fait quoi pour que ça change ?