Mercredi 28 janvier, les joueuses de l’équipe de football Les Dégommeuses se sont présentées sur le terrain du stade Louis Lumière, dans le 20ème arrondissement parisien, afin de profiter du créneau horaire qui leur est attribué.
Sauf qu’un autre groupe occupait encore cet espace, une équipe de jeunes. Et leur entraîneur refuse de céder la place aux Dégommeuses. Cécile Chartain, la présidente du club, nous raconte l’altercation :
« On a deux créneaux hebdomadaires dans ce stade. Nous sommes gentiment allées signaler au monsieur qui animait l’entraînement avec les jeunes sur le terrain qu’il était l’heure que nous entrions à notre tour.
Ce monsieur s’est mis très en colère, tout de suite. Il est devenu très grossier rapidement, devant les enfants. Nous lui avions fait remarquer que son ton était inadapté, il s’est emporté encore plus, et il a fini par être extrêmement insultant.
Il a continué à se montrer agressif, en poussant une de mes joueuses, puis en se retournant vers ses jeunes joueurs, qui devaient avoir 12-13 ans à vue d’oeil (ils n’étaient pas très grands). Il les a galvanisés, il leur a montré l’exemple en disant « allez les jeunes, regardez, applaudissez les lesbiennes ».
S’en est suivi un déchaînement collectif avec des gamins sautant, hurlant, huant « bouh ! Les lesbiennes, baaaah ! ».
Je vous laisse imaginer cette scène qui était très choquante. On était à moitié encerclées et moins nombreuses qu’eux, ça faisait un effet de foule menaçant.
On ne peut pas imaginer qu’on peut se retrouver en face d’un éducateur tenant ce type de propos qui incitent à la haine. »
Le club a déposé une plainte qui est en cours d’examen.
« Comme si on était invisibles »
Ce n’est pas la première fois que Les Dégommeuses sont les cibles d’invectives insultantes, mais c’est certainement une escalade préoccupante dans le niveau de violence qu’elles ont eu à essuyer…
« Il faut parfois jouer un petit peu des coudes [pour faire respecter leur créneau d’entraînement, NDLR], par exemple un jour, on était en train de terminer une session, mais bien avant la fin de notre créneau, un entraîneur qui avait commencé l’échauffement avec son équipe était venu nous voir en disant :
« Mesdemoiselles, vous serez gentillettes de libérer le terrain un quart d’heure avant l’heure, parce qu’on a un match super important là ce soir. »
Voilà, c’est juste un exemple parmi d’autres… Des anecdotes qui peuvent paraître anodines, comme les garçons qui sont en train de jouer au bord, qui empiètent sur notre terrain, et quand on leur fait remarquer qu’on est en train de jouer nous aussi, ils répondent « ah, on n’avait pas vu ! » comme si on était invisibles…
On avait déjà eu une agression sérieuse il y a deux ans, avec des jeunes qui lançaient des insultes et des bouteilles d’eau d’un litre depuis le toit d’un immeuble. »
– Les Dégommeuses sont une association sportive et militante, « majoritairement composée de lesbiennes (et d’amies de), qui promeut l’égalité dans et par le sport ». Pour aller plus loin, lire le dossier de Yagg.
La visite de la Secrétaire d’État Pascale Boistard à l’entraînement des Dégommeuses, le 4 février
Tolérance zéro
Mercredi 4 février, soit une semaine après cette agression, la Secrétaire d’État aux Droits des Femmes Pascale Boistard s’est rendue sur place pour donner le coup d’envoi de l’entraînement de la semaine, et montrer son soutien aux Dégommeuses en réaffirmant sa volonté de lutter contre toutes les formes d’invalidation de la présence des femmes dans l’espace public.
– Pourquoi était-ce important pour vous d’être présente ce soir ?
– C’est important de soutenir ces joueuses qui ont été victimes d’insultes lesbophobes, en plus devant des enfants. C’est important, pour redire que toutes les femmes ont leur place dans le sport, toutes les femmes ont leur place dans l’espace public, qu’elles peuvent circuler, jouer, comme elles le veulent quand elles le veulent, et réaffirmer que l’État est là pour lutter contre les discriminations, en particulier les discriminations sexistes et lesbophobes. Je suis venue ce soir leur apporter mon soutien, et celui du gouvernement, leur dire qu’on est avec elles et qu’on veille à lutter précisément contre ces faits.
– C’est « tolérance zéro » en 2015 contre toutes les formes de discrimination ?
– Le gouvernement est engagé depuis deux ans et demi sur ces questions, il continue à l’être, et j’ai la ferme intention de continuer ce travail en étant extrêmement ferme sur ces questions.
Les violences homophobes tuent
La lutte contre les insultes LGBT-phobes est un impératif vital pour les concerné•e•s : ces agressions permanentes font des victimes bien réelles.
Les personnes gay, lesbiennes, bi et/ou trans se suicident quatre fois plus que la moyenne nationale. L’Inter-LGBT dénonce cette situation en dévoilant une campagne ciblée à l’occasion de la journée de prévention du suicide :
« Chez les adolescent-e-s, les violences homophobes sont la première cause de suicide. Ce sont les constats alarmants fait par plusieurs études. […]
Le premier rapport annuel de l’Observatoire National du Suicide, remis à Marisol Touraine – ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes — le 2 décembre 2014 fait le même constat.
Alors que depuis plusieurs années, les causes de la surexposition au risque suicidaire des personnes LGBT sont connues, aucune action concrète n’a été mise en œuvre pour prévenir ce risque. Pourtant, le Programme d’actions gouvernemental contre les violences et les discriminations commises à raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, dévoilé en octobre 2012, prévoyait que des actions de prévention du suicide soient menées par le ministère de l’Education nationale et celui en charge de la Santé et des Affaires sociales. »
Un constat que nous avions déjà relevé lorsque Leelah, une Américaine trans de 17 ans, s’était donné la mort en laissant une lettre d’adieu en forme de réquisitoire contre les discriminations et pour que la société évolue.
À lire aussi : Maman, je craque — Lettre ouverte de ta fille lesbienne
« PD », une insulte tristement banale… De la lesbophobie ordinaire, des mots qu’on balance sans penser aux conséquences, pour celles et ceux qui les reçoivent comme des coups, comme l’illustre ce spot radio de sensibilisation :
Nous pouvons tou•te•s agir pour ne pas banaliser les insultes LGBT-phobes, dénoncer et éduquer chacun•e à notre échelle, autour de nous, pour que les mots qui heurtent et les insultes qui tuent cessent d’être utilisées, que ce soit « à la légère » (ça n’existe pas) ou pour blesser volontairement (ce qui est passible de 6 mois d’emprisonnement et 22 500 € d’amende).
À lire aussi : Votre homophobie me rend « malade »
– Merci à Patriarcaca pour les photos !
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Je voulais rajouter que je trouve les photos vraiment choquantes, dans le sens qu'elles font réagir. J'espère qu'elles seront largement partagées et que cela aidera certaines mentalités à changer...