Sur les genoux de Patrick, néoparisien de 55 ans, quatre jeunes enfants se sont fait une place. « C’est le loup qui soudain arrive… », raconte le père de famille d’une voix tendre, un livre d’histoires entre les mains. Ce matin, en chaussettes, il est de permanence dans la crèche parentale qu’il a choisie pour sa fille Charlotte, houppette blonde sur la tête. « On installe les ateliers, on range, on nettoie, on aide au repas et on passe du temps avec les enfants », résume Patrick.
Charlotte bénéficie d’une des 4 116 places¹ disponibles dans les quelque 400 crèches parentales que compte la France. Le mode d’accueil est à dissocier des crèches familiales, composées d’assistantes maternelles. Gérées par des associations de parents, les crèches parentales reposent, elles, sur leur implication pour assurer les permanences quotidiennes, mais également les missions de fonctionnement et le ménage. « Par mois, ça fait 18 heures pour les perm, quatre heures d’assemblée générale, cinq de ménage, et trois pour la mission, comptabilise-t-il. Donc 30 heures, en alternance avec ma compagne. »
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Un volume horaire que partagent nombre de parents, même si cela varie selon la structure et les tâches assignées. « C’est plus qu’un mode de garde, c’est un tiers temps », considère Maéva Pensivy, freelance dont le petit dernier est placé en crèche parentale en banlieue parisienne. « Un véritable choix de vie” » qui reste réservée à une frange de parents ayant capacité de se dégager le temps nécessaire, sans pour autant être financièrement pénalisés. Parmi eux, des travailleurs indépendants et libéraux ou des intermittents du spectacle, à l’emploi du temps plus malléable. Quant au coût, il dépend du revenu familial, s’alignant sur le barème national des accueils collectifs.
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Du temps au profit de sa parentalité
Maéva Pensivy, comme Patrick et d’autres parents rencontrés, voit dans la crèche parentale une opportunité unique. « On expérimente la coéducation. On voit les professionnels faire, on apprend sur nos propres comportements et sur les enfants », développe Margaux Dassieu, maman anthropologue. Maéva Pensivy corrobore : « On prend du recul sur sa propre parentalité. » Un regard enrichi aussi par l’esprit collectif permis dans les structures grâce aux nombreux temps informels.
« C’est un lieu où la politique est de s’engager de manière égale envers les enfants » assoit la mère de famille. Car pour elle, l’investissement n’est durable que s’il repose sur une « bonne équipe » formée par les deux membres du couple. La crèche parentale apparaît alors comme « féministe », bien que la société entrave encore l’égale implication des parents. « Être à 80% n’était pas très bien vu par ma hiérarchie », reconnaît Kien, ingénieur de 37 ans, qui a finalement réussi à partager les permanences avec sa conjointe.
« On ne peut pas y arriver sans les entreprises, qui discriminent encore parfois les pères, mais aussi les mères. On a besoin d’un changement de culture et de regard », relève Noor-Yasmin Djataou, conseillère petite enfance du ministère des Solidarités. Seul un tiers des permanences seraient assurées par les pères, selon l’Association collectif enfants, parents et professionnels. En cause, des femmes qui gagnent moins que les hommes, poussant davantage ces derniers à conserver leur salaire plein.
Un rôle à empoigner pour les pères
Mais la présence paternelle reste aussi inconsciemment corrélée à celle du personnel masculin, estimée à 3% dans la petite enfance, selon le rapport du Commissariat général à la Stratégie et à la Prospective de 2014. « Les pères peuvent s’identifier aux auxiliaires hommes, commente Romuald Jean-dit-Pannel, psychologue clinicien en crèche. Ça les encourage à s’engager, ça facilite le premier contact, et c’est un espace pour parler de parentalité entre pairs ». Pour le chercheur, pères et professionnels participent sans commune mesure au bon développement de l’enfant. « La présence d’une majorité de femmes amène l’enfant à se construire des représentations genrées, avec une division sexuelle du travail. Ils ont donc besoin de se confronter à des modèles masculins », argue-t-il, regrettant que les métiers du soin et de l’enfance soient encore associés à des facultés féminines.
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Au vu de l’investissement requis, les crèches parentales sont, selon le ministère des Solidarités, « en perte de vitesse ». Le nombre de places a d’ailleurs chuté de presque 11%³ depuis 2015. À travers le comité de filière de la petite enfance, et son projet de valorisation des 1000 premiers jours, le gouvernement s’applique donc plutôt à « soutenir les modes d’accueil avec une implication plus modérée », en référence aux crèches associatives à gestion parentale. Pour que pères et mères se sentent parties prenantes des accueils collectifs.
¹,³ Selon les données de la Caisse nationale d’allocations familiales au 20 juin 2023.
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