Saison des feuilles mortes et de la dépression, l’automne marque aussi le renouveau des concerts, qui après avoir traîné seins nus tout l’été dans la boue des Festivals, reprennent avec énergie le chemin des salles. L’occasion pour nous d’explorer la faune fascinante qui les fréquente. Grankikach, Iébourré ou Blaireau migrateur : ils sont venus, ils sont tous là. Branchons les amplis, ajustons les jacks et awan-atou-afri, c’est parti.
Le grankikach
Créature de haute stature, le grankikach est peut-être la plus redoutée de toute les espèces concertiques. Dans toutes les salles de France, quand s’éteint la lumière et que retentit la musique, s’élève çà et là un murmure, un avertissement : « un grankikach ! un grankikach ! » C’est le cri qu’émettent les espèces de petite taille lorsqu’un grankikach se poste devant eux pour leur polluer la vue.
L’excité
Capable de pogoter sur du Tino Rossi, l’excité est là moins pour la musique que pour l’atmosphère. On peut donc compter sur lui pour mettre l’ambiance, quitte à la bousiller. Toujours prêt à manifester sa présence, l’excité raffole des signaux vocaux tels que sifflements, hourras (ou huées), réclamations de titres (chante-nous Relaaaaax !) et insultes bon enfant (chante-nous Relaaaax, connaaaaaard !). Né pour gigoter du slip, l’excité est à l’aise avec son corps et aime le montrer via quelques dance moves improvisés.
L’inhibé
Créature timide et complexée, l’inhibé possède une telle capacité à se fondre dans la masse qu’on pourrait le croire mort. Sous sa carapace de flegme bat un coeur avide de rythme et de contacts qui ne demande qu’à s’exprimer. Le problème, c’est qu’il n’y arrive pas. Léger mouvement de tête, clap clap mou et mouvement de bassin à contre-temps : c’est tout ce qu’on pourra tirer de lui quand le reste de la salle est déjà en train de se rouler par terre. On pourrait le croire inoffensif, mais gare ! Plongé dans une fosse, l’inhibé est capable, en communiquant sa passivité aux espèces alentour, de paralyser l’ambiance en quelques minutes. Une attaque virale imparable.
Le Iébourré
Cousin imbibé de l’Excité, le Iébourré affectionne les lieux humides (bar, toilettes). Son régime alimentaire est essentiellement composé de houblon brassé, parfois complété de petites proies chassées en distributeur (M&M’s, chips…). Tout comme l’Excité, le Iébourré communique volontiers à l’aide de stimuli vocaux plus ou moins élaborés (« Weuuuu ! Iéachié ta chonson », « Tchu danss ? » etc.). Bien que toléré des autres espèces, il occasionne parfois des dégâts qui peuvent lui valoir d’être pris en chasse par son principal prédateur : le videur.
Le blaireau migrateur
Espèce relativement gênante, le blaireau migrateur ne tient pas en place. Pas question pour lui de poser ses Converse dans un coin pour l’intégralité du concert : poussé par l’instinct, le Blaireau migrateur doit voyager, même dans une salle pleine à craquer (voir schéma ci-dessous), dût-il pour cela pousser du coude et faucher du pied les placides sédentaires.
Un phénomène aussi mystérieux aux yeux des scientifiques que la capacité de la tortue luth à revenir pondre sur la plage qui l’a vue naître…
Le geek bavard
Espèce peu farouche, le geek bavard affectionne la compagnie des autres spectateurs, qu’il a coutume d’abreuver de son chant. Après une période d’observation passive, le geek repère dans la salle les polis, les gentils, les affables. Certain de ne pas se faire repousser par ces proies faciles, il fond sur elles avec une précision étonnante et les oblige à entrer en contact avec lui par une entrée en matière innocente (« Cette Michèle Torr*, quelle artiste exceptionnelle... »).
Si sa victime ne manifeste aucune agressivité à ce moment précis, c’est le point de non-retour : le geek bavard peut enfin se lancer dans l’une de ses attaques verbales (« … vous saviez qu’elle avait sorti un album en sanskrit ? Non ? Faut dire que c’était sous un label très confidentiel. Ca a dû se vendre à quoi… 192 exemplaires ? Du collector (…)« . Redoutable geek bavard.
*Insérer nom de l’artiste de votre choix
Le critique musical
Espèce souvent solitaire, le critique musical est très à l’aise dans les salles de concert, son habitat naturel. Oreilles dressées, truffe tendue vers la scène, on peut le voir renifler la salle à la recherche d’un gadin ou d’un talent. Doté d’un solide appétit de découverte, le critique musical peut avaler à l’âge adulte jusqu’à un ou deux concerts par soirée. D’où l’apathie de certains spécimens, qu’on peut voir affalés contre un mur, repus, aussi excités par la scène que par leur taxe d’habitation.
Le sacadiste
Petit animal en permanence affublé d’une excroissance de tissu dorsale (également connue sous le nom de « sac à dos »), le sacadiste percute régulièrement les autres espèces, en particulier pendant les pogos et autres phases dansantes. Faut-il voir dans ces contacts furtifs une tentative d’accouplement ou bien le sacadiste ignore-t-il tout simplement le volume qu’occupe son impressionnant appendice ? Que transporte-t-il dans sa pochounette ? Une perçeuse, une bouilloire, un pack de Kro ? Mystère.
Le resquilleur
Terminons par un mammifère doté d’une remarquable intelligence, capable de tirer le meilleur parti de son environnement : le resquilleur. Opportuniste, il se nourrit des faiblesses et consentements des autres pour s’épanouir. Zapper les queues ou se faufiler backstage n’est pas un problème pour cette espèce qui au cours de son évolution, a mis au point d’efficaces stratégies d’usurpation (« Scuzez, mes amis m’attendent au premier rang », « Scuzez, j’ai une vessie de Polly pocket », « Scuzez, ma grand-mère est morte » etc).
Pas question d’établir ici une hiérarchie de ces différentes espèces : après tout, que serait l’écosystème des concerts sans cette chatoyante faune ? Ayons d’ailleurs une pensée pour une espèce autrefois prospère et désormais disparue : le Fumeur.
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires
Mais il manque quand le relou qui crie "A poil !" Toutes les minutes et surtout pendant les chansons douces