Quoi de neuf cette saison côté essais féministes ? Notre chroniqueuse, Hanneli Victoire, nous livre une sélection pointue et hétéroclite des ouvrages à ne pas manquer.
Abécédaire d’auto-édition féministe, Clémentine et Apolline Labrosse, éditions Trouble
Écrit par les soeurs Labrosse, derrière la revue féministe et queer Censored, cette abécédaire d’auto-édition féministe pose les bases pratiques et philosophiques de l’auto-édition d’un objet papier, lorsque l’on est féministe. Dans une intéressante mise en miroir, les deux sœurs savent bien d’où elles parlent, puisque cet ouvrage, à mi-chemin entre le guide pratique et le bilan personnel et en soit une auto-édition, publié dans la toute jeune maison d’édition Trouble, fondée par elles-mêmes. Ultra pertinentes et surtout 100% transparentes, les deux éditrices partagent toutes les astuces, savoir-faire et bonnes pratiques qu’elles ont accumulées après six ans d’expérience avec leur revue et plus récemment leur maison d’édition. De l’imprimerie aux subventions en passant par les relations à mettre en place avec tous ses partenaires, le livre est un véritable manifeste pour rendre accessible l’édition à tous et toutes.
Ne suis-je pas un.e féministe ? Emmanuel Beaubatie, éditions seuil Libelle
Dans ce tout petit livre d’une cinquantaine de pages, le chercheur en sociologie, spécialiste des problématiques transgenres nous livre un passionnant plaidoyer sur la place des personnes trans au sein du féminisme. À l’heure où une inquiétante vague réactionnaire tente d’ annihiler toute vie trans avec de dangereux stratagèmes, Beaubatie explique avec clarté et clairvoyance la place centrale des personnes trans et plus particulièrement des femmes trans dans les mouvements féministes, malgré les tentatives pour les en évincer. Cette exclusion de la part d’une partie des autres femmes n’est que l’arbre qui cache la forêt d’une liste bien plus longue de bannies de la cause. Lesbiennes, femmes noires, femmes musulmanes ou travailleuses du sexe sont elles aussi souvent remises en cause quand à leur légitimité de se prétendre féministe. En reprenant le titre de l’essai de l’autrice féministe noire bell hooks Ne suis-je pas une femme ?, l’auteur explore avec brio les mécanismes d’exclusion au sein des féministes.
Vivre une vie féministe, Sarah Ahmed, éditions Hors d’Atteinte
Il en aura fallu du temps avant que la grande autrice queer et féministe Sarah Ahmed ne soit traduite en France ! C’est chose faite avec les éditions Hors d’Atteinte qui publient cet essai originellement paru en 2017. Que veut dire vivre une vie féministe ? À travers cette question, la chercheuse livre une réflexion personnelle ponctuée de citations d’autres auteurs et autrices dans un récit à la fois pointu et accessible, qui n’a pas pris une ride. Vivre une vie féministe, c’est penser, parler, relationner, se comporter d’une certaine façon, et toutes ses manières de vivre ne nous sont pas toujours innées. Vivre une vie féministe, c’est être exigeant.e avec soi-même et avec les autres, pour mener une existence de joie et d’émancipation, bien loin des clichés de rabat-joie qu’on voudrait lui coller. À la fois tendre et radicale, Vivre une vie féministe nous invite à prendre toute la place que l’on mérite, s’en s’excuser.
Marseille trop puissante, Margaux Mazellier, éditions Hors d’Atteinte
Qui a dit que le combat féministe ne se passait qu’à Paris ? La journaliste Margaux Mazellier revient sur cinquante ans de luttes marseillaises auprès de celles et ceux qui les ont faites. Bien plus qu’un catalogue d’interviews, l’essayiste inclut une part de récit personnel dans une lecture aussi instructive qu’agréable. À travers un récit chronologique, les personnalités et associations locales se remémorent les plus grandes luttes qui ont secoué le pays, dans un découpage en cinq parties. On parle des militantes pour l’avortement dans les années 70, des activistes contre le SIDA, des engagé.es contre le racisme et l’islamophobie, ou bien des collectifs qui s’organisent pour lutter contre les féminicides. Fascinants, drôles et inspirants, les récits collectés nous plongent au cœur d’une ville bouillante, rebelle et définitivement à la pointe des plus grands combats de notre temps.
Nous n’avons pas peur, Natalie Amiri & Düzen Tekkal, éditions du Faubourg
Que ce soit Golshifteh Farahani mais aussi Ghazal Abdollahi, Parastou Forouhar, Shohreh Bayat ou Shila Behjat, ces femmes ont plusieurs points communs. Le premier, d’être des femmes iraniennes, dans un pays aux mains d’une théocratie rigoureuse et autoritaire, le second, de témoigner dans ce courageux ouvrage. Dirigé par la journaliste Natalie Amiri et la politologue Düzen Tekkal, ce livre rassemble un corpus de seize femmes aux parcours et aux personnalités très diverses. Parmi elles, on retrouve l’avocate et ancienne juge Shirin Ebadi, prix Nobel 2003, la militante Fariba Balouch, dont les frère et fils ont été mis en prison pour essayer de l’intimider, ou encore la journaliste Narges Mohammadi, détenue à la prison d’Evin à Téhéran, où elle a reçu le prix Nobel en 2023. Toutes livrent des textes poignants, écrits depuis les prisons ou l’exil, racontant les vies brisées, les humiliations et la peur pour ses proches, mais aussi la colère, la rage de se battre et l’indomptable envie de renverser l’ordre établi.
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