Cet article a été publié dans le cadre d’un partenariat avec le film Les Châteaux de sable. Conformément à notre Manifeste, on y a écrit ce qu’on voulait. — Article initialement publié le 1er avril 2015
Les Châteaux de sable n’est pas une comédie, ni un drame : c’est un beau film. Tout y est esthétique, les acteurs sont beaux, les paysages bretons sont magnifiques, l’histoire est belle et pourtant elle est plutôt ordinaire, calme et loin d’être joyeuse.
Les Châteaux de sable, anatomie du deuil
Eléonore vient de perdre son père, son pilier, son équilibre dans la vie. Photographe d’une trentaine d’années, bobo parisienne un peu alcoolique, elle doit dire adieu à celui qui était l’homme de sa vie depuis la mort prématurée de sa mère.
Eléonore se retrouve orpheline, avec une maison en Bretagne sur les bras. Pour la soutenir dans la vente de ces souvenirs, elle se fait accompagner par Samuel, son ancien copain dont elle est séparée depuis quelques temps, et qui a refait sa vie avec Laure.
« Tu penses que c’est le dernier week-end qu’on passe ensemble ? »
Par cette question posée innocemment par Eléonore, on comprend vite que le deuil ne sera pas uniquement celui du père, mais aussi celui du couple. Un joli programme, tiens.
Mais loin d’être un film triste, Les Châteaux de sable évoque le souvenir et particulièrement celui de la complicité — celle qu’Eléonore avait avec son père (entre autres par la photographie, qu’il pratiquait lui aussi), et avec Samuel. Cette complicité est toujours là, et c’est la raison pour laquelle il est là, lui et personne d’autre. Cette complicité se joue dans les regards, les sourires, les dîners qu’il lui prépare pendant qu’elle enchaîne les cigarettes et les verres de vin.
Les Châteaux de sable, un trio d’acteurs et de personnages
L’escapade bretonne d’Eléonore et Samuel ne se résume pourtant pas à de longs apéros à se regarder dans le blanc des yeux puisque le duo devient trio avec l’agent immobilier responsable de la vente de la maison, Claire Andrieux. Pétillante mais seule comme un caillou, Claire est le rayon de soleil de sa ville : elle connaît tout le monde, toutes les maisons… et pas mal de secrets.
Sa place face à Eléonore et Samuel n’est jamais vraiment définie puisqu’elle se lie uniformément à l’ancien couple (elle pense d’ailleurs qu’ils sont ensemble tant leur complicité saute aux yeux), comme à un tout auquel elle se greffe naturellement.
Les trois acteurs fonctionnent à merveille ensemble et encore une fois, leur complicité en tant que personnages et en tant que personnes saute aux yeux. Si je connaissais Emma de Caunes
de nom et pour ses émissions de télé, c’est la première fois que je la voyais jouer — idem pour Yannick Renier et Jeanne Rosa. Je suis littéralement tombée en amour devant ces trois personnages et les acteurs qui les incarnent avec tellement de sincérité et de présence.
Le réalisateur les filme comme il ferait un film de vacances avec sa famille, particulièrement avec Emma de Caunes qu’il avait déjà dirigée dans son premier film Faites comme si je n’étais pas là, où elle jouait aux côtés de Jérémy Renier (le frère de Yannick). Les acteurs secondaires participent aussi à la justesse du film, de l’amoureuse secrète du père au père lui-même (joué par Alain Chamfort, excellent), en passant par les potentiels acheteurs. Big up particulier au couple d’hommes anglais, drôle sans être cliché, joué par Paul Bandey et Nathan Rippy.
Esthétisme et théâtre
Si le film est follement esthétique, il le doit à sa réalisation, qui emprunte les codes du théâtre et les transpose au cinéma. Pour comprendre l’ancienne relation de Samuel et Eléonore et ce qui se passe dans leur tête à ce propos, les acteurs font face à la caméra, plantent leurs yeux dans ceux des spectateurs et expliquent, développent, racontent. Les flash-backs sont bien pensés et reposent encore une fois sur cette complicité omniprésente dans Les Châteaux de Sable.
Ces apartés renforcent le film et l’histoire, tant ils sont bien pensés et surtout bien placés. Au fur et à mesure que le présent suit son cours, on découvre le passé des personnages et on tente de mieux les comprendre. L’omniscience du spectateur vient aussi de la voix-off, une voix féminine dont on ne comprend que tard dans le film à qui elle appartient. Cette voix hante l’histoire, elle sait tout et raconte ce qui n’est pas dit.
Grande amatrice de théâtre, j’ai adoré ces procédés qui apportent tant à l’histoire !
L’esthétisme du film tient aussi à la photographie, centrale dans le film. Symbolique des différents types d’amour présents, la photographie est un lien, transmis du père à la fille et offert à celle qu’il aimait secrètement. Les paysages de plage en hiver valent d’ailleurs bien le coup d’être photographiés tant ça réconcilie avec la Bretagne (enfin moi j’en avais besoin : à part pour les crêpes, la Bretagne en hiver c’est pas toujours jojo).
Le son participe lui aussi à la beauté du film : aux silences bien pensés succède la musique, presque uniquement composée de morceaux de Patrick Watson. Une jolie découverte qui s’intègre à merveille à l’univers du film : la voix de Patrick Watson et l’ambiance folk des morceaux rythment parfaitement l’œuvre.
Alors oui, on y va, on y court, on y vole. Les Châteaux de sable sort en salles le 1er avril !
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