C’est tellement rentré dans les habitudes sociétales, qu’on ne s’en rend même plus compte : l’annonce d’une grossesse devrait se faire à la fin du premier trimestre, soit au bout de 13 semaines (ou bien 15 semaines d’aménorrhée). Mais pourquoi ? Pourquoi faudrait-il se taire avant ? Il se passe quoi, si on l’annonce dès le début ? On se transforme en citrouille ? Non. Mais la raison derrière cette demande de silence imposé est significative, puisqu’elle vise, encore une fois, à obliger une partie de la population à se taire, et à ne pas faire de vague. Il ne manquerait plus que les futures mères se plaignent, tiens.
Annoncer sa grossesse après le 1er trimestre : une histoire de superstition ?
Les fausses couches, ou plutôt les arrêts naturels de grossesse, concernent une grossesse sur quatre. En France, chaque année, 200 000 personnes subissent cette épreuve, mais le sujet reste malheureusement terriblement tabou.
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Et parfois, qui dit tabou, dit superstition. Certaines peuvent penser qu’en attendant la fin du premier trimestre, c’est-à-dire la période où les arrêts naturels de grossesse sont les plus fréquents, elles risqueront moins de perdre l’embryon. Si le fait de se taire et de ne pas informer de leur état peut les rassurer et leur permettre de vivre leur début de grossesse de façon apaisée, tant mieux. Mais soyons claires : ne pas annoncer sa grossesse dès le début ne vous mettra pas à l’abri d’une fausse couche. Rien ne le peut, puisque l’arrêt naturel de grossesse est une loterie, pour laquelle la femme enceinte n’est pas responsable.
Annoncer sa grossesse après le 1ᵉʳ trimestre, pourquoi nous taisons-nous ?
Mais si les personnes enceintes sont incitées à garder le secret de leur grossesse jusqu’à la fin du 1ᵉʳ trimestre, c’est aussi pour, inconsciemment ou non, ne pas avoir à communiquer sa fin prématurée si elle arrive. On ne peut que le comprendre : annoncer une grossesse est, pour les personnes qui sont heureuses de cette condition, un moment plutôt joyeux. Généralement, les personnes à qui la nouvelle est apprise se réjouissent et félicitent les futurs parents. Ces derniers se projettent dans leur future vie avec un bébé à naitre, l’instant est heureux.
Et si la grossesse ne se poursuit pas, il va falloir indiquer la nouvelle à toutes celles et ceux qui demanderont comment la personne enceinte se porte, l’obligeant, à chaque fois, à revivre l’annonce de la perte de celui qui aurait pu être son futur enfant.
Ne rien dire jusqu’à la fin du premier trimestre peut être une façon de se préserver, de se protéger. Mais est-ce que le fait de cacher son état est une bonne chose pour soi, réellement ? Le premier trimestre est souvent extrêmement difficile à vivre pour de nombreuses femmes enceintes. Lorsqu’elles travaillent (et même lorsque ce n’est pas le cas) devoir jongler avec les nausées matinales, la fatigue, les douleurs et autres symptômes pénibles, voire carrément handicapants, est une vraie gymnastique qui peut mettre à mal leur santé mentale et physique.
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Même si les femmes enceintes ne veulent pas forcément être traitées comme des petits sucres fragiles, il est vrai que, si elles pouvaient annoncer sans tabou leur grossesse dès le début, des aménagements pourraient être mis en place pour faciliter ces moments difficiles, et une compassion de la part de ceux qui savent pourrait faire du bien au moral.
Pourtant, à qui profite vraiment ce silence ?
Annoncer sa grossesse avant le 1ᵉʳ trimestre : tais-toi, tu nous fais peur
Malheureusement, dans le cas de la fausse couche, elle est, dans l’imaginaire collectif, une souffrance qui devrait être vécue dans l’intimité. Mais pourquoi ? Pourquoi les femmes concernées ne pourraient pas parler de leur grossesse en cours autant que d’une autre qui s’est arrêtée ? Il est fréquent d’entendre cette phrase, de la part des femmes enceintes qui attendent les 13 semaines pour parler de leur grossesse : « j’attends avant de l’annoncer, au cas où ». Au cas où quoi ? Au cas où elles auraient besoin de réconfort ? D’aide ? De soutien ? Il n’est marqué nulle part qu’une telle souffrance doive se vivre en silence. Le silence, c’est la plaie des femmes. On nous demande de nous taire depuis des siècles, pour correspondre à un modèle désuet et irréaliste que la société patriarcale attend de nous : celle de la femme souriante, aimante et forte, qui subit en silence, qui cache ses souffrances pour ne pas rebuter ou effrayer. Pourtant, partager des faits qui concernent une femme sur quatre n’est pas criminel, c’est nécessaire.
La libération de la parole devrait être totale
On le constate depuis quelques années : la parole se libère sur la maternité. Terminée, l’époque où on nous faisait croire que la parentalité n’était qu’une joie incommensurable, un bonheur sans fin. Terminé, le temps où on ne parlait pas du ras de marée du post-partum et des états dépressifs que les mères peuvent traverser après l’accouchement. Terminées, les croyances irréalistes et clichées de la maternité. Certaines ont encore la vie dure, certaines persistent, mais les mots sont là, les témoignages fusent et la parole s’élève. Pour quel résultat ? Les femmes se reconnaissent, partagent, échangent, se solidarisent et sont plus fortes.
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D’une époque où les futures mères, ou déjà mères, étaient seules et esseulées, on est passées à une autre où la sororité maternelle et féministe se crée et forme des mouvements et des créations sublimes. Parlons de la plateforme de streaming On.Suzane, des podcasts Bliss ou La Matrescence, de ces personnalités extraordinaires qui foutent des coups de pied dans ces vieilles conventions sociétales dépassées, comme Astrid Hurault de Ligny, Illana Weizman, Eve Simonet, Anna Roy…
Quand le silence n’est plus, les voix s’élèvent, et les tabous se brisent. Les arrêts naturels de grossesse, pour celles qui attendaient cet enfant à naitre, sont des drames. Ces moments sont durs, intenses, et mettent à mal la santé mentale et physique de celles qui les vivent. Alors, pourquoi se taire lorsqu’ils arrivent ? Si une certaine pudeur, une peur d’embarrasser avec sa souffrance peut être une des raisons qui conduisent les femmes à se taire, elle ne devrait plus avoir de raisons d’être. Parlons, échangeons, pleurons ensemble. Les personnes à qui on annonce une grossesse et qui s’en réjouissent sont tout à fait capables de se montrer compatissants en cas de perte de l’embryon. Si ce n’est pas le cas, c’est aussi un bon moyen du faire du tri dans ses relations.
Côté boulot, où il est toujours délicat d’annoncer une grossesse au plus tôt. Mais c’est justement en démocratisant la chose que les entreprises arrêteront de se croire tout permis et de continuer de discriminer les futures mères. Plus on gueule, plus on nous entend, et plus le changement s’opèrera.
Annoncez votre grossesse quand vous le voulez, à qui vous voulez, si vous le souhaitez. Ne cachez pas votre état si vous avez envie de le crier sur les toits, à cause des conventions sociales qui ne sont plus adaptées. Vous faites bien ce que vous voulez, et merde aux injonctions.
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