Les Amants Passagers est un ovni dans la filmographie de Pedro Almodóvar. Il fait l’effet d’une bombe. On n’avait plus vu aussi déjanté depuis Femmes au bord de la Crise de Nerfs, et je crois même qu’il le surpasse.
Cela faisait très longtemps qu’Almodóvar n’avait plus réalisé de comédie : passer de La Piel Que Habito aux Amants Passagers fait donc un sacré choc. Un choc euphorique. Le cinéaste s’est lâché, il s’est fait plaisir. Le milieu du film nous échappe totalement, lui, il contrôle tout, et c’est là son génie.
L’histoire du film est au premier abord assez simple : à bord du vol en partance pour Mexico, une menace plane sur les voyageurs. Quand les passagers l’apprendront, il réagiront de manière très… almodovarienne. Je n’en dirai pas plus, car ce film marche sur l’effet de surprise ; même si on en sait déjà beaucoup, vous n’avez pas idée de ce qui vous attend !
Dans ce film on ne retrouve pas vraiment les codes filmiques d’Almodóvar, si ce n’est sa folie sans retenue. Les femmes ne sont pas mises en lumière (même si elles restent splendides et très présentes) : le cinéaste se penche davantage sur les trois stewards, délurés du début à la fin. La scène musicale n’est pas un secret, elle est l’apothéose du film. Les acteurs jouent à merveille, ils portent totalement leurs rôles, y compris ceux incarnant des personnages plus secondaires, comme Lola Dueñas (Volver
, Parle avec Elle, Étreintes Brisées) en vierge « sensitive ».
Ils et elles sont tou-te-s au meilleur de leur forme. Comme en témoigne l’autre apothéose du film, après la scène musicale, qui est un bordel indescriptible. Un parfait bordel indescriptible.
Pourtant, la réception du film n’est pas bonne. Au contraire. Beaucoup de critiques sur l’humour scabreux, l’omniprésence de sexe, et la vision de l’homosexualité. Des critiques qui se faisaient déjà du temps de la Movida… On a reproché à Perdo Almodóvar de donner une mauvaise image des gays, de les caricaturer.
Sauf que justement, non, et il le dit lui-même. Il faut savoir qu’au sein de la « communauté » LGBT+, on s’offusque lorsqu’on représente les gays de manière très efféminée, en tant que « folles », ce qui est plus que compréhensible ; mais ici Pedro Almodóvar ne fait pas un portrait des gays, mais d’un type de personne. Des hommes comme les trois stewards existent, mais parfois, on voudrait les cacher, on leur reproche de donner une « mauvaise image » de l’homosexualité. Mais c’est quoi l’image de l’homosexualité alors ? L’image hétéro ? Ces personnages ne sont pas des caricatures, ils ne sont pas là pour moquer mais au contraire pour vivre un moment de gloire, à l’inverse des productions américaines où la moquerie et la caricature sont souvent présentes. J’utilise le terme « folle » de manière volontaire. Ce n’est pas une insulte, ce n’est pas rabaissant. À l’image de ces personnages, qui sont géniaux.
Les Amants Passagers n’est en rien moins bon que ses prédécesseurs. Il leur fait même un clin d’oeil, avec Antonio Banderas et Penélope Cruz. Almodóvar bouscule le bon goût encore une fois, pousse à l’extrême ; ça gêne dès le début, mais ça fait partie de ses caractéristiques, car il en a plus d’une. Que ce soit avec des drames ou des comédies, il excelle, il dérange. Pedro Almodóvar a fait du Pedro Almodóvar, et l’a fait divinement.
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