Depuis peu, je suis l’heureuse propriétaire d’une splendide petite femelle chihuahua. Elle n’a pas encore un an mais fait déjà la joie de ma personne et de mon entourage. Tout est admirablement idéal si j’omets un micro détail : j’ai vingt ans. Et ça ne plaît pas à tout le monde.
Quand j’ai acheté Chihiro, il y a de ça quelques mois, je pensais que ça serait vraiment trop cool d’avoir un chien. Les longues balades poils au vent, les discussions entre propriétaires, les câlins sur le canapé et les compliments sur son dressage irréprochable. Avec le recul je me rend compte que c’est hyper enrichissant et que je le referais les yeux fermés. Ma chienne est un amour, mais les gens dans la rue, eux le sont beaucoup moins.
Je remarque de plus en plus que ça les gêne de penser qu’une étudiante puisse acquérir un chien. C’est comme si tous les jours je me sentais forcée de légitimer le pourquoi du comment. Et à force, mesdames et messieurs, ça en devient très enquiquinant. Voici ce que les adultes semblent penser en me voyant.
Je suis une gamine capricieuse et altière
Si je possède un chien si jeune, c’est que mes parents sont riches, c’est sûr. Je suis la fille héritière de la troisième fortune d’Europe : il n’y a pas d’autre explication. En plus, je dois être pourrie gâtée et avoir obtenu ma chienne à la suite d’une de mes crises quotidiennes liées à la consommation de masse. En plus, avoir un chihuahua c’est vraiment trop la classe depuis Paris Hilton. Tout ça juste pour montrer que j’ai réussi socialement et que je vous postillonne dessus, insignifiants ténébrions.
Eh bien non, mes parents ne sont pas Crésus et Paris Hilton c’est so 2006. Chihiro n’est pas un caprice de gamine mais un choix réfléchi. Ce n’est pas parce que je suis une jeune adulte que je ne sais pas m’occuper d’un être vivant qui nécessite un peu plus qu’un lavement de bocal une fois par mois. Je trouve dommage que les adultes (les vrais de vrai hein) ne voient pas tous cet aspect.
Le chihuahua est une race que beaucoup considèrent comme « à la mode » en ce moment. Malheureusement pour certains, mode = superficialité donc chihuahua = superficialité = pauvre débile avec un chien pour faire beau. Je leur tire mon bonnet pour ce raisonnement aussi stupide qu’un épisode des Chti’s à Las Vegas. Si je me suis tournée vers cette race, ce n’est sûrement pas pour sa grande beauté et encore moins pour la classe qu’elle fait rayonner autour de moi. J’ai pris un chihuahua car je ne me voyais pas vivre dans un 40m2 avec un berger des Pyrénées. Voilà. C’est tout.
Ça a aussi des talents cachés, faut dire.
Je suis l’incivilité personnifiée
Je pense que les vieilles personnes et les adultes en général ont une forte tendance à penser que les jeunes, c’est le mal. L’être humain de 14 à 25 ans est une ethnie barbare et bénie par Satan. Ce doit être cette aura qui rend les gens autour de moi plutôt fermés au fait que je possède un chien (un truc de personne mûre, je suppose). Il suffit que nous mettions nez et museau dehors pour qu’une foule de reproches nous fasse rentrer fissa.
Vivre en ville avec un chien a des inconvénients. La propreté, principalement.
La rue est assez sale pour que Chihiro ne vienne en rajouter une couche. Quand je vois un saint-bernard déféquer sur la devanture d’un magasin et son propriétaire continuer son chemin comme si de rien n’était, ça me barbe réellement. Parce que moi, lorsqu’il arrive que ma chienne fasse caca sur le trottoir, je n’ai même pas le temps de prendre le canicrotte de ma poche que quelqu’un me fait déjà remarquer que « Dites donc, ça serait bien de ramasser ça ». Outre me faire mourir de honte, cette réflexion que j’entends trop souvent a le don de m’énerver au plus haut point. Recevoir des leçons me plaît autant qu’un prequel des Schtroumpfs, alors si c’est pour en avoir de ce style-là… C’est trop pour moi.
Mon chihuahua tient dans un sac à main. C’est super pratique car je peux prendre le train sans payer plus cher ou l’emmener dans les magasins sans que les vendeuses ne crient au scandale… À quelques exceptions près. J’ai testé tous les fast food français, j’ai même été au restaurant avec mon chien, et tous le monde était content. Mais, parfois, je croise des établissements qui ne supporte pas la vue d’une petite truffe dépassant d’un cabas. Je comprends parfaitement que les endroits où les gens mangent ne soient pas ouverts aux chiens, d’ailleurs j’évite le plus souvent de m’y rendre avec Chihiro. Je comprends qu’un serveur s’excuse en me demandant de quitter les lieux. Mais je n’accepte pas qu’on me demande de déguerpir comme une pouilleuse qui aurait volé un muffin.
Finalement, à force d’entendre de telles sottises, tout le monde en pâtit. Et j’ai envie de jeter mon fameux regard noir (celui que je réserve au prof qui m’a sous-notée et aux dragueurs de rue trop virulents) à tous les gens qui regardent ma chienne. Y compris les mamies et les enfants qui se jettent dessus les bras grands ouverts.
Je suis une tortionnaire (munie d’une laisse à dérouleur)
Si on peut plus rigoler aussi.
Je suis étudiante et j’ai un emploi du temps variable. Il m’arrive de travailler uniquement le matin ou d’avoir des horaires de bureau.
Ma chienne doit donc inévitablement rester un peu seule dans mon appartement. Et voilà que j’entend au loin les « Oh » et les « Ah » horrifiés des personnes qui se disent « Pauvre petit être, seul dans un appartement vide et froid »… Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai entendu qu’un-e étudiant-e ne devait absolument pas posséder de canidé car il serait rapidement en proie à la solitude que lui inflige la condition de son maître/sa maîtresse. À cet argument je répondrai : votre phrase n’est pas plus logique qu’un lombric faisant de l’escalade sur le pic du Midi. Certes, je ne suis pas chez moi tout le temps. Mais vous, nobles travailleurs, comment faites-vous pour vous occuper de votre troupeau de Cavalier King Charles ? Les amenez-vous tous dans votre sac à main quand vous êtes en train de faire les soldes chez Mephisto, de vendre un bien à un client ou en pleine réunion d’entreprise ? Eh non, votre chien reste chez vous, pendant 8 heures. Et il n’en meurt pas. Chez moi non plus.
Hier soir un voisin, homme d’environ trente ans, fort bien bâti et attrayant me tint à peu près ce langage : « C’est toi qui laisses ton chien seul 24h/24 ?! Il hurle à la mort et fait énormément de bruit, tu devrais y remédier rapidement ». Toute enchantée que j’étais, après son sermon j’avais plus envie de lui balancer une crotte sur le paillasson que de l’inviter à ma crémaillère. Déjà, première chose : d’où tu me tutoies ?! Oui, je dois encore faire partie de l’âge mi-ado-mi-adulte où les gens ne savent pas trop quel pronom personnel utiliser. Mais le tutoiement d’un crétin rigide sonne comme une provocation. Certes, le chihuahua est une race de petit chien qui est parfois réputée pour sa faculté à donner de la voix assez fréquemment. Chihiro ne déroge pas à la règle. Malgré les reproches et les punitions, il m’est difficile de lui interdire d’ouvrir la bouche. Or ma chienne n’aboie pas contre des moulins à vent. Et j’ai remarqué que le jeune homme en question prend un malin plaisir à monter les marches de l’immeuble avec la grâce d’un mammouth en transhumance. Alors oui, Chihiro aboie. Trente secondes (et dix centièmes). Ça fait sans doute de moi un monstre sans pitié.
Maintenant place au pathos : Chihiro est handicapée. Quand elle était plus jeune elle s’est cassé deux fois consécutivement la patte. Même après l’opération, elle est comme paralysée et ne se sert plus de sa patte antérieure droite. Il n’y a pas si longtemps, une vieille dame m’a reproché de la faire marcher car elle boite. C’est vrai qu’empêcher ma chienne de courir comme bon lui semble s’avèrerait une giga bonne solution. Avec le recul, j’aurais sans doute dû lui dire que j’étais justement en pleine construction d’un fauteuil roulant. Et après c’est moi le bourreau.
Pourtant, la première chose que je fais tous les matins en me levant, ce n’est pas mettre ma crème hydratante ni même aller au petit coin. Je brave le froid, la neige, le vent du Nord en pyjama moche pour sortir ma chienne, et rebelote trois fois par jour. J’achète la meilleure marque de croquettes, nous passons des week-ends à la campagne, elle côtoie d’autres chiens, elle se roule dans la boue. Et j’entends encore trop souvent des gens me dire qu’il faudrait bien que je lui achète une petite laine à cette pauvre bête transie de froid. Quelle honte ! Honte à vous qui ne respectez pas l’intégrité de votre propre animal en l’affublant de manteaux ridicules. Ma chienne a des poils, contrairement au vôtre qui finira en chien chinois à crête à cause de vos manières anti-naturelles.
Je valide tout de même ce costume.
J’ai toujours été entourée d’animaux dans ma famille. Je sais m’en occuper et le temps qu’il faut leur consacrer. Je ne suis pas une de ces « gamines pleurnicheuses » qui se fait tout offrir par ses parents. J’ai besoin d’un compagnon car je n’aime pas vivre seule. Ma chienne me permet de m’épanouir tous les jours en m’apprenant le sens des responsabilitées. Je sais qu’elle dépend de moi.
Alors j’en ai marre des gens frustrés qui ne comprennent pas qu’à vingt ans, je sais prendre ma vie en main. Je sais qu’on ne traite pas un chien comme un poisson rouge, un cochon d’Inde ou un lapin nain (je possède un échantillon de chaque spécimen, je sais de quoi je parle). Il faut avoir du temps et de l’envie. Savoir faire face aux contraintes que cela engendre. Je le sais, alors arrêtez vos sarcasmes et occupez-vous de vos bichons pour voir.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
http://www.hostingpics.net/viewer.php?id=376698IMG7202.jpg -> C'est elle !
Je l'ai depuis 7 ans et c'est un amour de chienne. C'est une feignasse sans limite, elle adore aller au parc et faire une bonne ballade, mais ça reste une grosse feignasse, elle aime sa vie en appartement, lorsqu'elle avait accès à un jardin elle n'en était pas plus fan que ça, mais on me dira que c'est sans doute une question d'habitude.
Les chiens sont un peu comme on les élèves, ce certain que ma chienne à une nature de chien excité qui a besoin de se dépenser, mais elle s'est acclimatée et franchement elle n'en est pas malheureuse.
Un chien en appartement emmené au parc tous les jours (quand il est de petite taille), ça revient relativement au même au niveau dépense que de le laisser glander dans un jardin tout la journée.
Bref tout ça pour dire que ma saucisse est une saucisse heureuse et la preuve qu'elle est finalement mieux avec une vie pépère c'est qu'elle a une hernie discale et qu'on doit donc faire extrêmement attention à tout ce qu'elle fait pour éviter qu'elle n'en souffre.
Prenez un chien si et seulement si vous pouvez lui apporter du bonheur, favoriser toujours le refuge pour trouver un compagnon et puis prenez en soin parce qu'un chien est comme on s'en occupe si on lui donne de l'amour il sera lui-même comme ça ... Et vous en rendra tellement en retour. Bref de bref, bonne nuit!
Amis canins bye!
Edit : Et comme toi, j'ai la vingtaine et un chien sait facilement rester seul durant la journée, un chien s’habitue à vos habitudes, certe ne le laisser pas crever non plus tout la journée seule...