En France, en 2021, 600 000 adolescents et jeunes adultes ont des troubles du comportement alimentaire (TCA), d’après le ministère de la Santé. Les TCA constituent la deuxième cause de mortalité prématurée chez les 15-24 ans, juste après les accidents de la route, et ces troubles exploseraient depuis la pandémie de Covid-19.
Un collectif de parents d’adolescents pris en charge pour anorexie mentale à Paris, a décidé d’interpeller les pouvoirs publics sur le manque de places et de moyens dans les structures spécialisées dans les TCA via une tribune publiée dans Le Monde ce 7 juin.
Seulement 7 lits disponibles à la Maison de Solenn, structure dédiée aux TCA
« Sept. C’est le nombre de lits d’hospitalisation réservés aux adolescents atteints d’anorexie mentale à la Maison de Solenn, maison des adolescents, qui fait partie de l’hôpital public Cochin, à Paris. Sept lits sur vingt au total, treize étant réservés à d’autres troubles psychiatriques dont souffrent les adolescents. »
Ainsi débute ce plaidoyer de parents désespérés face au manque de possibilité pour aider leurs adolescents atteints d’anorexie mentale. Il faut savoir que la Maison de Solenn, fondée en 2004, propose certes une prise en charge globale de la santé des adolescents, mais à l’origine, cette unité a été créée pour travailler en priorité sur les troubles graves du comportement alimentaire et ses troubles contigus.
Une équipe très diversifiée y prend en charge chaque jour la santé des adolescents : médecins, psychologues, diététiciens, infirmiers, aides-soignants, psychométriciens… « Un privilège » mesuré par les parents du collectif qui se disent totalement « effarés devant ce numerus clausus – sept lits – qui laisse tant d’autres en détresse. » À noter qu’il existe peu, si ce n’est pas, de structures hospitalières publiques équivalentes sur le territoire national, et ce désert médical pédopsychiatrique est pire encore dans les Outre-mer.
Il est urgent de trouver des moyens pour prendre en charge les adolescents souffrant d’anorexie mentale
« Sept lits, c’est la mise en concurrence entre malades, entre familles. Qui aura la chance de trouver une place et de la garder ? C’est peut-être cela le plus injuste, le plus éprouvant : première, deuxième, troisième hospitalisation… Nos enfants reprennent du poids, rechutent, reprennent du poids, rechutent encore, jusqu’à la guérison ou, au moins, un « mieux-être » »
L’anorexie mentale est une maladie longue et difficile à soigner mais selon l’INSERM, 50% des cas détectés à l’adolescence guérissent. Le collectif de parents d’adolescents souffrant de cette pathologie demande alors que des moyens publics soient débloqués pour que tous ait la chance d’avoir accès aux soins.
« Sept lits à la Maison de Solenn, sans plan B, car les structures identiques sont saturées, ce n’est juste pas acceptable. La santé mentale de la jeunesse française devient à peine un sujet de préoccupation. Le moment est venu d’en faire un diagnostic officiel, et de dégager les moyens de sa prise en charge. »
Les unités de pédopsychiatrie oubliées par la santé publique française
Le 2 juin dernier, la Défenseure des droits appelait déjà, via un communiqué, la Première ministre Élisabeth Borne à instaurer au plus vite un plan d’urgence pour la santé mentale des jeunes. Dans un rapport publié à l’occasion de la journée des droits de l’enfant, le 20 novembre dernier, Claire Hédon déclarait que le nombre d’enfants et d’adolescents suivis chaque année en pédopsychiatrie a augmenté de plus de 60% en 20 ans et que 25 départements ne seraient pas couverts par cette branche de la psychiatrie.
Selon une autre étude de la Drees, relayée par Le Figaro, les capacités d’hospitalisation s’avèrent très limitée pour les moins de 18 ans. Dans l’hexagone, 2 328 lits étaient dédiés aux mineurs en 2018 contre plus de 52 000 lits pour les majeurs. Aujourd’hui, les carences hospitalières sont tellement importantes que les soins psychiatriques pour les adolescents se font à 90% en ambulatoire dans les centres médico-psychologiques (CMP). Mais depuis la crise sanitaire, ces établissements sont saturés et les délais d’attente monstrueux.
Manque de lits en psychiatrie infantile et saturation des services de pédiatrie
Au CHU de Reims, seulement 12 lits d’hospitalisation sont ouverts dans le service de pédopsychiatrie, et tous ne peuvent pas accueillir la détresse d’adolescents souffrant d’anorexie. Une seule solution en cas d’urgence : hospitaliser les jeunes en pédiatrie, et saturer un service déjà en grande difficulté et en pénurie de lits, comme l’explique, au Figaro, la professeure Anne-Catherine Rolland, chef du service de pédopsychiatrie à Reims :
« En tension hospitalière permanente, on est obligé d’envoyer des patients psychiatriques en pédiatrie, ce qui est totalement inadapté et dangereux quand un mineur est dans un état d’agitation extrême. »
Le secteur de la pédopsychiatrie est sinistré depuis des années dans un hôpital public français au bord de l’asphyxie. La Défenseure des droits relève que nombreux adolescents sont alors hospitalisés dans des unités initialement réservées aux adultes. Des lieux inadaptés qui peuvent présenter de nombreux dangers. Claire Hédon a notamment saisi à plusieurs reprises la justice pour des cas de mineurs admis dans de tels services et ayant été victimes d’agressions sexuelles de la part de patients adultes.
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Image en Une : © Jon Tyson – Unsplash
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