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L’entrée en littérature de Balzac

Est-il nécessaire de présenter Balzac ? Je n’en suis pas sûre. Et pourtant malgré l’intérêt que génère les œuvres de l’auteur, la personnalité d’Honoré et ses débuts dans le monde des lettres semblent inconnus de beaucoup. Voici donc un petit topo sur l’entrée en littérature de Balzac.

Honoré de Balzac, né Honoré Balssa

Rapidement quelques faits incontournables : prenons sa naissance. Honoré Balssa (nommé Honoré de Balzac, c’est bien plus chic) est né le 20 mai 1799 à Tours.
Bref aparté histoire de situer le bonhomme qui, on le constate, appartenait moins au XVIIIème siècle, si ce n’est par son année de naissance, qu’au XIXème. Qui dit XIXème siècle en littérature entend résonner le son du courant littéraire réaliste arrivé en France aux alentours de 1850.
Honoré n’échappe pas à la règle et est considéré comme l’un des plus grands romanciers français réalistes ; mais pas seulement. Il est également romantique, mystique, poétique et philosophe. Rien que ça. Seulement notre homme avant de briller aujourd’hui du fond de sa tombe de tout l’éclat de ses œuvres a connu quelques débuts difficiles, et c’est bien ce sur quoi nous allons nous pencher.

Nous voilà sous la monarchie de Juillet qui, le 9 août 1830, succède à la Restauration. Elle signe la fin de la royauté et Louis Philippe Ier n’est plus roi de France mais roi des Français. La censure de la presse est alors abolie.
Il est important de comprendre que pour un écrivain il n’est alors pas facile d’évoluer et de se faire connaître. En effet, entre deux révolutions politiques et au moment de l’essor de la petite presse, les temps sont durs pour les gens de lettres et les revenus se font rares.
Une solution existe néanmoins pour ceux qui ont la plume frétillante et l’esprit ouvert. En effet au début du XIXème siècle, le journalisme est un des seuls moyens pour les auteurs de remuer le poignet et surtout de se remplir la panse. Alors qu’aujourd’hui le journalisme est une profession prisée elle était, à l’époque d’Honoré, plutôt méprisée, notamment de ceux qui se déclaraient « hommes de lettres ».

Après avoir refusé de suivre le chemin de notaire que son père lui destinait, Balzac décide, en 1819, de devenir écrivain. Il hésite alors à s’engager du côté matériel ou du côté intellectuel du livre. L’édition, l’imprimerie et bien sur l’écriture sont des domaines qui l’attirent.
Il fera successivement une tentative en tant qu’éditeur (avec une idée révolutionnaire mais trop en avance sur son temps : le livre de poche), puis en tant qu’imprimeur, profession qu’il occupera entre 1826 et 1829. Mais là encore il échoue et fait faillite. C’est à croire que la vie lui réservait une autre destinée…

La première pierre de l’édifice littéraire Balzacien se pose avec Les Chouans, son premier roman réussi. Nous sommes en 1829, et si ses qualités d’auteur sont reconnues, sa bourse n’en reste pas moins vide.
En 1830, son pari littéraire semble perdu alors qu’il a déjà rédigé trois grandes œuvres.
Complètement ruiné, logé et nourri par des amis, il n’a même pas les moyens d’offrir un exemplaire de son propre livre.

C’est alors que la nouvelle révolution de 1830 va faire office de tournant dans la vie de Balzac.
Face à la victoire du journal sur le livre, le romancier entrevoit une solution pour sortir de la misère et vivre de l’écriture : le journalisme.
Pendant un an, il honore divers journaux de sa gracieuse plume, une plume qui en sortira plus sûre d’elle avec un style défini et une perspective acérée.
Après avoir écrit pour des journaux tels que La mode, Le Voleur ou La Silhouette, il participe lui même au lancement d’un journal avec son ami Philippon. Le voilà rédacteur en chef de La Caricature, journal pour lequel il rédigera lui même vingt-cinq articles dont douze feront partie de La Comédie humaine. C’est dire si la machine est enclenchée !

En 1831, il se lance dans La peau de chagrin. C’est aussi l’année qui scelle le socle de La Comédie humaine par la publication de plusieurs romans qui en feront partie. En effet, Balzac met en place un « complexe système de publication ». Les romans paraissent d’abord en feuilleton, notamment dans le journal La Presse, puis en volume. Il ajoute quelque fois plusieurs morceaux ou effectue des changements entre les divers parutions. Le nom de "Comédie humaine" n’est attribué à l’œuvre qu’en 1842.
Parmi ses œuvres les plus connues, nous noterons la parution d’Eugénie Grandet en 1833, celle du Père Goriot en 1835 ou encore celle de Splendeur et misères des courtisanes qui, rédigé sur neuf ans entre 1838 et 1847, est publié sous toutes les formes de support disponible à l’époque (feuilletons, volumes séparés, œuvres complètes).

Balzac a su tirer profit de ce que Marie-Eve Thérency, spécialiste des relations entre presse et littérature, appelle « les structures communicationnelles » qu’offre le journal à la littérature.
En effet, alors que la litt érature assiste « au triomphe du système médiatique », elle ne reste pas sans issue, et pour preuve notre cher Honoré qui, avec La Comédie humaine, installe les bases du roman réaliste.

Au delà du tremplin communicationnel apporté par la presse, le romancier s’est véritablement servi de son expérience acquise dans le milieu journalistique pour s’imposer dans un style nouveau, pour orienter et enrichir ses œuvres.
Un projet qui se rapproche presque de l’encyclopédie humaine puisqu’il décrit des effets sociaux pour en expliquer les causes. Balzac devient ainsi le « romancier des mœurs ».
Illusions perdues, qu’il nomme lui même « l’œuvre dans l’œuvre », retrace magnifiquement le parcours de deux amis, Lucien et David, respectivement auteur et imprimeur au début du XIXème siècle. Le roman, particulièrement Un grand homme de province à Paris, permet de mesurer la densité et la diversité du monde de La Comédie humaine.
En plus d’être talentueux notre écrivain était modeste. Ainsi, en 1833, il ne manquait pas de signaler, entre sérieux et ironie : « Saluez moi, je suis tout bonnement entrain de devenir un génie ». Ainsi soit-il.
En l’espace de 20 ans, Balzac rédigera plus de 90 romans.

Finalement l’homme de lettres aura dédié sa vie à son œuvre ainsi qu’à la construction de son identité littéraire, aujourd’hui amplement fondée.
Mort à l’âge de 50 ans, Victor Hugo disait de lui : « il entre le même jour dans la gloire et le tombeau ». Une chose est sûre, l’entrée en littérature de Balzac fut pour le moins laborieuse mais, comme nous pouvons le constater, elle porta ses fruits jusqu’à nous régaler, nous, lectrices du XXIème siècle.


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Les Commentaires

3
Avatar de Morpheen
14 novembre 2008 à 18h11
Morpheen
Un de mes prof nous a un jour fait cette réflexion : "Balzac écriavit ses romans à la va vite car il était payé à la ligne et plus il en faisait vite mieux c'était".
Elle faisait allusion aux romans feuilletons et à l'époque où il rédigeait des articles non?
il était qaund même couvert de dettes et c'est pour cette raison qu'il écrivait surtout. Et je ne sais pas si vous aviez déjà fait attention à cela mais ça se remarque très vite cette rapidité de lecture dans sa manière d'écrire.. Surtout lorsque les personnages parlent, essayez de compter les "s'écria Madame ..."
Il est clair que Balzac écrivait vite (il y avait aussi souvent lieu à de nombreux remaniements) : de 1831 à 1836 il rédige sept romans je crois. Il n'empêche que je trouve un peu réducteur et vite résumé de se cantonner dans l'idée qu'il écrivait surtout pour rembourser ses dettes. Comme je l'ai dit, à ses débuts il choisit d'être écrivain pour ne pas suivre la carrière que son père lui dédiait. Ca ne marche pas, il se tourne vers d'autres domaines (tous quand même en rapport avec la littérature) pour y revenir par intérêt. Une fois tourné vers le journalisme il déclare "la librairie est morte il n'y a plus de ressources pour moi que dans les journaux". On voit bien qu'il désire gagner sa croûte mais il cherche aussi à se faire un nom et à acquérir une identité littéraire. Le journal lui a donné des idées et ouvert de nouvelles perspectives qui ont donné à son retour en littérature une autre tonalité et un but nouveau : La Comédie humaine par exemple est un projet (dont l'écriture s'échelonne sur de nombreuses années) qui ressemble à celui des journaux contemporains : "rendre lisible une totalité sociale perçue comme décomposée, notamment par la fracture révolutionnaire". Son ambition était bien de peindre la société qui l'entourait et non surtout de remplir sa bourse au moyen de n'importe quel roman bâclé à la va vite parce qu'"il le fallait"....
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