« J’ai l’impression qu’il y a deux mondes sur YouTube.
Y a le monde avec mes copains, c’est un YouTube qu’est très très très spontané, très décomplexé… et t’as l’autre monde avec des vidéos bien plus organisées, genre des boites de prod, caméras 4K et tout. »
Qui est légitime sur YouTube ?
Dans sa première vidéo Calendrier de l’avent de décembre, Léna Situations – notamment connue pour ses vlogs lifestyle en collab avec Sulivan Gwed, Sundy Jules et Bilal Hassani – épilogue sur son rapport à YouTube.
Alors qu’elle tente d’accrocher ses boules à son sapin, Léna explique que son anxiété est revenue. En cause ? Son syndrome de l’imposteur.
En quelques mois, sa chaîne YouTube a fait une percée impressionnante dans le YouTube ado, avec des gains mensuels dépassant les 100 000 nouveaux abonnés, grâce à des vlogs quotidiens en août et décembre.
Elle raconte qu’elle a été récemment confrontée à des retours peu flatteurs d’autres youtubeurs, qui considèrent son contenu comme « un ovni ».
« À un point où même moi je me suis dit « Ben ouais, ils ont raison, c’est nul ce que je fais, j’ai pas ma place sur YouTube ». […]
À force de l’avoir entendu de la part de personnes que j’admirais de ouf, ça m’a fait mal déjà et ça m’a changé ma vision de ce que je faisais.
J’ai eu l’impression que pour être sur YouTube, il fallait maintenant que j’ai une bête de boite de prod, que j’ai des vidéos super organisées, des courts-métrages et tout…
Mais ça pour l’instant c’est pas trop ce que j’ai envie de faire, moi j’aime bien ce que je fais. »
Bref, comme beaucoup de meufs (sur YouTube et ailleurs), Léna se demande : est-ce que je suis légitime ?
Interroger son boulot et ses envies, c’est complètement normal. Tout comme il est normal que les retours de tes pairs ou de tes collègues plantent une petite graine de doute.
En réalité, selon moi, tout le monde est légitime sur YouTube… tant qu’il y a des gens pour écouter.
Après, est-ce que tout le monde « mérite » d’être mis en avant sur la plateforme ? C’est une autre question.
YouTube a ouvert la voix de toute une génération
On oublie parfois que YouTube, en plus d’être un GAFA avec des intérêts financiers, c’est une plateforme qui transformé le paysage médiatique français. À tel point que désormais, Mediametrie comptabilise ses audiences.
Au début des années 2000, où pouvait-on observer les préoccupations de notre génération ? Où pouvait-on entendre la parole spontanée des moins de 20 ans ?
Qui donnait la possibilité à tout le monde de s’exprimer sur tous les sujets, même les plus sensibles, même les plus interdits ?
Certainement pas dans les médias traditionnels, qui se faisaient une joie de dénigrer les plus jeunes, de les décrire comme fainéants, débiles, violents.
Les jeunes, cette cible privilégiée des clichés médiatiques !
Bien sûr, la plateforme n’est pas un espace de liberté d’expression absolue.
Tenue par les intérêts de ses financeurs, elle restreint la monétisation et l’accès de nombreuses vidéos qui semblent pourtant essentielles : sur le corps des femmes, sur l’éducation sexuelle, sur certaines périodes historiques…
Mais quand je vois la créativité et les talents que YouTube a permis de mettre en lumière, tout le kif que les vidéastes nous ont donné, toutes les émotions qu’ils ou elles ont réussi à soulever…
Je me dis que malgré tout, je ne saurais pas m’en passer.
YouTube est aussi divers que nos envies
Je suis ravie que des vlogs de Léna Situations coexistent avec des analyses du Joueur du Grenier.
D’avoir le choix de me vider la tête en regardant des vlogs d’expat en Corée ou d’apprendre des trucs à travers une interview d’une heure avec des universitaires.
Le nombre de vues ou d’abonnements ne traduit pas la valeur de ces vidéos, il témoigne juste d’une tendance et de l’envie des personnes qui les visionnent.
À la télé, je peux regarder les Anges de la téléréalité puis un docu sur Arte.
Sur YouTube, c’est pareil.
En finir avec la concurrence sur YouTube
Il n’est pas question de défendre ici la valeur de tel ou tel genre de vidéos sur la plateforme.
J’ai beau ne pas aimer certains genres ou certaines personnalités, tiquer devant certains discours, je me réjouis que le débat existe. Car une société qui débat, c’est une société qui met en œuvre la démocratie.
YouTube, par son fonctionnement algorithmique, par son économie, est responsable de la mise en concurrence des vidéastes.
Mais en la nourrissant, n’abandonnons-nous pas le plus important ?
Dans les sphères féministes, la sororité est un mot-clé incontournable. Et pourtant, dans la réalité, je vois le concept mis au placard dès que la question de la carrière entre en jeu…
Cette sororité, il est temps de se l’approprier et de l’appliquer réellement : quand les vidéastes chevronnées ouvriront-elles vraiment des portes à des talents émergents ?
Cesserons-nous un jour de voir le renouvellement des générations comme une menace ?
Quand Fred, alias le Joueur du Grenier, s’est exprimé sur l’ennui profond que suscitaient chez lui les contenus actuels sur YouTube, des internautes se sont empressés de lui répondre « OK Boomer », relançant la guéguerre générationnelle sans issue entre « les vieux cons » et « les jeunes débiles ».
On a peut-être des choses à s’apporter mutuellement, non ? Un regard frais, une énergie pour les uns, des contacts et de l’expérience de vie pour les autres ?
Alors Léna, ne doute pas de ton contenu. Tu es suivie parce que tu es légitime et tu es légitime parce que tu es suivie.
Fais ce qu’il te plaît, mais fais-le avec le cœur et selon tes valeurs. Ça, personne n’a le droit de le juger !
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