Vous ! Oui, vous ! Vous qui avez sans doute, un jour de crise diplomatique familiale, balancé au travers de la tête de vos frangin-e-s ces petits cubes colorés : pourquoi diable les Legos parviennent-ils à traverser les années sans être has-been ?
Jon Sutton, psychologue et amoureux des Legos, s’est saisi du sujet et en appelle à un « instinct de constructeur ». En ce qui le concerne, le praticien envisage ces jouets à la fois comme un moyen de se relaxer et comme un « outil » psychologique : il explique ainsi avoir un intérêt à la fois professionnel (utilisant les Legos dans sa pratique de psychologue) et personnel (arguant même que ses enfants lui servent de prétexte pour en acheter) pour les célèbres cubes colorés. Dans un article pour le magazine The Psychologist (dont il est le rédacteur en chef), il tente d’expliquer comment des jouets créés en 1932 continuent à être plébiscités aujourd’hui.
Argument n° 1 : le Lego est un jouet différent
À première vue, les legos sont des jouets simplissimes – des cubes de différentes tailles aux couleurs criardes qui s’assemblent. Selon David Whitebread, ils auraient pourtant plusieurs atouts non négligeables.
Le premier serait sans aucun doute la simplicité de leur usage : ils ne nécessitent pas de compétence physique particulière. Facilement maniables et emboîtables, les Legos permettent de jouer un peu à l’infini (assembler, désassembler, réassembler autrement, désassembler à nouveau…).
Autre point fort, ils contribueraient à développer notre imagination, tout en nous laissant la possibilité de suivre des instructions. Lorsque l’on reçoit une boîte de Legos, on peut suivre la notice, construire un bateau de pirate selon des schémas prédéfinis… Ou laisser aller sa créativité, décider des pièces qui iraient le mieux ensemble dans notre esprit, construire un bateau complètement anarchique. Autrement dit, avec des Legos, nous pouvons envisager tous les scénarios, modifier tous les schémas, revenir sur nos pas… Ils nous permettent d’être libres ET d’avoir des limites.
Argument n°2 : l’effet IKEA
Selon une étude menée par le psychologue Michael Norton (parue en 2011 sous le titre The IKEA effect – when labor leads to love – L’effet IKEA, quand le travail mène à l’amour
), nous accorderions plus de valeur à des objets que nous aurions assemblé nous-mêmes. Les chercheurs ne parlent pas ici d’objets « do it yourself » créatifs, mais d’objets en kit – dans le pur style bibliothèque Billy.
Certains participants à cette enquête devaient parfois construire des boîtes IKEA, parfois assembler des ensembles de Legos (pour former par exemple un hélicoptère). D’autres recevaient les objets déjà assemblés. Lorsque les psychologues demandent à ces participants d’évaluer la valeur qu’ils attribuent au produit reçu, la note augmente nettement lorsque le produit est reçu « en kit » – du moins pour ceux qui ont réussi l’assemblage (pour ceux qui ne seraient pas parvenus à construire l’objet, « l’effet IKEA » ne s’appliquerait pas).
Michael Norton (et al., bien sûr) explique cet effet par deux choses :
- l’acte de construire augmenterait à la fois nos pensées à propos du produit (et de ses attributs positifs) et un attachement émotionnel au produit
- la réussite de cette construction permettrait de se sentir compétent, et de signaler aux autres que l’on est compétent (qui ne s’est jamais laissé aller à fanfaronner « REGARDEZ COMME J’AI MONTÉ CA TOUT-E SEUL-E » ?)(personnellement, je ne vous raconte même pas comment je me la suis racontée comme une gue-din après avoir monté ma nouvelle table à manger)*.
L’équipe de scientifiques insiste toutefois sur le fait que cet effet apparaît seulement une fois l’objet acheté et construit – lorsque l’on demande aux consommateurs potentiels s’ils préfèrent acheter un produit construit ou à assembler, la plupart d’entre eux affirment souhaiter acheter un produit « tout fait » (même s’il faut payer un peu plus).
Visiblement, les marketeux avaient saisi le concept de « l’effet IKEA » depuis un petit moment : certaines marques nous proposent de créer nos propres tennis, d’autres de décider de la forme de nos chemisiers…
Argument n°3 : les Legos, gros potentiel en aide psychologique
Jon Sutton souligne également l’intérêt des Legos en tant qu’outils pour les psychologues et psychiatres.
Les cubes pourraient par exemple servir de bases pour des tests de raisonnement spatial, ou encore, selon Gina Gomez, être utilisés de façon à aider les parents à interagir avec leurs enfants de façon positive. Ils pourraient aussi donner un coup de pouce aux adultes en situation de vulnérabilité, et leur permettre de prendre des décisions à propos de leurs vies – le ou la psychologue pourrait ainsi demander de construire ce qu’est pour eux une « maison parfaite », et utiliser le Lego comme point de départ pour une discussion (à la manière de l’art thérapie).
Vous n’avez jamais remarqué comme parfois, faire des choses machinales permet en même temps de réfléchir plus profondément ? Ou comme construire des objets simples peut donner un sentiment d’accomplissement ? De votre côté, êtes-vous prêt-e-s à donner de votre temps pour construire une armoire ou préfèrez-vous ajouter quelques écus et avoir un produit fini ? Combien d’entre vous s’adonnent aux joies de la construction par Minecraft ?
* Le mode d’emploi avait tout de même plus de 16 étapes, bordel, je mérite une médaille. Comment ça, « non » ?
Pour aller plus loin :
- The Psychologist
- Le compte twitter du psychologue
- L’effet IKEA
- Un article du Daily Mail sur les analyses de Jon Sutton
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