En pleine pandémie, et alors que la rentrée 2021 approche à grands pas, il y a des sujets à côté desquels l’école ne peut pas passer, comme… la laïcité.
Quoi ? Surprise ? Naïve que vous êtes, vous pensiez au protocole sanitaire et aux inquiétudes légitimes autour des mesures annoncées par le ministère de l’Éducation nationale, n’est-ce pas ? Eh non.
Une nouvelle campagne de communication sera lancée ce lundi 30 août et l’aperçu publié hier sur Twitter par un journaliste de l’agence AEF en a énervé plus d’un :
C’est vraiment « ça », la laïcité ?
Sur les huit affiches de scènes de la vie quotidienne, on distingue des enfants, avec les mentions suivantes :
« Permettre à Sacha et Neissa d’être dans le même bain », « Permettre à Milhan et Aliyah de rire des mêmes histoires », « Permettre à Erynn et Edene d’être égales en tout »…
L’objectif, explique L’Étudiant, est de « faire comprendre [aux enfants] que la laïcité s’inscrit dans leur quotidien en leur permettant de vivre libres, égaux et unis, quelles que soient leurs convictions » — une intention plutôt louable, à première vue.
« C’est ça la laïcité » assène la campagne, avec moult exemples… où jamais n’apparait la religion. C’est ça, la laïcité, vraiment ? À bien des égards, le ministère de l’Éducation semble faire fausse route.
La laïcité, puisqu’il faut le rappeler, c’est la séparation des Églises et de l’État, la garantie de la neutralité de ce dernier, et de la liberté de culte.
Le rapport avec des enfants en train de jouer ensemble, de faire du sport ou d’étudier ? On n’est pas sûr de bien saisir, à moins… À moins que cette campagne ne sous-entende que certaines religions menacent intrinsèquement le vivre-ensemble et que la laïcité serait un rempart ? À moins qu’elle ne se vautre dans un racisme qui ne dit pas son nom, en désignant certaines confessions religieuses à travers le prénom de certains enfants, ou à travers leur couleur de peau ?
Sur Twitter, le syndicat Sud Éducation 77 s’est fendu d’un long thread que je vous encourage vivement à dérouler en entier, parce qu’il décortique tout le sous-texte stigmatisant qui émane de cette campagne du ministère de l’Éducation nationale :
« Sous un air jovial, ces affiches célèbrent le vivre ensemble, mais en le conditionnant à la laïcité. Sans celle-ci, certaines personnes ne pourraient pas s’intégrer convenablement à la société française. Pourquoi ? Sans doute car ces personnes resteraient trop différentes entre elles, ce qui serait source de conflits. La laïcité permettrait donc d’homogénéiser les populations, de les transformer en bon citoyens (notons la récurrence du mot « même »). »
Blanquer assume
Au-delà de l’analyse, certains ont ironisé sur le caractère déplorable de cette campagne de communication, à l’instar de la journaliste Mona Chollet qui l’a qualifié de « bloubiboulga néocolonial ».
Interrogé sur cette campagne faite « pour unir » et sur les critiques qu’elle a déclenchées, Jean-Michel Blanquer s’est redit opposé à l’emploi du mot « racisé » et a sorti la carte colorblind, assurant qu’il n’avait même pas vu la couleur de peau des enfants présents sur les affiches :
Selon La Croix, les établissements scolaires devront recevoir un « Guide républicain » à la rentrée. Saura-t-il relever le niveau de cette campagne ? On se permet d’en douter.
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Crédit photo : Rodnae Productions via Pexels
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