Aujourd’hui, toute blague d’introduction serait malvenue. Car je vais parler d’un des films que je préfère au monde, et d’une femme que j’aime d’amour, depuis toujours…
La leçon de piano, ça parle de quoi ?
Ada est la jeune maman d’une petite fille de 9 ans. Elle accepte de partager la vie d’Alistair Stewart (Sam Neil), un homme qu’elle ne connaît pas, au fin fond du bush néo-zélandais.
Son nouvel époux lui fait livrer toutes ses affaires dans leur nouvelle demeure. Toutes, à l’exception de la plus précieuse : son piano adoré, qui finit chez un voisin illettré et un rien bourru.
Un instrument des plus importants pour Ada, car il est son seul moyen d’expression.
En effet, la jeune maman est muette….
Refusant d’abandonner ce qu’elle a de plus cher (après sa fille, on s’entend hein), Ada répond étonnamment par la positive à une proposition pour le moins incongrue : regagner son piano touche par touche, en se soumettant aux désirs de l’homme.
La leçon de piano rafle tous les prix
Réalisé par l’illustre Jane Campion, La leçon de piano est un film historique et charnière pour le cinéma. En effet, il s’agit du premier long-métrage signé par une femme à remporter une Palme d’Or.
Présenté au Festival de Cannes en 1993, ce bijou d’écriture et d’esthétique ne pouvait que marquer les esprits.
Il a, par ailleurs, remporté 3 Oscars, dont l’Oscar de la meilleure actrice (la sublime Holly Hunter), l’Oscar du Meilleur second rôle féminin (Anna Paquin), et l’Oscar du meilleur scénario original (Jane Campion).
Il s’est également vu auréolé du César du Meilleur film étranger.
Ada, une héroïne typique des films de Campion
Ada a tout de l’héroïne propre à la filmographie de Jane Campion.
Comme toutes les femmes dont elle dresse le portrait dans ses oeuvres, Ada est « marginale » et envisage ses désirs différemment.
Dictée par ses seules pulsions, Ada est libre de vivre une relation furieuse avec un homme qui ne lui ressemble en rien. Complexe, elle l’est autant que le personnage interprété par Harvey Keitel, qui s’éveille lorsqu’elle joue du piano…
Terriblement sincère, dans son mutisme et dans sa sexualité, elle existe avec autant de vérité que Fanny Brawne, l’héroïne de Bright Star, Dawn dans Sweetie, et Isabel dans Portrait de femme.
Très peu conventionnelles, ces femmes, pourtant souvent prisonnières de leur condition, sont libres. Libres d’aimer !
Jane Campion s’inspire des figures de la littérature féminine
Comme moi, Jane Campion est amoureuse d’écrivaines telles que les soeurs Brontë et Jane Austen.
Ainsi, certains traits de caractère d’Ada et de Baines, ainsi que plusieurs enjeux, peuvent être perçus comme des clins d’oeil aux chef-d’oeuvres qui ont bercé mon enfance, et probablement la vôtre : Les Hauts de Hurlevent, Le Professeur, Tales of Angria et… Jane Eyre (soit le meilleur roman de tous les temps) !
En s’inspirant de la littérature gothique et féminine, Campion réalise un cinéma d’apparence classique, mais bien loin d’être académique.
Jane Campion rend hommage à la nature
Magnifiant les paysages de la Nouvelle-Zélande, la caméra de Jane Campion se balade de plages en collines, et fait du pays un personnage à part entière.
Tout au long du film, la cinéaste aux merveilles replace la nature au centre de toute chose et interroge notre rapport à elle.
Ainsi Baines, l’homme dont elle tombe amoureuse, est proche de la nature.
Non sans rappeler le personnage de L’Enfant Sauvage de Truffaut, c’est son comportement primitif, presque animal, qui va séduire Ada.
Il est le parfait opposé du mari, dont l’éducation est irréprochable. Au fur et à mesure, c’est d’ailleurs ce dernier qui va se muer en parfait animal, tandis que Baines s’instruit !
Entre nature et modernité, Ada a fait son choix. La leçon de piano s’impose donc comme une véritable ode à l’instinct et à la nature.
La musique de La leçon de piano
Impossible d’aborder cette oeuvre sans évoquer l’un de ses atouts majeurs : sa musique. Devenue légendaire, la bande-originale signée Michael Nyman est tout à fait indissociable du personnage d’Ada.
Car c’est par les morceaux de musique qu’elle joue au piano, que l’héroïne s’exprime. La musique est la voix de la muette Ada.
Le compositeur a expliqué chez Musiqxxl :
« Le principal problème sur La leçon de piano fut d’inventer un langage musical propre.
Deux éléments entraient en conflit : il fallait que la musique soit représentative de l’époque (milieu du XIXe siècle) tout en ne trahissant pas ma propre expression »
La leçon de piano, une merveille
Je pourrais encore vous parler de ce film pendant 4h. J’en aime chaque minute, fantasme chaque images, et adore chaque envolée.
Mais le temps me manque, malheureusement. Je vais donc finir par vous dire que La leçon de piano est une réussite totale, tant pour son propos, que pour ses acteurs et sa délicatesse.
Loin d’établir des clichés sur l’amour, souvent véhiculés par les romances américaines, La leçon de piano est un OVNI du cinéma, une immense bouffée d’air frais qui encourage le désir aux mille visages.
Voyez La leçon de piano, revoyez-le, parlez-en autour de vous. Pour qu’il continue à vivre, en dépit du temps qui passe…
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