Le 6 juin 2019
Vous connaissez sûrement le travail d’Emma, autrice de BD, qui a contribué à populariser le concept de charge mentale en France. La dessinatrice et militante a publié en mai 2019 un nouveau tome de sa série Un autre regard, consacré cette fois-ci au climat.
Dans une interview donnée à France Inter, la trentenaire livre sa passionnante analyse sur l’urgence climatique et sur les façons d’y répondre, mais aussi sur le rôle prépondérant joué par les femmes dans ce qu’on appelle « l’écologie du quotidien ».
La charge mentale des « petits gestes » pour l’écologie
Elle explique que l’urgence climatique nécessite un changement radical, et que nous n’avons plus le temps de faire une transition écologique en douceur. Or, selon elle, ce changement radical (notamment la sortie des énergies fossiles) est de la responsabilité des gouvernements. Elle regrette donc que ces derniers se défaussent en demandant aux individus d’être responsables, de faire attention à leur consommation d’énergie, de trier leurs déchets, et de faire attention au gaspillage alimentaire.
Elle alerte également sur le fait que ces « petits gestes » du quotidien en faveur de l’écologie reposent souvent sur les épaules des femmes, « plus ouvertes à la remise en cause et au discours culpabilisateur ».
De plus, l’inégale répartition des tâches ménagères entre les femmes et les hommes fait, qu’au global, se sont plus souvent les femmes qui font les courses, les lessives, la cuisine, etc. C’est donc sur elles que repose la charge mentale d’aller chercher des options alternatives, zéro déchets ou faites maison — en repérant où aller faire ses courses en vrac, en pensant aux bocaux et aux sacs en tissus, en cherchant des recettes pour fabriquer des produits d’entretien, etc.
Une division genrée de la lutte face à l’urgence climatique
Cet investissement chronophage laisse alors moins de temps aux femmes pour s’engager sur le terrain et mener des actions politiques, regrette Emma.
« Cela donne une division très genrée de la lutte contre l’urgence climatique. Les hommes vont être sur des actions politique de terrain, organiser des manifestations, et les femmes vont être sur une action dépolitisée, dans la sphère privée. Plus de la moitié de la population (les femmes) se détourne de ce qu’il faudrait vraiment faire, c’est-à-dire s’engager politiquement pour le climat. »
L’autrice de BD précise qu’elle n’est pas contre les « petits gestes » du quotidien, mais que pour elles, ils ne suffiront pas à faire face à l’urgence climatique, et qu’ils ne doivent pas empêcher les femmes de s’investir dans l’action politique.
Face à l’inertie des gouvernements les petits gestes peuvent aider psychologiquement : on agit, on est « du bon côté de la barrière », ce qui peut compenser l’angoisse très compréhensible liée à l’urgence climatique — la fameuse éco-anxiété.
Mais la Terre ne se rafraîchira pas qu’avec votre belle acquisition d’un lombricompost… Alors attention à ne pas vous abîmer dans une nouvelle charge mentale, au profit d’une planète qu’il va falloir se mettre à plusieurs pour sauver.
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Crédit photos : cottonbro / Pexels
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