Malgré l’absurdité du sobriquet donné au phénomène, en Corée, le « terrorisme du sperme » est tout ce qu’il y a de plus sérieux. Le nombre d’hommes qui éjaculent ou aspergent les femmes de leur sperme a tant augmenté que de nombreux groupes défendant les droits des femmes se battent pour que l’acte soit reconnu par la loi sud-coréenne comme un crime sexuel.
Car contre toute attente (non), les éjaculateurs en série qui sévissent dans le métro ou les bureaux sont très peu à avoir été condamnés — et lorsqu’ils le sont, ils s’en sortent avec une tapounette sur la main…
Malheureusement, ces agressions dépassent les frontières de la Corée et sont loin d’être nouvelles.
Éjaculer en toute impunité
D’après un rapport du magazine coréen The Women’s News relayé par MEL Magazine, en Corée du Sud, « 44 affaires liées à des attaques au sperme ont été déposées entre 2019 et juillet 2021 ». En réalité, ce type d’agression est probablement plus fréquent et existe depuis bien plus longtemps.
Les cas s’empilent : en mai dernier, un Sud-Coréen a été condamné à 2500 dollars d’amende pour avoir éjaculé dans la tasse à café de sa collègue à six reprises. Un autre agresseur avait également déversé un mélange de sperme, d’aphrodisiaques, de salive et de laxatif une dizaine de fois dans le café d’une femme qui avait refusé ses avances.
Quand la justice condamne ces agresseurs, c’est pour avoir endommagé la propriété de leurs victimes en les souillant de leur sperme, et non pour l’agression en elle-même. Dans le premier cas, seule la dégradation de biens personnels a été retenue. Dans le second, l’homme n’a été condamné à trois ans de prison que pour « tentative de blessure » et vol.
En réalité, le phénomène, même s’il est largement sous-estimé, se produit également dans d’autres pays, comme aux États-Unis, au Japon et même en France.
Le « terrorisme du sperme », un problème mondial
Au Japon, un agresseur a aspergé de sa semence une centaine de femmes dans les trains bondés pendant près de dix ans avant d’être attrapé par les autorités. L’an dernier aux États-Unis, un homme du Maryland a poignardé une femme avec une aiguille remplie de son sperme.
Jennifer Long, ancienne procureure et directrice de l’organisation AEquitas qui lutte pour modifier les normes juridiques en matière de violences sexistes, rappelle à MEL Magazine qu’aux États-Unis, les agressions sexuelles en général — et celles à base de sperme en particulier — sont largement sous-déclarées :
« Il est très juste de penser que les agressions avec des fluides corporels sont beaucoup plus fréquentes que nous ne le savons. Le manque d’informations à ce sujet laisse souvent les femmes perplexes quant à ce qu’il s’est passé, qui l’a fait et si elles doivent même se sentir victimes de ce crime. »
En France, des vidéos montrant des hommes se masturber, parfois jusqu’à l’éjaculation, devant des femmes dans les transports en commun font régulièrement le tour de la Toile. Et c’est sans compter les nombreux agresseurs qui profitent de la foule des heures de pointe pour coller leur membre sur la jambe des usagères…
On les surnomme, à tort, les « frotteurs », ce sont en réalité des agresseurs sexuels, comme le rappelle Francetvinfo :
« Des baisers forcés, des caresses non consenties, les frotteurs dans le métro relèvent de l’agression sexuelle, qui est en France un délit pénal — c’est à dire une infraction jugée par un tribunal correctionnel — à condition de prouver, et c’est parfois la difficulté, qu’il y a eu violence, menace, surprise ou contrainte. »
Dans la série britannique Sex Education, le personnage d’Aimee vit justement une attaque au sperme quand un homme lui éjacule dessus dans le bus alors qu’elle se rendait au lycée. Les épisodes relatant son agression montrent la difficulté de l’adolescente à parler de son agression et de la considérer comme telle.
Haeil, un groupe de défense des droits des femmes, explique justement cette difficulté à Vice :
« Les victimes ont été prises pour cible même dans les espaces publics, simplement parce qu’elles étaient des femmes et malheureusement, la plupart des victimes choisissent de garder le silence car ce sont elles qui endureraient les humiliations […] »
Le flou juridique qui existe autour de ce type d’agression n’aide pas non plus les victimes, et illustre bien la manière dont la justice (et la société en général) a tendance à minimiser, voire invisibiliser les agressions sexuelles sans pénétration ou contrainte physique. Pourtant, les conséquences sur les victimes sont bien réelles.
Il reste encore pas mal de chemin à faire…
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Crédits photos : Skylar Kang (Pexels) / Pexels
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