Pour la première fois, les hémorragies ne sont plus la première cause de mortalité maternelle en France.
Cette bonne nouvelle révélée dans un rapport de l’Inserm paru cette semaine ne doit pas faire oublier une réalité choquante : la deuxième cause de mortalité maternelle est le suicide, juste après les maladies cardiovasculaires.
Des décès « évitables » dans 9 cas sur 10
Entre 2013 et 2015, au moins 35 femmes se sont suicidées pendant leur grossesse ou la première année de vie de leur enfant (qui correspond à la période étudiée par le rapport) et 36 femmes sont décédées à cause d’une maladie cardiovasculaire.
Alors, sur des centaines de milliers de naissances, ce chiffre de 35 peut sembler minuscule, mais c’est 35 décès de trop, surtout que le rapport note, dans le cas des suicides, qu’ils étaient évitables dans plus de 9 cas sur 10.
« Le comité d’experts conclut à une mort maternelle « probablement évitable » ou « peut-être évitable » si l’analyse de l’histoire montre qu’une ou plusieurs modifications du parcours de soins de la patiente auraient pu changer l’issue fatale », détaille le rapport.
Surtout, ces 35 décès sont le sommet de l’iceberg d’un problème rencontré par de nombreuses femmes : la dépression post-partum, comme le rappelle Marie-Hélène Lahaye, lanceuse d’alerte féministe et autrice du livre Accouchement : les femmes méritent mieux.
Alors, une fois que l’on a cette info, qu’est-ce qu’on peut faire à un niveau individuel et global pour lutter contre la dépression post-partum et le suicide des jeunes mères ?
Améliorer le suivi des mères après l’accouchement
À la fin du rapport, un comité d’experts dégage des pistes pour améliorer la prise en charge des femmes, et notamment pour mieux prendre en compte la santé mentale et cardio-vasculaire dans le suivi des personnes enceintes et ayant accouché.
De fait, il paraît urgent de continuer à proposer un suivi médical et psychologique pendant plusieurs mois après l’accouchement.
Personnellement, j’ai été étonnée du changement radical à la naissance de ma fille. D’au moins une rencontre mensuelle des professionnelles de santé pendant la grossesse, je suis passée à… rien du tout.
Les médecins qui suivaient ma fille se sont focalisés uniquement sur elle et ne m’ont posé quasiment aucune question sur ma propre santé physique ou mentale (une fois passés les quinze jours post-accouchement).
Au-delà du suivi médical, pourquoi ne pas imaginer carrément de proposer un suivi psychologique gratuit aux jeunes mères qui ont peu de moyens ?! En particulier à celles qui ont vécu un accouchement compliqué et/ou des violences obstétricales.
Informer et libérer la parole autour de la dépression post-partum
En plus de la réforme des parcours de soin, il y a probablement encore beaucoup de travail d’information à mener autour de la dépression post-partum. Et c’est ce que nous essayons de faire chez Rockie en tentant de lever les tabous autour de la maternité.
Les illustrations publiées avec le rapport conseillent aux femmes de « ne pas hésiter à en parler », mais pour pouvoir en parler, encore faut-il avoir le sentiment qu’on sera entendue. Et ça, ça passe par une libération de la parole à l’échelle de la société.
Oui, on peut avoir « tout pour être heureuse », et quand même penser qu’on est nulle et que notre bébé serait mieux sans nous. On peut avoir eu très envie d’être mère (ou pas d’ailleurs) et se sentir tout de même très malheureuse une fois confrontée à la réalité du quotidien avec un nourrisson.
Enfin, pour lutter contre la dépression post-partum et le suicide maternel, il faut – en toute simplicité – abolir le patriarcat (ça ce n’est pas le rapport qui le dit, c’est moi). Quand les hommes prendront vraiment 50% de la charge que représente l’arrivée d’un enfant sur leurs épaules, les jeunes mères se sentiront certainement moins seules et épuisées.
Proposer du soutien et de l’aide aux jeunes mères
En attendant, le gouvernement peut tenter d’alléger leur fardeau, en allongeant le congé paternité, en créant plus de structures d’accueil pour les jeunes enfants, ou en donnant des subventions aux associations qui offrent un soutien et une écoute aux jeunes mères comme Maman Blues.
Et individuellement, nous pouvons tous et toutes essayer de porter plus d’attention aux jeunes mères de notre entourage (voisine, amie, collègue, cousine, etc).
Un message, un appel, proposer de garder le bébé quelques heures ou d’aller se balader ensemble… Le tout en commençant par sincèrement leur demander comment elles vont, elles, et pas leur enfant, et en vous montrant prêt·e à écouter réellement leur réponse.
Vous pouvez aller lire la synthèse de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles.
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