« Mens sana in corpore sano » comme le disait avec une certaine ironie Juvénal dans ses Satires. Mais cela signifie-t-il que « mens in corpore non sano non sana » ? Si c’est ça, je suis bonne pour l’hôpital psychiatrique d’ici peu. Parce qu’en toute honnêteté, le sport et moi faisons deux.
La sueur et la douleur ne sont pas les choses de la vie que je préfère. Quant aux endorphines censées venir compenser ces petits désagréments, je n’en ai jamais ressenti les effets ni de près ni de loin. En revanche, le goût de sang dans la bouche, les poumons en feu, les douleurs intercostales et les courbatures, même en y allant doucement, je vois très bien ce que c’est. Dans ces conditions, vous admettrez qu’il est difficile d’y prendre goût.
En réalité, il n’en a pas toujours été ainsi. J’ai 10 ans de danse classique dans les pattes, sans avoir (presque) jamais rechigné pour enfiler mes pointes 3 fois par semaine. Pourtant, dans le genre douloureux, faire porter le poids de tout son corps sur ses orteils pendant 2 heures est dans le top 10 je pense.
Plus récemment, je me suis découvert une nouvelle passion en réalisant mon fantasme d’enfance, me mettre à l’équitation. Ceux qui continuent de penser que c’est le cheval qui fait le plus d’effort n’ont sans doute jamais mis le pied à l’étrier, ou alors sur des poneys shetland immobilisés. Le mérite de l’équitation est de vous faire prendre conscience de muscles dont vous ignoriez l’existence. Chaque cm3 de chair fessière et cuissière est sollicité, et le lendemain, vous les sentez bien, ces muscles qui, l’air de rien, vous aide au quotidien à vous lever, à vous asseoir, à plier les jambes, à marcher.
Alors pourquoi dire que je n’aime pas le sport alors que je suis capable d’enfouir au plus profonde mon côté marmotte pour aller faire quelques tours de carrière ? Je n’aime pas le sport de l’école, ce moment où l’adolescent si bien dans peau est contraint – parfois avec violence par des profs faisant preuve de peu de compréhension et de psychologie – de se montrer dans ses plus beaux atours. Jusqu’à présent, on n’a pas fait mieux qu’un vieux jogging informe pour ridiculiser l’élève. Vous remarquerez que les seuls à avoir des beaux joggings sont de toutes façons ceux qui seraient sexy même dans les joggings pourris : pour avoir un beau jogging, il faut le mériter, donc l’utiliser plus souvent que pour les deux heures réglementaires de sport scolaire. Les moins sportifs ont donc les joggings qui les mettent le moins en valeur.
Attendez, en fait, j’ai sauté une étape : le vestiaire. Le sport à l’école, c’est la joie de se changer en collectivité et d’essayer de se cacher comme on peut. Bizarrement, les profs masculins ont toujours tendance à rentrer sans prévenir, pour annoncer un truc méga important (« N’oubliez pas vos pulls les filles hein, il ne fait pas chaud ce matin »), avec petit coup d’oeil circulaire libidineux, sous-estimant systématiquement le temps nécessaire au changement de tenue. Avec le recul, ça me semble légèrement suspect que Monsieur A. ait réussi pendant tout ma scolarité au collège à venir nous transmettre ses nouvelles de premier ordre pile-poil au moment où nous étions en soutien-gorge.
Après cette première épreuve, il faut subir les échauffements qui nous donnent l’air d’oran-outangs, le regard des autres excédés qu’on n’arrive toujours pas à sauter par dessus le cheval d’arceaux, et les vexations des professeurs, qui trouvent toujours très vite qui est le maillon faible qui restera leur souffre-douleur toute l’année (il faut bien fédérer contre un autre pour éviter de fédérer contre soi). Franchement, si le but est de développer à son paroxysme le mal-être du collégien, je crois qu’on n’a jamais fait mieux. A côté de ça, participer à une classe de découverte naturiste serait presque facile.
Le sport à l’école, c’est aussi la piscine, lieu de luxe, calme et volupté, où l’épreuve du maillot se révèle encore plus redoutable que celle du vieux jogging. Déjà que vous n’avez pas envie qu’on vous voit en jean, alors en maillot de bain… Il faut lutter au collège contre les garçons qui regardent sous les cabines pendant que les filles se changent et qui racontent après à toute la cour que vous avez des poils (ou pas). Il faut essayer de cacher ces seins qui poussent (ou pas) pour éviter de devenir « celle qui en a » (ou pas), ce qui est difficile avec un maillot mouillé. L’épreuve doit être la même pour les garçons avec le moule-zizi. Je passerais sur le fait que l’eau est toujours trop froide, les douches toujours trop courtes, et les cabines toujours trop sales pour mes habitudes de princesse au petit pois.
Dans mon (in)conscient, le sport est un mélange de courbatures et d’humiliations. Alors maintenant que j’ai le choix, j’assume : non, je ne fais pas de sport. De temps en temps, j’aimerais me bouger un peu, comme je le fais en été loin de Paris. Mais pas « faire du sport », les mots à ne surtout pas prononcer pour ne pas m’effrayer. Pourtant, je regarde régulièrement les offres des clubs de sport près de chez moi et même le catalogue Décathlon pour m’acheter de nouvelles tennis. Mais je ne franchis jamais le cap. Promis, demain, je m’y mets (ou pas). Je parie sur le fait que d’avoir le choix me fera aimer ce que je ferai.
Les Commentaires
Ah nan je rajoute la natation. J'en ai pas eu depuis la 6eme, donc à cette époque ça allait encore, mais l'année prochaine je vais sûrement avoir et là entre le fait que je sais toujours pas plonger (et je me prends de beaux plats à chaque essai TT", le fait de devoir s'epiler tout le temps et simplement montrer son corps aux autres...Rah j'ai pas envie >____< !