Tirer la chaise de Madame pour qu’elle s’assoie, l’aider à ôter sa veste, ouvrir la porte devant elle ou régler l’addition ont longtemps été considérés comme des gestes charmants, signes naturels de courtoisie et d’intérêt.
Aujourd’hui, cette prétendue galanterie est davantage regardée sous le prisme du sexisme bienveillant, un concept défini ainsi dans la revue L’année psychologique :
« C’est une attitude sexiste plus implicite, teintée de chevalerie, qui a une apparence anodine […]. Néanmoins, en suggérant l’idée que les femmes sont fragiles et qu’elles ont besoin de la protection des hommes, le sexisme bienveillant suggère également qu’elles sont inférieures et moins capables qu’eux. »
Marie Sarlet et Benoit Dardenne, chercheurs en psychologie sociale à l’Université de Liège (Belgique)
Des gestes pas si inoffensifs que ça, donc et qui sont de plus en plus décriés par les militants et militantes féministes. Malgré ce rejet grandissant des normes liées à la séduction et aux rôles de genre, une récente étude menée par l’Ifop pour la plateforme Love Advisor, montre toutefois l’attachement des Françaises à ces attentions dans les rapports hétérosexuels.
Une « séduction à la française » ?
D’après l’étude en question, les Françaises en relations hétérosexuelles seraient une écrasante majorité (90%) à préférer que l’homme fasse le premier pas. Et cela ne s’arrête pas là, elles seraient 66% à trouver normal qu’un homme leur tienne la porte lorsqu’elles entrent dans une pièce et 51% à considérer que c’est à l’homme de passer à la caisse lors du premier date.
Les femmes interrogées évoquent la timidité, le manque de confiance en soi, la peur d’être rejetée et la crainte d’être perçue comme « une fille facile » pour justifier leur attachement à ces formes de galanterie et leur réticence à prendre les devants. Preuve, s’il en fallait encore une, que les rôles de genre affectent non seulement la confiance des femmes, mais renforcent aussi des concepts sexistes comme le slut shaming.
Face à ces résultats, Louise Jussian, chargée d’études à l’Ifop, fait le constat « d’une société encore largement émaillée par un sexisme bienveillant ». Car même si les lignes tendent à bouger, les règles de séduction sexistes restent encore fermement fixées dans l’imaginaire des Français et des Françaises.
Les rapports hétérosexuels semblent encore fortement guidés par le spectre d’une prétendue « séduction à la française » incarnée par la galanterie et des représentations datées de la femme impuissante à qui il faut sans cesse porter assistance.
La jeune génération prend les rênes
Tout espoir de voir ces normes disparaître n’est pas perdu. L’étude pointe des différences d’opinions notables sur le sujet en fonction de l’âge, du degré de confiance en soi et du milieu socio-professionnel des personnes interrogées.
Boostées par une vague d’empowerment, les femmes de moins de 30 ans s’affranchissent doucement des normes insidieuses que suivent encore « leurs aînées ». Louise Jussian souligne :
« À l’ère post #MeToo, une friction émerge entre une adhésion persistante aux règles désuètes de galanterie et les signes encourageants d’une prise en main féminine »
Les moins de 30 ans seraient 56% à trouver normal que le femme règle l’addition lors d’un premier rendez-vous (contre 47% des femmes de plus de 50 ans) et seraient 77%, soit 7 points de plus par rapport à une précédente étude de 1994, à trouver normal qu’une femme prenne l’initiative d’un rendez-vous amoureux.
Voir une femme faire le premier pas semble donc être de plus en plus accepté, surtout chez la jeune génération. « À la pointe de cette vague d’empowerment féminin, les trentenaires, les femmes ayant le plus confiance en elles ou les plus féministes semblent porter un nouvel idéal de séduction plus égalitaire », conclut l’étude. Il y a de l’espoir !
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Crédit photo : Katerine Holmes (Pexels)
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