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Santé

Le sexisme à l’hôpital ne maltraite pas que les patientes : 85% des femmes médecins se sont déjà senties discriminées

Malmenées, reléguées loin des postes à responsabilité, les femmes médecins déplorent les difficultés de leurs conditions de travail. Pire encore : au sein de l’hôpital public les comportements sexistes sont omniprésents.

85% des femmes médecins déclarent s’être senties discriminées du fait de leur genre au cours de leur parcours professionnel et 8 doctoresses sur 10 avouent avoir déjà été victimes de comportements sexistes. Ces chiffres, dévoilés le 6 avril par le baromètre Ipsos pour Janssen France et l’association Donner des ELLES à la Santé, prouvent une nouvelle fois qu’au sein de l’hôpital français, les femmes se heurtent encore et toujours au plafond de verre. 

Au coeur du milieu hospitalier, ce phénomène de discrimination envers les femmes apparait dès leurs premiers pas dans leur carrière et n’a apparemment aucune fin : 37% des femmes médecins sondées confient avoir été discriminées durant leurs trois premières années d’études et parfois même jusqu’à l’internat.

Plus que jamais, le soutien aux jeunes femmes médecins s’impose telle une urgence

Le plafond de verre reste solide à l’hôpital

Selon le Centre National de Gestion des Praticiens Hospitaliers, en 2021, les femmes représentaient plus de la moitié des effectifs de praticiens hospitaliers à temps plein, mais n’occupaient qu’environ 30% des postes de chefs de service.

Les nouvelles conclusions révélées par le baromètre Ipsos donnent quelques pistes d’explication à cette absence de femmes aux postes à responsabilité : 40% des sondées affirment qu’on leur a assuré qu’elles manquaient d’ambition pour prétendre à ces places, et 36% se sont entendu dire qu’elles avaient moins de capacités que les hommes. 

Les stéréotypes de genre demeurent toujours fortement ancrés chez la gent masculine dans le milieu hospitalier : 63% des hommes médecins pensent que l’on exagère les inégalités entre les sexes. Mais le phénomène est préoccupant… Ces stéréotypes sont même partagés par certaines femmes médecins

L’omerta règne encore sur les violences sexuelles

Discrimination, sexisme et préjugés sont liés comme nous le confirme Géraldine Pignot, présidente de l’association Donner des ELLES à la santé et chirurgienne-urologue à l’institut Paoli-Calmettes à Marseille. Interrogée par Madmoizelle, elle constate :

« Les stéréotypes de genre sont accentués par les comportements sexistes qui restent très présents à l’hôpital, puisque 80% des femmes médecins ont déjà été victimes de comportements sexistes, voire d’attouchements pour 33% d’entre elles. »

Et ces situations n’échappent pas à leurs confrères masculins. Un tiers des hommes médecins déclare avoir eu connaissance de situations d’agression sexuelle, sans pour autant réagir.

[Site web] Chiffres
© Madmoizelle

Géraldine Pignot souligne une « omerta au sein de l’Hôpital malgré la libération de la parole suite aux différents mouvements sociaux récents. » Seules 16% des femmes concernées par des comportements sexistes ont osé en parler. « Ceci a forcément un impact sur les mécanismes d’autocensure et de dévalorisation des femmes », assène la présidente de l’association Donner des ELLES à la santé. 

Burn-out, pénurie d’effectifs… Bientôt un exode des soignantes vers le privé ? 

Ce n’est malheureusement pas sans conséquence. 80% des femmes médecins sont désormais convaincues qu’il « est plus difficile pour une femme que pour un homme d’avoir une carrière réussie à l’Hôpital, car elle doit accepter de sacrifier sa vie de famille. » 

Près d’un médecin sur deux, et principalement les femmes avec enfants, ne désire pas avoir plus de responsabilités. 49% d’entre eux, là encore davantage les femmes, révèlent avoir envisagé de démissionner de leurs fonctions hospitalières. 

Le Ségur de la Santé, consultation nationale des acteurs du système de soin français portée par Emmanuel Macron en 2020, paraît n’avoir rien amélioré sur la précarité des conditions de travail actuelles au sein du milieu hospitalier français.

Tous genres confondus, seuls 23% des médecins se disent totalement satisfaits de leur situation. Après deux ans de pandémie de Covid-19, qui ont épuisé les personnels soignants, déjà au bord du burn-out et en pénurie d’effectifs, les risques d’exode des médecins loin de l’Hôpital public français sont à craindre. 

[Site web] Chiffres
© Madmoizelle

Ces dernières années, le combat pour la parité est devenu un chantier prioritaire dans le milieu de la santé.

« L’engagement est pour moi un élément fort car on voit très bien que l’implication de toutes les parties prenantes est la clé de la réussite. Lorsque direction hospitalière, faculté de médecine et décideurs locaux sont unis pour agir contre ces inégalités, ça marche », assure Mme Pignot tout en détaillant les actions de l’association Donner des ELLES à la santé. 

La structure, créée en juillet 2020, propose entre autres d’accompagner les établissements dans la mise en place d’une démarche pro-égalité, grâce à la signature d’une Charte d’engagement et l’instauration d’une réflexion autour des indicateurs à suivre ainsi que des outils à mettre en place au coeur de chaque structure hospitalière. 

La loi pour l’égalité à l’hôpital c’est bien, la respecter c’est mieux

D’autant plus que si on se penche sur les textes de loi, les hôpitaux n’ont en réalité plus le choix ! Selon la loi n°2019-828 du 6 août 2019, il est désormais obligatoire de mettre en place des plans d’action pluriannuels relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. 

En cas de manquement des hôpitaux, les agences régionales de santé peuvent imposer une pénalité de 1% de la rémunération brute annuelle globale de l’ensemble des personnels de l’employeur public concerné. Une addition salée, qui ne motive pas pour autant les administrations hospitalières… Seulement 30 à 40% des hôpitaux en France se sont dotés de référents sur cette question de la parité. 

Bien entendu, la pandémie du Covid-19 est passée par là et durant près de deux ans, la priorité n’était pas aux plans d’actions dédiées à l’égalité professionnelle. « Il faut une mobilisation maintenant que la crise s’atténue pour mettre en oeuvre ce texte de loi, revendique Géraldine Pignot. Et d’ajouter :

« La féminisation des postes à responsabilité est un des facteurs d’amélioration du bien-être professionnel et managérial et peut s’intégrer dans une stratégie d’attractivité d’un établissement. »

Une démarche pour l’égalité qui ne semble plus pouvoir être aujourd’hui ignorée. À bon entendeur.

À lire aussi : Une pénurie de lait maternel inquiète les hôpitaux : et si vous donniez le vôtre ?

Image en Une : SJ Objio – Unsplash


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Les Commentaires

8
Avatar de Guerriere-75
11 avril 2022 à 10h04
Guerriere-75
@Celewiel
Merci beaucoup pour ton témoignage ça pas du être facile pour toi
0
Voir les 8 commentaires

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