Cette semaine, le podcast hebdomadaire Le seul avis qui compte, dans lequel Kalindi chronique sa mauvaise humeur ciné ou séries, parle du programme And Just Like That... L’article ci-dessous est une retranscription du podcast.
Quand j’avais genre 10 ans, je croyais que devenir journaliste me permettrait d’avoir un T4 avec vue sur Times Square et d’aller chez Carrefour en Manolo Blahnik.
La faute à cette grosse menteuse de Carrie Bradshaw qui m’a honteusement fait croire qu’écrire des articles me rendrait riche, célèbre et propriétaire. La vérité, c’est qu’aujourd’hui je suis à découvert et que je fais mes courses en claquettes Arena, comme tout le monde.
Eh oui, telle une vulgaire bleusaille, j’ai été flouée par Sex and the City, à qui je demanderais bien de me filer des robes Giambatista Valli en guise de dédommagement pour sa publicité mensongère.
Sex and the City et les bons souvenirs
Mais bon, si je mets de côté ma déception de n’être toujours pas payée 10 000$ un article, j’ai des bons souvenirs avec cette série des années 2000.
Des restes de samedi soir à la regarder en cachette chez mes copines, quand leurs parents ronflaient, pour voir des meufs riches pratiquer la brouette javanaise avec des Smith, des John, des Burger et parader dans New York avec un minimum de tissu mais un maximum de diams.
Évidemment j’avais envie d’être comme elles : libre, belle, pleine de fric, de copines et de margaritas.
Oui mais voilà, j’ai plus 10 ans depuis deux fois 10 ans (ouch). Alors aujourd’hui, ma lecture de Sex and the City a un poil changé.
Difficile maintenant de passer à côté du fait que Carrie, qui me semblait être l’incarnation même de la liberté, vit sous le joug d’un homme toxique, un vrai trou de balle égocentrique (et vieux), que tout le casting a la blancheur extra white de mon dentifrice email diamant, bref, que le féminisme d’hier n’est plus celui d’aujourd’hui.
Et ça n’est pas grave : à son époque, Sex and the City a révolutionné son monde, à sa manière, en osant faire parler des meufs de cul, en montrant des meufs qui menaient leur carrière avec maestria, qui étaient célibataires à 30 ans passés et refusaient catégoriquement, pour certaines en tout cas, d’avoir des mômes.
Et s’il y a eu des erreurs dans la série HBO, laissons-les au passé, car Sex and the City,, c’est fini.
Sex and the City revient dans une suite
Ah non pardon, au temps pour moi ! Comme il est de bon ton de déterrer des vieilleries pour étirer leurs concepts tel un chewing gum goût Tutti Frutti, Sex and the City, est de retour, 11 ans après sa dernière tentative de come back — dans ce qui était, rappelez-vous, un film laid, raciste et globalement bête à manger du foin.
Cette fois-ci, la série ressuscite mais son titre a changé. Son casting reste par ailleurs à peu près le même. Désormais, ça s’appelle And Just Like That… un titre tout à fait obscur pour qui n’a pas vu le premier épisode.
On y retrouve Carrie bien sûr, mais aussi Charlotte et Miranda. Samantha, jouée par Kim Cattrall, a passé son tour, non pas parce qu’elle a trop de taf, non pas non plus parce qu’elle a décidé de raccrocher avec Hollywood, mais tout simplement parce qu’elle ne pouvait plus encadrer Sarah Jessica Parker, à qui elle ferait volontiers une pichenette.
Je vais pas vous mentir : quand on m’a annoncé que Darren Star productions remettait le couvert avec une série qu’on pensait tous morte et enterrée, j’ai gémi pendant 4 heures non stop, j’ai pleuré un peu, j’ai cassé une dizaine d’assiettes et piétiné mes vêtements. Quand on dit que c’est fini, c’est fini ok ?
Sinon pourquoi Jarmite, le hamster que j’ai eu en 3è, est toujours enterré sous les tulipes du jardin de ma mère ?
Bref, j’ai quand même couvert toutes les actualités relatives à cette suite, parce qu’aucune fantaisie hollywoodienne ne peut atteindre ma rigueur professionnelle.
Et bien sûr, j’ai regardé les deux premiers épisodes de And Just Like That… disponibles en France sur Salto depuis le 9 décembre.
Un départ gênant
Laissez-moi donc vous dire que le début est malaisant à souhait. Il s’ouvre sur Carrie, Charlotte et Miranda qui se retrouvent dans restaurant chicos, puisqu’elles sont évidemment toujours trop riches pour simplement se faire réchauffer une pastabox comme le commun des mortels.
Désormais, finis les crop top à strass et les chapeaux de country : nos héroïnes ont passé la cinquantaine, et ont troqué leurs looks de cow girls contre des tenues de girl boss, enrubannées de diamants et de soie. Leur âge est au cœur du programme et chacune se préoccupe du sien à sa manière. Ou de celui des autres d’ailleurs.
Charlotte par exemple, en bonne relou devant l’éternel, critique la nouvelle coiffure poivre et sel de Miranda, qu’elle trouve hideuse et vieillotte.
Carrie de son côté n’a que faire des signes extérieurs de vieillissement, du moment qu’elle reste dans le coup. Ainsi, elle nous case fissa qu’elle est ultra-active sur Instagram où elle poste des looks d’inconnus stylés, et qu’elle s’illustre dans un podcast sur le sexe.
Arrête ton char Carrie, on sait très bien que t’écoutes Les Grosses têtes.
En quelques minutes, la série essaie maladroitement de raccrocher ses héroïnes au wagon de leur époque, ce qui les fait finalement passer pour des boomeuses et souffle un vent de cringe sur les téléspectateurs de moins de 55 ans.
Aussi, elles se débattent comme elles peuvent avec le personnage de Samantha, dont l’absence est justifiée à la va-vite, et sonne faux quand on a suivi les coulisses de la fiction.
Heureusement, et parce qu’il aurait été sacrificiel d’écrire cette nouvelle saison sur un coin de table entre la poire et le dessert, And Just Like That… prend une autre ampleur dans sa seconde partie, prouvant le talent de ses auteurs à rester dans le game.
And Just Like That…, une bonne surprise
Cette suite démontre notamment à quel point il est facile de se sentir larguée dans une ère en renouvellement cellulaire profond, une ère en mutation où il convient d’enfin considérer l’altérité, une ère où l’on peut vite mal dire en essayant de bien faire.
Ainsi, Carrie se retrouve à l’ouest lors d’un enregistrement de podcast sur « le rôle des genres et les roulés à la cannelle » où elle est recrutée pour parler de sa sexualité, et surtout de masturbation en tant que femme blanche cisgenre, et reste comme une poule devant un couteau face à une question de sa collègue.
Miranda de son côté, se prend les pieds en voulant parler de la coiffure de sa prof de droit racisée.
Plutôt que de cocher toutes les cases du programme woke par opportunisme, And Just Like That… a l’intelligence de questionner non pas l’époque, mais la manière de s’y adapter quand on est né dans les années 60.
Le plus intéressant reste toutefois, ne vous inquiétez pas je ne vais pas vous spoiler, le drame qui survient à la fin du premier épisode.
Un drame qui prend la forme d’une robe noire, d’un voile sur les yeux, et d’une vie désormais privée d’amour, un drame qui précipite la série dans une nouvelle dimension.
Avec férocité et un humour toujours coriace, And Just Like That… m’a fait reconsidérer ma haine pour l’exercice du reboot, et m’a même fait fermer mon clapet.
Et étonnamment, eh ben c’est pas si désagréable…
Le seul avis qui compte est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Kalindi Ramphul. Réalisation et édition : Mathis Grosos. Rédaction en chef : Mymy Haegel. Direction de la rédaction : Mélanie Wanga. Direction générale : Marine Normand.
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