C’était un combat perdu d’avance mais le symbole était là… Le 11 mai 2022, les sénateurs démocrates étatsuniens ont échoué à faire adopter un projet de loi visant à inscrire dans la loi fédérale l’accès des femmes à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), faute d’avoir les 60 voix sur 100 nécessaires.
L’ultime projet de loi des Démocrates pour garantir l’IVG
« Pour la première fois en 50 ans, une majorité conservatrice, une majorité extrême de la Cour suprême est sur le point de décréter que les femmes n’ont pas le contrôle sur leur propre corps. C’est l’un des votes les plus importants [au Sénat] depuis des décennies »
Ces mots, empreints de gravité, relayés par ABC News, ont été prononcés, telle une prémonition, par le chef de file des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, quelques instants avant le vote. En vain.
Dans le camp adverse, les républicains n’ont formé qu’un seul bloc pour rejeter ce projet de loi. Par la voix de leur leader, Mitch MacConnell, ils se sont tous opposés à ces « avortements à la demande », observe ABC News.
Rebondissement à la chambre haute : le démocrate Joe Manchin a fait figure de traître en votant au côté de l’opposition républicaine. Ce n’est pas la première fois que le sénateur entrave plusieurs grands chantiers de Joe Biden. Il est le seul démocrate à s’être dressé contre le plan de réformes sociales Build Back Better (« reconstruire en mieux ») du président des États-Unis, en décembre 2021, bloquant ainsi sa possible adoption.
Un vote tenu dans un climat particulier
Selon le Wall Street Journal, le vote s’est déroulé dans un climat très tendu au cœur de la chambre haute :
« Des dizaines de démocrates de la Chambre des représentants ont marché jusqu’au Sénat en scandant ‘mon corps, ma décision’. Le complexe du Capitole était entouré d’une clôture de fortune composée de porte-vélos, et on pouvait entendre les cris des manifestants devant la Cour suprême voisine. »
En organisant ce vote, les démocrates espéraient « envoyer un message fort », d’après le Los Angeles Times. Leur stratagème était de sensibiliser les électeurs sur le sujet à l’approche des élections de mi-mandat en novembre prochain, au moment même où la Cour suprême envisage de renverser sa jurisprudence Roe v. Wade qui autorise depuis 1973, le droit à l’avortement aux États-Unis, comme le constate le Washington Post.
Une stratégie des démocrates en vue des élections de mi-mandat ?
Pour le New York Times, il s’agirait d’une stratégie de communication de la part des démocrates. Le grand quotidien constate que les sondages récents assurent qu’une solide majorité d’électeurs étatsuniens est en faveur du droit à l’avortement :
« Les démocrates étaient en passe de terminer la journée avec le titre qu’ils voulaient que les électeurs lisent : que les républicains avaient bloqué leur effort pour sauvegarder l’accès à l’avortement. »
Pour le sénateur républicain Mitch McConnell, dans une séquence retransmise par ABC News, le projet de loi proposé, le 11 mai, allaient « largement au-delà [de l’inscription dans la loi fédérale] du statu quo », et qu’elle aurait fait « reculer de nombreuses lois existantes ».
Cette observation semble être partagé par le New York Times :
« La loi sur la protection de la santé des femmes aurait protégé l’accès à l’avortement dans tout le pays, allant bien au-delà de la simple codification de Roe v. Wade. Elle aurait explicitement interdit une longue liste de restrictions à l’avortement, dont certaines ont été adoptées par les États depuis la décision Roe et ont fortement limité l’accès à la procédure. »
Multiplication des rassemblements pro-choix partout aux États-Unis
Dans un communiqué relayé par le Washington Post, Alexis MacGill Johnson, présidente du groupe Planned Parenthood, à la tête de nombreuses cliniques pratiquant des avortements dans tout le pays, assure que la lutte pour le droit à l’avortement est à « un point de bascule ».
Alexis MacGill assure qu’ils lanceront une campagne nationale de mobilisation des électeurs, qui débutera par de multiples rassemblements , le 14 mai dans plus d’une dizaines de villes étatsuniennes, dont Washington, New York, Chicago et Los Angeles : « Nous ne reculerons pas », alerte-t-elle.
Depuis la fuite dans la presse, le 2 mai dernier, d’un projet de décision de la Cour suprême, qui s’apprêterait à annuler l’accès à l’IVG, des groupes de manifestants se rendent tous les soirs devant le temple étatsunien du droit, pour crier leur colère. Certains manifestants vont même jusqu’à protester sous les fenêtres de domicile de juges conservateurs de la Cour.
Un échec en perspective pour les démocrates à l’horizon des élections de mi-mandat ?
Malgré la multiplication des rassemblements pro-choix qui s’intensifient, pour le Washington Post, l’avenir du droit à l’avortement s’annonce tout de même de mauvais augures. Notamment à cause des démocrates qui peinent à s’unir autour de la même stratégies :
« Les prises de parole publiques des législateurs ont révélé des points de vue divergents […], notamment lorsqu’il s’agit de savoir s’il faut organiser des votes sur des projets de loi plus étroits qui ne protégeraient qu’une partie des droits garantis par [la jurisprudence] Roe […], mais qui pourraient servir à mettre en évidence de façon plus nette la profondeur de l’opposition républicaine à l’accès à l’avortement. »
Le président des États-Unis, Joe Biden, a annoncé qu’il s’impliquera personnellement dans ce combat de préservation du droit à l’IVG et a appelé les Étatsuniens à « choisir des candidats favorables » à ce droit primordiale pour les femmes lors des élections législatives de mi-mandat, le 8 novembre prochain.
La partie s’annonce périlleuse pour Joe Biden : il est probable que les démocrates perdent leur mince majorité au Congrès lors de ce scrutin. Et ils n’auront plus aucune possibilité de faire passer cette loi fédérale garantissant l’accès à l’avortement. Ce sera quitte ou double.
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Image en Une : © Gayatri Malhotra – Unsplash
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