58,54% pour Emmanuel Macron, face à 41,46% pour Marine Le Pen. C’est donc sur ce score que s’achève l’élection présidentielle de 2022… et donc, il faut bien le noter, sur un écart largement moins important que celle de 2017.
Il y a cinq ans, le candidat LREM l’emportait avec 66,06% des voix, comptant non sur un vote d’adhésion mais bien sur le front républicain pour faire barrage à Marine Le Pen — ce « front républicain » qu’il a depuis copieusement nié pendant l’entre-deux-tours, dans une séquence pour le moins fascinante.
Et pourtant, en France, ils et elles sont 42% à avoir glissé ce 24 avril un bulletin Macron dans l’urne avec pour seule motivation de faire barrage à Marine Le Pen.
Marine Le Pen perdante, mais gagnante quand même
S’il est toujours devant la candidate du Rassemblement national à l’issue de ce deuxième tour et si l’avance est toujours confortable, il semble bien difficile pour Emmanuel Macron de s’enorgueillir de cette performance.
Il y a cinq ans, le parti d’extrême-droite se faisait devancer en comptabilisant un peu plus de 10 millions de voix. Aujourd’hui, 13,2 millions de Françaises et de Français ont voté pour le RN. Un score jamais atteint auparavant et une progression que rien n’a réussi à endiguer en vingt ans.
D’ailleurs, si 2002 avait été le théâtre de manifestations d’ampleur contre le Front national mené par Le Pen père, vingt ans plus tard, l’arrivée du même parti – qui a eu le temps de se rendre « présentable » en surface – ne suscite plus la même indignation, ni la même colère, comme si l’on s’était habitué à sa présence.
Il est clair qu’aujourd’hui que les idées de l’extrême-droite ont infusé dans la société, au-delà du parti de Marine Le Pen, et que la dédiabolisation du RN a allégrement fonctionné. La candidate a perdu, mais elle a quand même gagné, quelque part, la preuve de sa progression et de celle de ces idées dans les esprits français.
Qui a voté quoi au second tour ?
C’est dans la tranche d’âge des 25-34 ans, mais aussi des 50-59 ans que l’écart entre les deux candidats est le plus serré : à 51% pour Emmanuel Macron contre 49% pour Marine Le Pen.
Chez les primo-votants qui se sont déplacés aux urnes hier — les 18-24 ans, soit une classe d’âge acquise à Jean-Luc Mélenchon au premier tour (à 31%), on a donné sa voix au président sortant à 61%.
Cela signifie-t-il que la perspective de l’arrivée de Marine Le Pen au pouvoir constitue encore une ligne rouge pour les jeunes générations qui ont pourtant pu être lassées de la polarisation historique gauche-droite et des partis traditionnels, voire même séduits par la nouvelle vitrine du parti d’extrême-droite ? Pas si sûr : impossible d’occulter le fait que 41% des 18-24 ans n’ont tout simplement pas voté hier.
Cette incontournable abstention
Si l’on prend le temps d’observer les voix sur l’ensemble des personnes inscrites sur les listes électorales en France, soit 48,7 millions, seulement 35 millions se sont déplacées aux urnes ce dimanche 24 avril.
C’est donc déjà un vote marqué par une abstention massive pour un second tour — 28%, soit 2 points et demi de plus qu’en 2017. On n’avait pas vu ça depuis 1969.
En regardant les résultats officiels de cette élection ; en prenant en compte l’abstention, les votes nuls, et les votes blancs, la victoire d’Emmanuel Macron parait largement moins éclatante : il comptabilise alors 38,52% des voix sur l’ensemble des inscrits, tandis que Marine Le Pen parvient à rassembler donc 27,28% des voix.
Cela donne tout de suite une autre perspective sur ce second tour…
Pour l’heure, la reconnaissance du vote blanc n’est toujours pas à l’ordre du jour, celui-ci étant effectivement compté lors du dépouillement, mais n’est pas retenu dans les suffrages exprimés.
On prend le même et on recommence
Avec une abstention qui crève le plafond, marquée par la colère et la désillusion, et un barrage à l’extrême-droite dont on se dit à chaque fois avec effroi « c’est la dernière fois que ça marche, à la prochaine, on va se la prendre »… cette soirée électorale manquait clairement de panache pour Emmanuel Macron.
Au soir de la réélection de ce président sortant, celui de la crise de Gilets jaunes, celui de la loi Sécurité globale, celui du scandale Benalla, des images de CRS en train de charger la foule place de la République se croisent avec celles de la liesse sur le Champ de Mars.
Le lendemain de la victoire, son ministre de l’Économie Bruno Le Maire affirme ne pas exclure l’usage du 49.3 pour la réforme des retraites, soit un passage en force pour ce point de tension particulièrement explosif.
Comme des signes qui augurent finalement bien peu de changement et bien peu d’apaisement pour ce nouveau quinquennat.
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