Article publié le 10 février 2021
Porté depuis des décennies, le mulet connaît un vrai regain de visibilité ces derniers temps. Plus qu’une tendance capillaire quelconque, celles et ceux qui le portent revendiquent souvent une beauté non-conventionnelle et résolument queer !
Le mulet sur tous les fronts
Il faut dire que le mulet a ses égéries pop, de Rihanna à Miley Cyrus, en passant par Christine and The Queens et plus récemment Namjoon, membre du groupe de K-pop BTS, qui l’a osé en gris. On retrouve, dans la même idée, pas moins de 753 000 photos sur Instagram sous le hashtag #mullet — qui avoisine, sur TikTok cette fois, les 1,6 milliard de vues.
Voir cette publication sur Instagram
En 2021, c’est court devant et long derrière donc, mais pas seulement ! Pour celles et ceux qui l’arborent, le mulet est avant tout une façon de s’imposer.
La coupe mulet ou la provocation en étendard
« Je me suis fait un mulet en mars dernier parce que les gens trouvent ça moche en général — tantôt beauf, tantôt “pire coupe au monde” selon les médias », raconte Eliot, jeune artiste de 18 ans du Val-d’Oise, avant d’ajouter : « je voulais aller à l’encontre des normes sociétales qui ne veulent pas d’une personne qui se rase les côtés de la tête. »
Son mulet, Eliot a même dû se le faire en solo, après plusieurs refus de salons de coiffure de sa ville. C’est dire à quel point les tensions sont fortes lorsqu’il s’agit de casser les codes, même en matière de cheveux !
Voir cette publication sur Instagram
Quant à Jade, make-up artiste de 23 ans basée à Paris, ses motivations étaient les mêmes.
« Je porte le mulet depuis deux ans maintenant et j’y voyais au départ un grand fuck à celles et ceux qui étaient plus contrariés que moi de me voir “m’enlaidir”. Il y a aussi une dimension familiale, avec les attentes un peu trop superficielles d’une mère quant au physique de sa fille, que j’ai adoré narguer. »
La coupe mulet, bouleversement des genres
Provoquer les autres, et au passage, se débarrasser d’un carcan : le genre. Ni l’un, ni l’autre, le mulet est plus fluide ou neutre pour certaines personnes, totalement queer pour d’autres.
La coupe mulet est de mèche avec la culture lesbienne des années 80 : à l’époque, porter un mulet c’était s’exprimer, sans avoir à ne rien dire, sur son identité sexuelle. Une sorte de signe de reconnaissance, d’appartenance, de code secret, qu’Ellen Degeneres — célèbre animatrice américaine ouvertement lesbienne — affichait en 1987 sur le plateau de l’émission The Tonight Show.
Voir cette publication sur Instagram
Le lesbian mullet
a même sa définition dans le dictionnaire participatif anglophone Urban Dictionary : « variante du mulet classique, plus court et généralement porté par les lesbiennes aux États-Unis. Cette coiffure est une aubaine pour celles et ceux qui manquent de gaydar », peut-on y lire ! (« Gaydar », pour radar à homosexualité, dans le jargon.)
Aujourd’hui, c’est toute la communauté LGBTQ+ ainsi que ses alliés et alliées qui s’emparent du mulet et l’arborent fièrement. À la télé, il est arboré par Crystal Methyd, fabuleuse drag queen de RuPaul’s Drag Race saison 12. Au cinéma, il est porté et reporté par Kristen Stewart. Et dernièrement, le chanteur Troye Sivan en a même fait l’ADN de son compte Instagram !
Voir cette publication sur Instagram
Plus loin de la binarité de genre, plus près du mulet
En somme, on la voit un peu partout, cette coupe mulet : dans toutes les sphères, derrière nos écrans ou dans la rue. Et ce retour en grâce n’a rien d’anodin, il est soulevé par toute une génération : les millennials !
Nées entre 1980 et 2000, les personnes de cette génération se définissent de moins en moins par leur genre — en témoigne une récente étude menée par l’Ifop relayée par M6 à l’occasion du documentaire (discutable) Zone Interdite intitulé Ni fille, ni garçon : enquête sur un nouveau genre, diffusé le 10 janvier dernier.
On y apprend notamment qu’en France, 22% des 18-30 ans « ne se sentent ni homme, ni femme » mais se disent « neutres, genderfluid, a-genres ou non-binaires ». Dans le documentaire, Kami, que l’on suit dans son parcours vers une non-binarité assumée auprès de sa famille, porte d’ailleurs fièrement le mulet.
En plein questionnement sur son genre, Eliot aussi cherche un entre-deux qui se manifeste ainsi : court devant et sur les côtés, plus long derrière. Et quand on lui demande ce que son mulet représente à ses yeux, voici sa conclusion :
« Pour moi, c’est bien plus qu’une simple coupe de cheveux, j’y trouve surtout un mode de vie. »
Par ce rôle puissant, le mulet révèle autant sur une personnalité qu’il informe sur une identité, au-delà d’indicateurs cisgenres et hétéronormés. Et si son esthétique n’en finit pas de diviser, sur tous les fronts, le retour du mulet annonce la couleur : en 2021, il est temps d’en finir avec la binarité du genre comme avec les diktats de beauté !
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Mais oui ! Bon c'est un mulet relativement discret par rapport à d'autres, parce qu'il n'est ni très court devant ni très long derrière, mais on est bien en présence d'un mulet.