La saison légendaire. La finale légendaire. Le récap légendaire. Ils sont tous là.
Il y a eu Sophie Ellis Bextor.
Il y a eu les Las Ketchup.
Nous, nous avons Denis Brogniart.
Notre fierté nationale est de la partie pour enterrer cette saison parfaitement navrante. Quelque chose ne sentait pas bon dès la fin du tournage, les rumeurs étaient persistantes, et les dernières semaines — puis jours — n’en finissaient pas d’apporter leur lot de sucreries. Autant de bonbecs pour cette chronique.
Deliveroo, J’irai dormir chez vous, et maintenant Paul
L’actu télé verse dans l’improbable depuis le samedi 11 décembre. Dans les épisodes précédents : Deliveroo avec Téhé. Puis J’irai dormir chez vous avec le tiers du casting.
Samedi dernier, Le Figaro révèle que des photos ont été prises lors de ces fameux dîners clandestins (une expression chère à l’année 2021), à la demande d’un des candidats lui-même. La production « tombe des nues » et lance une enquête de voisinage, redoublant la questionnette avec le casting.
Branle-bas de combat chez ALP (la prod) : le jour J, tous les candidats sont convoqués à la Plaine Saint-Denis pour enregistrer le « live » du soir en urgence, un dispositif anti-incidents qu’on dégaine quand ça ne va vraiment pas du tout.
À la cool dans sa loge, Laurent fait une vidéo sponso pour des pompes. L’audio est intéressant — un Claude qui déroule des aveux, ou qui a au moins conscience du dosse, lui qui niait tout en bloc depuis le début…
Plus tard dans l’après-midi, Le Parisien, sans qui tous ces scoops n’auraient aucune base, sort un dernier papier qui n’en finit pas de me faire vriller d’hilarité : Satanas et Diabolo ont voulu faire la grève entre deux épreuves de confort et sorties bouffe. La production a cédé, et leur a filé des pains au chocolat. Vive la France.
ALP va-t-elle lancer une enquête pour déterminer le rôle de la production dans cette sombre affaire ? En tout cas, Le Figaro s’est senti menacé dans l’histoire et nous a rapporté son propre scoop : Laurent a fait caca dans l’eau avant une épreuve. Autour du monde, tous les candidats font ça, les anglo-saxons appellent ça un aquadump, mais par la force des choses un candidat se l’est probablement pris dans le coin de la truffe (#prioritéaudirect #actumédias).
Tous les sites spécialisés relient les points et il n’est plus trop difficile de lire l’avenir : le plateau final est réalisé en avance pour éviter d’éventuels débordements et annoncer qu’il n’y aura pas de vainqueur. Et s’il n’y a pas de vainqueur, c’est qu’un désigné tricheur a gagné, donc que l’hypothèse Claude ou Laurent est gagnante. Mais comme je le disais la semaine dernière, Laurent avait très peu de chances d’avoir le plus de votes.
Après ce billard mental à trois bandes, on peut donc en conclure qu’Ugo va perdre aux poteaux et que le pire des pires scénarios va se réaliser. Quand même, parfois, c’est chouette la télé, ça fait de belles histoires. (Non.)
L’épisode est un couloir de la mort particulièrement aseptisé où la seule chose qui nous fait tenir est la perspective de voir Denis engueuler le casting — ou du moins admettre la tricherie et appeler un chat un chat.
Pas d’inquiétude, dans Koh-Lanta comme à la ville, les déceptions sont toujours à tiroirs.
Laurent, Ugo et Claude s’apprêtent à monter sur les poteaux. C’est un festival de citations ironiques — Laurent est content « d’avoir à manger quand tu veux ». Denis vient à la rencontre du trio, fait tout pour tirer sur les cordes sensibles des candidats (ça ne marche pas sur Ugo, même le flegme est légendaire) et on répète le pedigree des candidats ad nauseam.
On répète le pedigree des candidats et let’s go les poteaux.
Satanas et Diabolo sont sur des poteaux
J’ai de nombreux griefs sur ce rituel gravé dans le marbre dès la seconde saison.
Déjà, je doute que la taille des plateaux soit proportionnelle aux panards des candidats, surtout dans une épreuve où la morphologie a une grande importance. Secundo, je ne suis pas friand des gros plans sur les dits panards. Et je ne souscris pas au concept d’avoir le même jeu à chaque fois, là où l’on pourrait varier des jeux d’endurance ou les labyrinthes à concept — les idées de poses statiques et inconfortables ne manquent pas.
Par contre, sachez-le, on a déjà exporté le concept une fois… puis on a repiqué la plate-forme qui rapetisse ! Souvenez-vous, pendant les premières saisons, les aventuriers tenaient littéralement sur un poteau à surface ronde, et s’aidaient de bâtonnets à retirer à l’avant et à l’arrière. Ça nous rajeunit pas.
Les Madmoizelettes et Madmoizellos qui approchent ou dépassent les 30 ans se souviennent sans doute des premières saisons, où les poteaux signifiaient un certain gravitas. Isabelle, Delphine et Moussa (saison 3) s’affrontaient dans une ambiance assez tendue ; l’année suivante, l’épreuve a sacrifié Raphaël, alors figure ultra-positive de la saison, mais son physique bedonnant a joué contre lui. Et j’ai toujours un souvenir nostalgique d’Émilie, FD et Sébastien (saison 6) qui, avant l’épreuve, débarquent comme des porcs sur la tombe de Roy Mata au Vanuatu, où l’on pouvait encore voir les traces des candidats américains !
Hélas, aucun suspense ce soir, et aucune implication du spectateur.
Top c’est parti. Les trois candidats glandent côte à côte, et même leurs couvre-chefs disent quelque chose sur eux. Laurent a pris un chapeau cinq fois trop grand. Ugo a une casquette fonctionnelle. Claude a sciemment évité la chose et le regrette. Il est le premier à tomber, mais comme toujours, tout se fait quand la troisième partie est enlevée.
Tout une saison de Koh-Lanta tient trop souvent sur cet instant de mort subite, où la personne qui a réussi à tenir une seconde de plus triomphe là où la plate-forme n’est pas exactement réduite au même instant. C’est parfois discutable, moins dans le cas présent : c’est un choke d’Ugo. Claude, rayonnant, sait qu’il a retrouvé ses thunes.
À la surprise de personne, Ugo n’est pas choisi par Laurent. « Koh Lanta c’est le partage […] on gagne des aventures humaines » se rassure le trio, probablement conscient que la saison n’est pas réglo.
On le redoutait depuis un bail, mais Claude et Laurent, maître ès convergence des soupçons de triche et de collusion, sont les finalistes du Koh-Lanta anniversaire.
Malaise en Malaisie à la Plaine Saint-Denis
Le conseil final relève du bad trip. Tout le monde est fatigué, robotique, il n’y a pas une once de sincérité nulle part. Accolades, compliments et platitudes sont au menu. Comme pour illustrer le reste de la saison, les cinq mêmes foutues personnes ont la parole… sans Téhé, livide et le regard fuyant – il ne passe clairement pas un bon moment.
Treize votes « pour » sont inscrits dans l’urne. Christelle, Clémence, Ugo, Téhé, Coumba, Alexandra, Phil, Sam et Clémentine plébiscitent Claude. Loïc, Namadia, Jade et Alix votent pour Laurent.
Disons-le franchement : sans les articles du Parisien, Claude aurait gagné Koh-Lanta dans des conditions lunairissimes.
Après cinquante créneaux de pubs où ont défilé 800 marques, « lunairissime » est justement ce qui qualifie le prime enregistré plus tôt dans l’après-midi, où le seum devient le deuxième bâtiment visible depuis l’espace. Les aventuriers défilent distraitement, flambeaux à la main, et sont tous assis dans le même groupe — on ne démarque pas les finalistes, on devine déjà qu’il n’y aura pas de dépouillement.
Même sans une ambiance à couper au couteau, ces prime sont proverbialement gênants, on le sait : Denis n’est pas très à l’aise avec le direct et les magnétos toujours plus assommants. Pour la quatrième fois, la tension est palpable et, hélas, Koh-Lanta persiste à vouloir blablater PUIS dévoiler le vainqueur, plutôt que l’inverse.
J’ai toujours été un peu offensé par cet état de fait : si j’ai suivi une saison, je ne vais pas zapper seconde 2 après l’annonce , je veux savoir ce que sont devenus les candidats et, mieux encore, je veux les entendre analyser la toute fin du jeu ! Hélas, ça ce serait faire un bon talk-show…
C’est un peu n’importe quoi, ce prime. Freddy, le grand seigneur, nous irradie de son sourire — après tout, une non-participation était sans doute la meilleure chose qui pouvait lui arriver pour échapper à ce merdier (le pauvre a quand même une opération de prévue). Coumba est absente car « souffrante », après avoir annoncé partout sur ses réseaux qu’elle hésitait à venir. Namadia a un tableau NFT pour Denis, et Loïc en a un sur son t-shirt.
On enchaîne des magnétos automatiques sans saveur, les candidats sont affreusement mal à l’aise et récitent des choses qui n’intéressent personne. On s’ennuie, Denis tease un dénouement inhabituel. Puis il prend la parole.
« Récemment, nous avons eu connaissance de manquement au code d’honneur qui figure dans le règlement du jeu […] plusieurs mois après les votes du jury final.
Nous avons enquêté et découvert qu’un petit groupe d’aventuriers n’avait pas respecté ce code d’honneur en parvenant à récupérer de la nourriture en dehors du cadre du jeu. Nous ne donnerons aucun nom, nous avons remis et fait constater par huissier ces éléments concordants qui constituent une atteinte à l’équité entre les concurrents et qui ont pu fausser le déroulement du jeu […] mais vous, vous avez sans doute votre gagnant de cœur dans ce Koh-Lanta. »
Le gagnant de Koh-Lanta est littéralement dans votre cœur. Car le gagnant de Koh-Lanta est le One Piece : ce sont les livreurs Deliveroo rencontrés sur le chemin.
Ambiance. Musique grave derrière Denis. Même au pied du mur, c’est à demi-mot. Le « code d’honneur » (entendre : « gna gna gna ») pour éviter le terme « triche ». Ne pas donner de noms alors qu’un vote ne concernant que deux personnes est en jeu — mais à l’instant T c’est une impasse sur de multiples niveaux, je le conçois.
Et surtout, « soyez gentils avec les candidats sur les réseaux sociaux ». Un message judicieux, mais qui tend à prouver que la production ne montre pas une grande acuité sur ce qui a conduit à son propre ratage…
Car Koh-Lanta : La Légende est un produit télévisuel raté, un embarras pour tout fan de bonne real–tv. C’est la pire saison de Koh-Lanta jamais faite et pas grand-chose ne prouve que les têtes pensantes derrière vont en tirer les bonnes conclusions.
C’est d’autant plus navrant pour un jeu qui a essuyé un mort, un suicide, un scandale d’attouchement sexuel, sans oublier les dix décès de Dropped.
Le jour venu du moratoire sur les bonnes pratiques à la télévision, ALP sera dans la ligne de mire : aucune des erreurs de Koh-Lanta : La Légende (bof) ne serait arrivée si la prod avait tenu un peu mieux ce casting. Ou, in extenso, avait casté les aventuriers différemment — donc accepté ce qu’est devenu Koh-Lanta : un jeu social et stratégique.
En cultivant cette dichotomie avec le jeu sportif, en insérant des twists à répétition sans accepter d’articuler ouvertement les deux, on larve des incidents de ce genre. Mais bon, Mymy a déjà écrit tout ça et je partage son point de vue, allez donc lire ses réflexions sur l’avenir de Koh-Lanta.
Pour le moment, ALP s’est simplement fendue d’un communiqué à l’énergie très « je suis fatigué, vous me fatiguez ».
Le mot commence à circuler chez les nerds du format autour du monde : cocorico, nous détenons le premier vainqueur annulé mondial. Il devrait y avoir quelques articles dans les tabloïds, dans quelques blogs et quelques mentions dans les podcasts spécialisés, mais c’est gravé dans la roche.
« Il n’en restera qu’un », assène Denis. Eh non.
Hey, je vous avais prévenues : les saisons All-Stars tournent souvent en tragédies grecques. Celle-ci a simplement fait très, très fort.
Avant de se quitter…
- Pas d’épreuve de repas dégueu, personne n’a mangé de balut dans cette saison. Denis n’a donc jamais dit « TOP POUR MANGER » de la saison. Un running-gag qui tomberait à plat si la moitié des candidats n’avaient pas pris le problème à bras-le-corps.
- Du coup, le vrai gagnant de la saison est le gus qui a gagné les foutus 2000 euros par mois. Mais faux direct oblige, on ne sait même pas s’il existe.
- Des problèmes d’argent ? N’hésitez pas à tenter les casting de jeux télé, les gains sont nets d’impôts en France !
- Merci d’avoir lu mes bêtises pendant ces quinze semaines de récaps. C’était un plaisir, malgré un matériau toujours plus improbable à commenter. Au moins, je n’aurai pas foiré mes prédictions… Et sachez-le, les vraies légendes, c’est : vous !
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Les Commentaires
Et j'ai une bonne nouvelle : je vous prépare un gros rab pour la semaine prochaine. Vous m'en direz des nouvelles.