« Hors de question, ça n’existe pas, ce n’est pas dans le dictionnaire ! »
Vous avez peut-être déjà entendu cette rengaine dès lors que vous – ou une autre personne – avez utilisé le pronom iel, ou son pluriel, afin de désigner une personne non-binaire, ou bien pour désigner un groupe de personnes sans devoir tout conjuguer au masculin.
Réjouissez-vous, le pronom « iel » – et son pluriel « iels » – a fait son entrée ni vu ni connu dans la version en ligne du Petit Robert en octobre dernier, avant d’être repéré cette semaine et partagé sur Twitter.
C’est donc un des arguments préférés de ceux et celles qui refusent son usage qui s’effondre :
Cette entrée nous rappelle bien une chose : la langue est vivante, et c’est avant tout son usage qui la modèle et la façonne.
Comme l’explique la directrice éditoriale du Petit Robert, Marie-Hélène Drivaud, auprès de Têtu, c’est parce qu’il y avait une demande sur ce mot que la maison d’édition a voulu répondre aux demandes des usagers, et ainsi se positionner du côté du progrès et de l’inclusion :
« On a relevé dans les statistiques que beaucoup de gens s’interrogeaient sur le mot “iel”, donc ça nous semblait normal de leur répondre ».
La linguiste Laélia Véron a réagi sur Twitter dans un thread passionnant sur la signification de cette évolution :
Pour l’instant, rien n’indique si « iel » sera dans la version papier du dictionnaire l’an prochain.
La sempiternelle indignation face à l’écriture inclusive
Il y a des mots qui passent crème, comme « truffade », qui a rejoint le Petit Robert cette année. Et puis il y en a d’autres pour qui c’est toujours un peu plus compliqué.
Comme le mot « racisé » qui a aussi fait son entrée il y a quelques mois dans le Petit Larousse Illustré, l’arrivée de « iel » est un signal fort… et qui suscite une levée de boucliers.
Sans grande surprise, même si on s’en serait bien passé, l’accusation en wokisme – ce mot fourre-tout qui ne désigne aucun réel courant de pensée structuré et qui est utilisé à tort et à travers pour décrédibiliser des positionnements progressistes – a le vent en poupe face à ce choix éditorial du Petit Robert.
Montrer son hostilité à l’écriture inclusive, la dénigrer ouvertement, clamer à qui veut l’entendre que « ça va trop loin », pousser des cris d’orfraie à chaque fois que des personnes minorisées obtiennent un minimum de respect… oui, on commence à avoir l’habitude.
C’est le député LREM François Jolivet qui a été un des premiers à dégainer son tweet indigné, lui qui semble avoir fait du combat contre l’écriture inclusive son cheval de bataille.
Une indignation aussitôt soutenue et partagée par un certain… Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale :
Vous aussi, vous seriez un peu inquiètes de voir un ministre ou un gouvernement décider de ce qui pourrait ou non être dit, qui validerait le sens et les usages des mots ?
Voir notre langue évoluer pour s’adapter aux parcours et aux vécus qui ne se retrouvent ni dans le masculin, ni dans le féminin, cela constituerait donc une menace pour une partie de la population.
Derrière ces tweets qui râlent et enragent de voir le mot « iel » gagner en légitimité et être validé par une institution comme Le Petit Robert – en attendant le feu vert de l’Académie française, mais soyons honnêtes et que François Jolivet se rassure, ce ne sera pas de notre vivant –, c’est malgré tout une visibilité pour les personnes non-binaires qui continue d’émerger à travers l’usage de ce pronom.
Et on préférera retenir cela, plutôt qu’une énième polémique sur un soi-disant danger pour notre langue française.
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Crédit photo : ArtHouse via Pexels
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Les Commentaires
J'ai fait passer vos façon d'interprêter / envisager la chose. L'intérêt pour les personnes qui créent le programme ce n'est pas de conjuguer chaque verbe avec il / elle / on / iel, juste de présenter ce pronom, au travers d'un personnage fictif, pour que les élèves intéressés / concernés puissent l'utiliser.
Ça ajoute des difficultés pour les accords et la prononciation, mais on peut imaginer que les élèves qui sont prêts à se taper ces soucis en rab' seront (1) bien content•es d'avoir découvert cette alternative (2) seront des champion•nes des accords en français après
Pour le reste je vais filer, j'avais ni l'intention ni le temps cette semaine de relancer un débat sur ce sujet