Petits, quand nous regardons nos parents, leurs amis, et de règle générale les adultes de notre entourage, certains clichés restent en mémoire comme « ce qu’un adulte fait », ne serait-ce que par opposition à toutes ces choses qu’un enfant ne peut pas faire. Pour certains, ce sera porter enfin un blouson en cuir, le même que celui que papa nous interdisait de toucher ; prendre le volant de sa première voiture ; la première cuite ; la première cigarette. Qu’importe ce que nous avons retenus enfant comme étant le propre des adultes, l’important sera de le transgresser un jour, et de passer le pas la première fois.
Je ne parle pas ici de la première cigarette pour impressionner ses amis, mais de celle qui aura été fumée en cachette, en s’étouffant à moitié, oscillant entre joie de la transgression, peur de se faire prendre, et vague appréhension de la culpabilité qui nous submergera si jamais on se fait attraper. Fumer cette cigarette ne nous rendra pas pour autant fumeur. D’ailleurs pour certains, cette seule expérience sera suffisante pour être dégoutés à vie du tabac. L’important n’est pas de savoir si c’est une cigarette, ou un verre d’alcool, ou encore piquer les clefs de la voiture de maman pour faire un tour du parking. Il s’agit encore moins d’impressionner qui que ce soit.
C’est de faire l’expérience de ce sentiment de limite franchie dont je parle. Cette ligne de non retour, qui, franchie la première fois, nous laisse adolescents, avec quelque chose de plus. On peut le ressentir à douze ans comme à quarante-cinq, je pense que personne ne peut devenir adulte sans avoir vécu cette appropriation de ce qu’enfant nous avions définis comme le propre des adultes.
Dans mon cas, il s’agissait du café.
Je n’ai jamais supporté le café, d’aussi loin que je me souvienne. J’adorais son odeur et sa couleur, mais son amertume le bannissait définitivement, du moins je le pensais, de mes boissons favorites. J’avais bien sur déjà bu du café, au lait, par nécessité, pour me réveiller le matin, me secouer un peu avant de retourner en cours, ou encore pour récupérer d’une journée difficile. J’avais cependant rapidement arrêté, d’abord parce que le goût même du café avait fini par ressortir derrière la demi-tasse de lait que j’y ajoutais, ensuite parce qu’ayant voulu persévérer malgré mon dégoût, j’avais fini par me rendre malade. J’ai offert le pot d’instantané à mon chéri, et j’ai écrit une longue lettre d’excuses à Elephant, Lipton et Twinnings, mes amours, m’excusant de mes infidélités, les suppliant de revenir dans ma vie malgré la façon dont j’avais traité mes derniers sachets de Darjeeling, lâchement laissé refroidir dans une tasse sans âme et vidé sans un remord dans l’évier. Le thé a réintégré mes mugs Disney et la vie a repris son cours.
Un jour, je me suis sentie prête. Cette fameuse impression qu’on ne peut comprendre qu’une fois l’avoir ressentie. Ce fameux « vas-y, lâche! » qu’on lance vaillament à ses parents quand on enlève les petites roues du vélo ou ses bouées la première fois. C’est ridicule et fantastique à la fois, de se sentir grandir parce qu’on a commandé une tasse de café noir, un double latte ou un expresso, qu’on l’a longuement touillée, pour bien faire fondre le sucre et le carré de chocolat noir et qu’enfin on l’a porté à ses lèvres sans cette grimace de dégoût qui caractérise la découverte d’un raisin sec dans son cookie (Garfield, si tu m’entends).
J’ai apprécié un café. J’ai commencé à découvrir les différentes préparations existantes, et commence à avoir mes préférences. Britney Spears l’a dit avant moi : je ne suis plus une enfant, mais pas encore une adulte. J’ai l’impression nette d’avoir tourné une page, et de commencer une nouvelle étape de ma vie. C’est guimauve, ridicule, et peut-être aussi très Bridget Jones (comment ça, déjà dit ?). Je vais avoir vingt ans, je suis heureuse, et le bisounours qui vient de s’emparer de mon corps hurle : je n’en ai strictement rien à carrer.
Et toi, c’était quoi ton premier pas dans ta vie d’adulte ?
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