Je n’approuve pas l’expression « perdre sa virginité » qui peut être perçue avec une connotation négative. Mais, ne trouvant pas de synonyme, je me suis résolue à l’utiliser telle quelle.
L’imaginaire collectif nous enseigne une représentation sexuelle unique de la perte de la virginité pour une femme cisgenre : lorsqu’un pénis déchire son hymen pour entrer dans son vagin, si possible, dans le cadre d’une relation amoureuse hétérosexuelle sérieuse. Pourtant, ce qu’on appelle la virginité est bien plus complexe. J’en suis un parfait exemple.
D’après tous ces mythes fort répandus, je pourrais bien considérer avoir eu 4 « premières fois ». Au point que ces expériences m’ont amenée à me demander si la première fois existait, tout simplement.
Août 2016, avec mon amour de vacances
Premier round. À la fin de l’été, avec mon amour de vacances, nous sommes dans un décor quelque peu magique. J’ai tout juste 18 ans, et il sait que je suis vierge. Quand nous décidons de passer à l’action, il est très doux, fait tout pour que ce moment soit l’un des plus beaux de ma vie (et ça l’est).
Cependant, lorsqu’il tente de me pénétrer, mon hymen ne se perce pas. Nous essayons différentes positions, nous attendons… rien à faire. Nous ne nous acharnons pas là-dessus, et passons tout de même une nuit formidable. Avec le recul, je sais que c’est ce que je considère comme ma « vraie » première fois, même si elle n’a pas impliqué de sexe pénétratif à proprement parler.
C’est suite à ça que j’ai commencé à m’interroger sur ce que c’est qu’être « vierge ». Anatomiquement parlant, j’étais toujours considérée comme telle et pourtant, je sentais que quelque chose avait changé pour moi, un peu comme quand, adolescente, j’avais eu mes règles pour la première fois. « Je suis une femme, maintenant ! ».
Mais pouvais-je réellement dire que je n’étais plus vierge ? Je n’en étais pas certaine.
Décembre 2016, chez le gynécologue
Je parle de ce problème à mon gynécologue, qui pose un diagnostic très clair : il va falloir m’opérer, car mon hymen est trop charnu pour se rompre seul. C’est rare, mais ça arrive, et il suffira d’une opération bégnine en ambulatoire pour tout régler.
Deux mois plus tard, c’est donc le deuxième round. Je perds mon hymen sur une table d’opération, endormie. Or, on dit bien aux femmes que l’hymen, c’est le sceau de la virginité. En accord avec ces clichés ancestraux, que vaut une prétendue virginité si elle n’est pas signifiée par un bout de peau ? Dès lors, d’un certain point de vue, je l’ai techniquement perdue ainsi…
Même si je ne pense pas cette opération comme ayant un quelconque rapport avec mon expérience sexuelle, le fait de ne plus avoir d’hymen a tout de même un peu changé la façon dont je percevais mon propre corps. Désormais, je savais qu’il n’y aurait plus de « barrière » physique si je désirais me lancer. Car entre fin août et l’opération, je m’étais à nouveau retrouvée bloquée lors de rapports sexuels avec certains partenaires, quand j’aurais voulu aller plus loin.
Février 2017, encore chez le gynécologue
Troisième round. Afin de vérifier que tout est en ordre après mon opération, mon gynécologue m’examine.
Pour cela, il introduit une sonde dans mon vagin pour faire une échographie, ce qui représente donc ma première pénétration. Car, puisqu’on résume souvent la sexualité à la pénétration (et donc la première fois à la première pénétration), certains et certaines pourront considérer qu’un instrument médical a pris les devants, et que je ne suis plus vraiment vierge. D’autant que cette manipulation a été pratiquée par un homme. Que l’imaginaire collectif en pense ce qu’il veut !
Mars 2017, une première fois plus vraie que les autres ?
Quatrième round. J’ai finalement un rapport sexuel pénétratif, pour la première fois. Le comble, pour ainsi dire, c’est que cet homme n’a jamais su que c’était ma première fois puisque je n’avais plus d’hymen. À mon sens, c’est très révélateur du fait que l’on réduise le tout à un bout de peau.
Pour moi, il était absolument hors de question de sacraliser cette première expérience. Je ne voulais pas attendre d’être amoureuse, de tomber sur « le bon ». Ayant toujours voulu être dans une logique épicurienne concernant mon rapport à mon corps, je souhaitais pouvoir vivre ma sexualité en m’amusant, dès le début, sans qu’on m’impose de passer par la case relation sérieuse. Je ne le regrette absolument pas !
Si vous vous posez la question, oui, ça a été une bonne expérience. Pas autant qu’en août, mais un moment sympa qui restera gravé.
Mais surtout, ce quatrième round a fait naître en moi deux impressions contraires. La première, et la plus évidente (et la plus conformiste) : celle de penser ma « première fois », celle qui définissait le début de ma vie sexuelle, c’est de toute évidence celle-là, nul besoin d’expliquer pourquoi.
La seconde, qui relève d’un sentiment plus intime et complexe : ma première fois, c’était en août, car c’est à ce moment que je me suis sentie véritablement changée, plus « grande », différente d’avant, même si elle ne s’accorde pas avec la conception traditionnelle.
Quatre premières fois, et beaucoup d’autres encore
Cette quadruple expérience m’a amenée à me questionner, et à en tirer quelques réflexions.
D’une part, que la virginité est un concept qui n’a pas vraiment de réalité physique : toutes ces expériences auraient pu être des premières fois (et l’ont été pour moi). Pourtant, on a du mal à la penser et à l’inculquer autrement que par une conception très, trop phallocentrée : comme si la sexualité commençait par la présence d’un pénis. Pourtant, bien des personnes n’en incluent pas dans leur vie sexuelle et ne sont pas vierges pour autant, c’est une évidence !
D’autre part, que notre définition de la première fois, et du sexe, de manière générale, efface tout ce qui n’inclut pas de pénétration. À mon sens, c’est très réducteur et très peu représentatif de ce qui fait la sexualité et le plaisir !
Enfin, j’ai compris que si cette première fois très codifiée avec laquelle on nous bassine n’existait pas tant que ça, alors, on pouvait considérer chaque nouvelle expérience comme une première fois, si on en avait envie. Le facteur anatomique, à savoir, le bout de peau qu’est l’hymen, n’est pas le facteur le plus important ! Cela nous évitera de subir une pression sur la virginité, notamment celle des femmes, les circonstances dans laquelle il faut la perdre, et sur toutes les premières fois qui la suivent. L’important, c’est le consentement et… c’est tout, en fait.
J’en profite pour adresser un petit mot à celles qui ne se sont pas encore lancées : rien ne doit ni vous presser ni vous retenir. Le bon moment, il n’y a que vous qui pouvez le définir. Ce peut être à 16 comme à 28 ans, avec votre partenaire de longue date comme avec un coup d’un soir.
À lire aussi : Le regard des autres sur ma virginité « tardive » et ma première fois à 27 ans
Crédit photo : Jonathan Borba /Pexels
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Les Commentaires
1. effectivement, la sexualité est bien loin de n'être qu'une interaction pénis-vagin (que ce soit dans une relation lesbienne, gay, hétéro ou toutes les autres),
2. certaines femmes naissent sans hymen (comme mentionné précédemment par une autre Mad);
3. parfois l'hymen ne saigne pas ou ne se déchire pas lors d'un premier rapport sexuel pénétratif;
4. les garçons naissent sans hymen et pourtant eux aussi connaissent une période "vierge de toute relation sexuelle",
etc.
Je rejoins aussi la définition donnée plus haut, à savoir que la perte de virginité commence lors d'une première interaction entre personnes à visée de plaisir sexuel.
Par contre je suis d'accord avec une définition plus floue, plus large, que j'avais également entendue ou lue quelque part : démarrer sa sexualité, ça englobe aussi les premiers flirts, premiers baisers, premières caresses (fesses, poitrine, etc.). Ce sont aussi des premières fois.
La virginité liée à l'hymen me semble également tout droit sortie du patriarcat (et comme le dirait le petit personnage de Matali.e dans le magasine Causette, patriarcat=caca !)